Dépénalisation des infractions mineures : Des acteurs de la chaine pénale se concertent à Conakry

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CONAKRY-Face à la surpopulation carcérale de plus en plus galopante en raison du flux à l’entrée qui reste incomparable à celui à la sortie, les politiques carcérales recherchent de nos jours la dépénalisation d’infractions légères. C’est dans cette optique que l’ONG « Mêmes Droits pour Tous » (MDT) a organisé une Table Ronde à l’endroit des acteurs de la chaine pénale.

Cette importante rencontre d’échanges entre les acteurs de la chaine pénale a été organisée ce vendredi 8 octobre 2021, grâce au soutien technique et financier de la Fondation OSIWA. Outre le directeur national des Affaires civiles et des Sceaux, Alpha Saliou Barry, des officiers de police judiciaire, des magistrats venant des Cours et Tribunaux de Conakry, des avocats et des défenseurs des droits de l’homme, ont pris part à cette rencontre. L’objectif de cette table ronde était de sensibiliser et informer les acteurs de la chaine pénale sur les délits mineurs et la nécessité de les inscrire dans les politiques pénales.  

En Guinée, la poursuite et la sanction des infractions par les juridictions répressives connaissent des difficultés liées aux différents modes ou mesures de traitement. Au sens de l’article 39 du Code Pénal, toute infraction dont la répression n’excède pas 6 mois de prison ferme est considérée comme « délit mineur » bien qu’aucune liste ne soit dressée de ces infractions.

Mais dans la pratique, les personnes poursuivies pour ces infractions sont jugées et détenues alors qu’elles auraient pu bénéficier des mesures alternatives, rappelle le coordinateur national de l’ONG MDT.

Cette situation engendre d’énormes problèmes quant à la gestion de la détention préventive. C’est pourquoi il est aujourd’hui possible de proposer pour des infractions mineures, des mesures de traitement spécifiques en lieu et place de l’incarcération afin de contenir dans des proportions tolérables la population carcérale.

Dans un premier temps, le coordinateur national des MDT a indiqué que les infractions mineures sont des infractions de faible gravité dont la sanction ne dépasse pas six mois ou maximum un an. Ce sont des infractions qui ne sont pas des crimes de sang, des crimes économiques d’ampleurs.

Pourquoi les dépénaliser ? 

« C’est des infractions de police qu’on appelle infraction de contravention qui n’ont pas besoin d’être sanctionné par l’emprisonnement. La dépénalisation de ces délits répond à deux soucis. Le premier c’est celui du respect des droits de l’Homme. Parce que pénaliser certaines infractions mineures comme la mendicité, la fileterie filouterie (quelqu’un qui a faim, qui a mangé mais qui n’a pas payé, donc volé un plat), pénaliser ces infractions c’est une pénalisation de la pauvreté. Et emprisonner quelqu’un, c’est lui fouler au pieds ces droits. Ce n’est pas respecter sa dignité, c’est en terme de traitement inhumain et dégradant, c’est exactement la situation. En terme de détention arbitraire c’en est une. Donc, de ce point de vue, c’est une violation des droits de la personne.

Deuxième niveau, en terme de politique même pour l’Etat, la détention elle est coûteuse. Entretenir une maison d’arrêt, c’est une question de moyens. Aujourd’hui nous constatons une surpopulation carcérale où la majorité des détenues ou la bonne partie d’entre eux sont poursuivies pour des infractions mineures et autres. L’Etat doit entretenir ces personnes. S’il y a une politique pénale qui essaie de faire le tri des personnes qui sont poursuivies pour des infractions majeures, des infractions qui ont des répercussions sur les victimes et même pour l’Etat de façon négative, si l’Etat se consent derrière ces infractions, les moyens mis en œuvre pour entretenir les détenus iront dans ce secteur. Ce sont ces deux éléments qui nous ont poussés à nous engager dans la lutte pour la dépénalisation des infractions mineures. Il ne s’agit pas d’une impunité, au contraire, la loi pénale elle-même a déjà prévu des peines alternatives à la détention, ce n’est pas dans tous les cas que le juge peut avoir recours à la détention. Les travaux d’intérêt général, le fait pour un détenu ou quelqu’un qui est détenu pour une infraction soit condamnée à des travaux d’intérêt général, c’est déjà une sanction. Quelqu’un qui est reconnu pour une infraction est condamnée au paiement d’un montant en terme d’amende ou chaque jour c’est lui qui doit aller se déplacer, payer une partie de l’amende où il est contraint de rester pour payer cette amende, c’est déjà une sanction », a expliqué le coordinateur les Mêmes Droits pour Tous.

