Des bassaris sevrés de documents officiels à cause de leur patronyme : « On nous a expulsés du commissariat… »

CONAKRY- Le peuple Bassari est l’une des minorités ethniques qui souffre le plus en Guinée pour l’obtention des documents officiels du pays. Les neuf (9) noms Bangar, Bangonine, Bemoune, Bianquinch, Bidiar, BIESS, Bindia ou Beindia, Bonang et Boubane sont toujours considérés comme des non-guinéens par certains officiers de police ou administrateurs civils en charge de la délivrance des documents officiels tels que l’extrait de naissance, la carte d’identité ou le passeport. Africaguinee.com avait mené une enquête sur cette problématique il y a quelques années. Elle persiste encore. Explications. (Photo d’illustration, archive).

Les fils et filles de cette minorité ethnique peinent à se faire accepter en tant que Guinéens surtout dans certains lieux administratifs de Conakry. Ce mardi 9 janvier 2024, venus refaire leurs cartes d’identités nationales biométriques, messieurs Jean-Pierre Lama Boubane et Père Sébastien Bidiar se sont vus refouler par des agents de police du commissariat central de Dabompa, dans la commune de Matoto.

« Mardi matin, aux environs de 12heures UTC, nous sommes arrivés au commissariat central de Dabompa Plateau. Nous avons fait les premières formalités. Ils (agents de police) ont un bureau pour l’identité judiciaire où il y a une fiche à remplir pour la carte d’identité. A ce niveau on a chahuté avec les policiers parce qu’ils étaient surpris d’entendre les noms Bidiar pour le Père Sébastien et Jean-Pierre Lama Boubane qui portaient l’équivoque pour eux.

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Dans un premier temps, ils se regardaient entre eux mais ils ont fini par nous dire ce qui se passait. Mais on leur a fait savoir que nous venons de Koundara, il y a un policier qui est là-bas qui est d’ailleurs venu dans le bureau pour faire des papiers pour quelqu’un d’autre, ses amis lui ont dit : tu as des parents qui disent être venus de Koundara. Ils ont des noms Boubane… Il a confirmé que oui, c’est des noms de famille des certains peuples de Koundara. Il a demandé de quelle commune venons-nous à Koundara, j’ai répondu que c’est à Guingan. Il a signifié à ses collègues que nous sommes bien de Koundara. A partir de là on s’est dit que c’était fini, notre calvaire. Mais rien n’était encore décidé car le dernier mot revenait au commissaire adjoint, un certain Réné… Ce dernier dit non, que c’est des noms qu’il ne connait pas et qu’il va falloir chercher des certificats de nationalité. Quand il l’a dit, le ton est monté entre lui et le père Sébastien alors que je les attendais, dehors.

Du coup, j’ai vu le Père sortir, énervé. Je me suis approché de lui, il m’a fait savoir qu’il y a un problème avec nos patronymes. J’ai voulu attester que nous sommes effectivement des bassari de Koundara mais on ne nous a même pas donnés le temps de s’expliquer, on nous a expulsés des lieux », explique Jean-Pierre Lama Boubane.  

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Leur calvaire ne s’est pas limité là. Ils ont quitté le commissariat très irrité. Ensemble, ils décident d’aller à Coyah pour obtenir les papiers. Là également, il leur a fallu le concours d’un procureur originaire de Koundara qui connait bien les bassaris pour débloquer leur situation. Mais leurs peines n’étaient pas finies. Jean-Pierre Lama Boubane dénonce une situation inadmissible.

« De là, on était obligé d’aller à Coyah voir si on pouvait obtenir le papier requis. Nous nous sommes rendus là-bas vers 9 heures. Sur place j’ai trouvé le substitut du Procureur Yaya Fatoumata Boiro, qui connait les bassaris parce qu’originaire de Koundara. Il a pris les dossiers pour aller vers les concernés qui devaient établir le document. Effectivement on lui a fait comprendre qu’il fallait quelqu’un qui soit de Koundara qui atteste notre ‘’guinéenneté’’ de Koundara.

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Ceci étant fait, je suis sorti appeler le doyen Charles Tama Camara, enseignant à la retraite qui m’a fait parvenir sa carte d’électeur. C’est ce que j’ai photocopié et joint à nos deux extraits de naissance. Il est reparti voir les conseillers mais par après on lui a fait savoir qu’il faut quelqu’un qui soit Boubane et qui est détenteur de carte d’électeur ou d’extrait de naissance biométrique, et pour le Père Sébastien, quelqu’un qui soit Bidiar et que ce nom soit sur sa carte d’électeur ou d’extrait de naissance. Nous sommes en train de fouiller dans Conakry et voir au sein de la communauté qui peut répondre à ces critères-là. J’ai demandé alors et si un de nous a un passeport ? Il m’a dit que ça peut passer, je lui ai donc signifié que le Père Sébastien Bidiar détient un passeport et dont on m’a fait parvenir le scanner. Mais moi, il faut que je trouve un monsieur Boubane, détenteur de carte d’électeur ou d’identité. C’est vraiment inadmissible que des agents de l’Etat guinéen continuent à ignorer qu’il y a une communauté guinéenne appelée bassari (e) dans ce pays », a dénoncé Jean-Pierre Lama Boubane.

Des bassaris de Guinée

Le peuple bassari se trouve précisément à cheval sur la Frontière Sénégalo-Guinéenne, dans les Communes Rurales de Guingan et de Termessé. C’est dans la préfecture de Koundara, région administrative de Boké. Cette partie occupée par cette minorité est communément appelée « Pays Bassari ». Elle se trouve dans la partie Ouest des Monts Wora, dans le Dama ou Fouta Djallong.

Pour plus de détails sur cette communauté ethnique de Guinée, merci de lire ce reportage réalisé en décembre 2022 par Africaguinee.com : Guinée : Qui sont les bassaris ? 

Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 664 72 76 28

Créé le 11 janvier 2024 06:02

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