Francis Kova Zoumanigui, Président de la CRIEF : « Il faut renforcer notre sécurité…»

CONAKRY- Le Président de la Cour de Répression des Infractions Économiques et Financières (CRIEF) interpelle l’Etat sur la nécessité de renforcer la sécurité des magistrats de la juridiction qu’il dirige. Dans la seconde et dernière partie de l’interview qu’il nous a accordée, nous abordons les questions relatives au fonctionnement de la CRIEF, accusée à tort ou à raison par une partie de l’opinion d’être une juridiction téléguidée. A ceux qui dénoncent la lenteur des procédures, Francis Kova Zoumanigui précise qu’à la Crief, ce n’est pas une course de vitesse, mais une course de fond.  C’est un magistrat serein et déterminé qui s’est confié à notre rédaction. Exclusif !!!

AFRICAGUINEE.COM : Depuis deux mois que vous êtes président de la CRIEF après avoir été président de la chambre de jugement.  Quelles sont les réformes que vous avez déjà entreprises ?

FRANCIS KOVA ZOUMANIGUI : Nous sommes sur la dynamique, celle d’appliquer correctement la loi. On a une réunion périodique avec mes collègues pour qu’on puisse s’attacher à la Loi. On doit appliquer la loi, adopter une bonne conduite, rester fermes et sereins. On va se concentrer et aller vite. On doit être diligent dans le règlement de la procédure pour qu’il n’y ait pas de retard.

Parlant de ce retard, aujourd’hui il y a des procédures à la CRIEF qui ont pris assez du temps. Certains ont même tendance à croire que votre juridiction est téléguidée. Que répondez-vous ?

Je me débarrasse de ce genre de raisonnement. Tout ce qui reste clair, nous sommes en train de juger des procédures, et ces procédures appellent aussi à des démarches qui doivent être conformes à la Loi. Ce n’est pas une course de vitesse mais une course de fond.

Nous avons pris fonction il y a juste deux mois et quelques jours, il y a des procédures que nous avons évacuées, décision a été rendue, d’autres sont en cours. Celui qui dit que nous sommes téléguidés, ça n’engage que lui. Ce que je sais, mes collègues et moi, nous n’avons jamais reçu l’instruction de qui que ce soit, et personne n’ose le faire. Aucune autorité ne m’a une fois interpellé, aucune autorité ne le pourra pour ce qui est de ma personne. Et aucun de mes collègues ne m’a remonté une telle information. Nous sommes souverains et très indépendants.

L’Etat même perd dans les procédures ici mais est-ce que cela m’a affecté ? Non. Dans plusieurs procédures où l’Etat ne se défend pas, nous avons pris une décision en sa défaveur et nous n’avons jamais été inquiétés. Donc ce qui se raconte-là ne me ressemble pas et ne ressemble non plus à mon équipe.  Nous sommes très sereins et nous ne pouvons pas être influencés par les justiciables, les privés qui viennent, on ne peut pas. Personnellement j’ai une vie que j’ai préparée avant d’être là, et c’est quelque chose qui me permet d’exercer sereinement ma profession.

Lors de votre prise de fonction vous aviez soulevé la nécessité de la formation en continue du personnel de votre juridiction. Où est-ce qu’on en est ?

On a déjà commencé. Et à ce niveau l’Etat est en train de faire de son mieux. Récemment, nous avons eu deux formations, il y a des projets qui sont (en cours). Ça va être relancé et pérennisé. Malgré le changement de ministre, ça continue, c’est pour vous dire qu’il y a de la volonté de la part de l’Etat.

Est-ce que ces formations dénotent de la défaillance de certains magistrats dans le cadre de la conduite des procédures judiciaires sur les crimes économiques ?

Non, ce qu’il faut savoir, nous avons un métier qui a besoin d’une remise en cause. Il faut chaque fois suivre la ligne du temps, le droit évolue. Il y a des petits contours qui vous échappent, et pour ça, il faut de la formation continue.

L’espoir que la création de la CRIEF a suscité chez les citoyens guinéens est en train de s’estomper chez certains. Est-ce que vous avez un message particulier à leur endroit ?

Vous savez, chacun a son appréciation. Le juge n’a rien à dire. Son opinion, c’est dans les décisions qu’il rend. Nous avons rendu des décisions, à chacun d’apprécier. Si ces décisions ne sont pas conformes à la loi, on n’a qu’à l’apprécier après, mais toujours est-il que nous sommes sereins. Nous sommes en train de prendre nos décisions, et c’est au nom du peuple de Guinée.

Je suis juge de siège, moi, les bruits de cité là, parce qu’à chaque fois que vous prenez une décision, il y a des gens qui sont satisfaits et d’autres non, et donc, vous n’allez pas pouvoir écouter tout le temps ces gens. Ma préoccupation c’est est-ce que ce que j’applique est conforme à la loi ? C’est tout mon souci. Et pour ça, je fais tout pour que mes décisions soient conformes à la loi. Pour ce faire, nous avons une bonne collaboration, mes collègues, à chaque fois qu’on se retrouve, on discute sur le respect de la loi.

Quel votre message à l’endroit des autorités surtout face à l’insécurité ambiante ?

Mon message c’est de demander à l’Etat, les autorités à tous les niveaux de renforcer la sécurité parce que la lutte contre la corruption et la délinquance économique n’est pas aisée. C’est une lutte de toutes les minutes. Nous-même, devons-nous faire violence en évitant de tomber dans le piège de ceux qui tentent de nous corrompre. Nous-même magistrats devons chercher à moraliser nos faits et gestes parce que vous ne pouvez pas prétendre lutter contre la corruption et que vous prêtiez à cela. C’est pourquoi je dis quand quelqu’un tente une conduite de nature à vouloir corrompre, de le dénoncer et le poursuivre.

J’ai engagé une procédure dans ce sens et je veux qu’elle serve d’exemple. Même si vous êtes un ministre ou un haut fonctionnaire, qu’on nous laisse travailler sereinement. Il faut donc renforcer notre sécurité. J’interpelle surtout les collègues à être sereins, nous n’avons qu’à accomplir notre mission comme elle nous le recommande et le reste, Dieu veillera.

FIN !

Interview réalisée par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

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Créé le 5 avril 2024 06:49