De son côté, le représentant du ministère de la justice, M. Alpha Saliou Barry, directeur national des affaires civiles et du sceau, a tout d’abord apprécié l’ONG Même Droit pour Tous pour l’organisation de cette table ronde autour d’un sujet aussi important.

« Je suis venu prendre part à cet atelier de renforcement de capacité sur les infractions que nous nous proposons d’envisager pour désengorger les Cours et Tribunaux, et atténuer les sanctions pénales, à l’endroit de nos concitoyens. Cet atelier nous a permis de rencontrer des bonnes personnes notamment l’ONG les Mêmes Droits pour Tous ainsi que le consultant Mohamed Diawara qui est l’auteur du rapport en relation avec les MDT dans le cadre des plaidoyers pour la dépénalisation des infractions mineures en Afrique et particulièrement en Guinée », a déclaré M. Barry. 

Cette table ronde a permis aux participants, dont le représentant du ministère de la justice, de s’approprier du rapport présenté par le consultant.  « Nous avons eu l’occasion de discuter avec les personnes qui sont venues au tour de cette table pour une meilleure compréhension du sujet des infractions mineures. Ces infractions nous ont intéressées au point que nous sommes tous maintenant des partisans d’envisager un dispositif législatif pour prendre en compte ces infractions à l’effet d’obtenir leur dépénalisation. Parce qu’en Afrique tout ne doit pas être réglé par la voie judiciaire. Si on parvenait à atténuer la portée de ces infractions en les dépénalisant, l’Africain va être encore mieux social, voisin, parent à son ami. Donc, vaut mieux qu’on dépénalise et qu’on trouve de solutions pour gérer ces infractions, que chaque fois qu’il en est question qu’on soit obligé de passer par la voie judiciaire pour interpeller, arrêter, juger et condamner, ça déshumanise, discrimine. Pour aboutir donc à ce que je viens d’énumérer, nous plaidons désormais pour que les infractions mineures soient dépénalisées », a lancé Alpha Saliou Barry, directeur national des affaires civiles et du sceau.

De son côté, M. Amirou Diawara, consultant et présentateur d’un rapport d’étude réalisée par MDT sur les infractions mineures dans les 8 régions administratives de la Guinée, a fait savoir que le constat sur le terrain révèle qu’il y a ‘’un recours excessif à la détention provisoire’’

« Soixante-quinze pour cent (75%) des détenus qui étaient condamnés à des peines de 0 à 1 an, c’est-à-dire moins d’un an, étaient en détention provisoire. C’est des personnes, dans les conditions normales, ne devraient pas se retrouver en Prison parce que c’est des infractions mineures. Ce qui nous a beaucoup scandalisé, à Kankan par exemple, on s’est rendu compte, il y avait un manœuvre qui était en prison pendant onze mois il n’avait pas vu le juge d’instruction et tout simplement parce qu’il avait volé une brouette dans un chantier. Il y avait un autre aussi qui avait volé trois poulets, il avait fait 18 mois en détention provisoire.  C’est des cas très isolés mais cela prouve combien de fois il faut remercier l’ONG Mêmes Droits pour Tous et OSIWA qui a appuyé cette étude pour sensibiliser les pouvoirs publics à dépénaliser les infractions mineures ou travailler à des alternatives parce que le code pénal de 2016 a prévu cette possibilité aux magistrats », a déroulé M. Amirou Diawara.

Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel: (00224) 655 31 11 14

Créé le 9 octobre 2021 01:46

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