Bah Oury : « La Cédéao fait confiance au CNRD… »
CONAKRY-BAH Oury s’est prononcé sur les conclusions du sommet de la Cedeao, tenu dimanche 10 décembre 2023 à Abuja. Dans cet entretien accordé à Africaguinee.com, le président du parti UDRG s’est aussi exprimé sur l’avenir du dialogue politique inter-guinéen ainsi que de l’actualité qui touche les médias locaux. L’ancien ministre de la réconciliation nationale évoque aussi d’autres sujets. Entretien exclusif !!!
AFRICAGUINEE.COM : Le rapport du dialogue politique inter-guinéen a été remis au Chef de l’Etat. Vous êtes un acteur clef de ce processus. Quelles sont les grandes articulations de ce document transmis au colonel Mamadi Doumbouya ?
BAH OURY : Le rapport fait état des travaux thématiques qui ont jalonné pratiquement les douze derniers mois de l’existence du cadre de dialogue, en ce qui concerne le suivi de certaines activités principales, notamment le RGPH, le RAVEC et le processus de rédaction du projet constitutionnel et puis la question des libertés publiques. Ce sont les principaux points qui ont été abordés dans ce présent rapport. A mi-parcours, le document jette la lumière sur là où nous en sommes par rapport au processus du retour à l’ordre constitutionnel. Donc, c’est une photographie de l’instant. Mais cela veut dire que ce qui est projeté, doit être poursuivi à travers des activités qui sont déjà plus ou moins identifiées.
Quelle sera la prochaine étape ?
Je crois que le cadre de dialogue va continuer sa mission par rapport au suivi des 35 résolutions qui ont été adoptées tout au début de l’année et à la fin de l’année 2022. Ensuite, je pense que le cadre va continuer à travailler pour corriger certaines imperfections qui ont été constatées durant l’année 2023, et chercher à s’élargir pour convaincre ceux qui sont réticents à rejoindre le cadre de dialogue.
D’ores et déjà, il faut noter que parmi ceux qui sont réticents, il y a trois nouvelles coalitions qui ont marqué leur entrée au niveau du cadre de dialogue et s’impliquent pour travailler avec les autres coalitions qui étaient là dès au début. Donc, ça c’est une bonne chose.
Comment réagissez par rapport à la promulgation des Lois sur le Recensement administratif à vocation d’état civil (RAVEC) ?
C’est une loi nécessaire pour l’encadrement de la collecte des informations sur les guinéens. Et comme vous le savez, le RAVEC avec les numéros d’identification que chacun d’entre nous doit avoir, doit être encadré sur le plan juridique. Le ministère de l’Administration du territoire, avec la promulgation de cette loi, a maintenant les coudées franches pour lancer la phase opérationnelle concernant l’enrôlement des citoyens guinéens de la manière la plus large dans le cadre du plan national de recensement à vocation d’état civil qui est le prélude pour l’édification du fichier électoral.
Les dirigeants de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) se sont réunis le 10 décembre pour la 64ème session ordinaire de la conférence des Chefs d’Etat et de Gouvernement. Quelle lecture faites-vous des conclusions issues de ce sommet ?
Ce sommet s’est beaucoup plus accentué sur les questions sécuritaires, notamment la situation du putsch qui a été perpétré au Niger. C’est le principal point qui a retenu l’attention des observateurs. Il y a aussi la question des forces en attente de la CEDEAO, l’ECOMOG par rapport à la situation sécuritaire du SAHEL, puis la recrudescence des tentatives des coups d’Etat comme ce qu’on a vu en Guinée-Bissau et en Sierra Leone.
Tout cela dénote une sensibilité sécuritaire préoccupante sur l’ensemble de l’espace Cédéao. En plus de cela, il faut noter la sortie très honorable du président George Weah qui a contribué à stabiliser, institutionnellement, le processus politique et démocratique du Libéria. Et là, c’est une note très positive qui réconforte tous les démocrates ouest-africains.
Le cas spécifique de la Guinée n’a pas été au centre des débats. N’est-ce pas un signe d’éloignement ?
Non, la Cédéao ne s’éloigne pas de la scène guinéenne, tout au contraire. Je pense que la particularité de la Guinée est différente aux autres pays qui sont dans le même contexte institutionnel que le nôtre. Je pense que, d’une manière ou d’une autre, il y a plus de confiance, en ce qui concerne l’évolution politique de la Guinée. C’est la raison pour laquelle, il y a cette accalmie, il y a moins d’agitation. Cela prouve que la Cédéao fait confiance au CNRD dans la mise en œuvre du processus politique qui est engagé.
Plusieurs médias locaux sont victimes de censure. Quelle analyse faites-vous de cette situation ?
La presse guinéenne est relativement jeune. Le contexte politique de notre pays est très instable. De la même manière que nous devons contribuer à consolider les institutions politiques de la Guinée, de la même manière, la presse de manière générale doit consolider son approche et son professionnalisme pour être en capacité d’agir conformément aux principes déontologiques qui siéent à une presse indépendante et responsable. Il y a eu des manquements, c’est clair. La manière dont les informations sont traitées, il y a des améliorations extrêmement importantes à apporter pour ne pas que les médias servent à relayer des rumeurs ou des activités qui ne font pas preuve de professionnalisme et qui contribuent à être très partisanes. Ça ne permet pas à l’opinion d’avoir une idée beaucoup plus objective et claire de l’évolution de la situation.
C’est une question de responsabilité que la presse elle-même doit prendre en compte et de se référer aux principes déontologiques liés à la profession. J’avoue que de ce point de vue, la presse guinéenne a encore des progrès à faire.
Il y a eu un laisser-aller de la part de la Haute Autorité de la Communication parce qu’il ne faut pas laisser les dérapages se poursuivre et réagir de manière impulsive. Ce n’est pas du tout conforme à ce qu’une autorité de régulation doit mettre en avant. Comme ils (commissaires de la HAC) ont dit que c’est pour des questions sécuritaires, il est nécessaire, étant dans un pays ouvert, démocratique, de justifier en quoi l’argumentation sur la question sécuritaire est invoquée. Sinon, ça peut être un argument bateau qui ne peut pas convaincre. Et, nous avons une culture de complotite ancienne qui date de très longtemps. Il ne faudrait pas que des mots aussi graves soient utilisés sans pour autant les étayer.
Est-ce que les dérapages que vous avez mentionnés justifie pour autant le brouillage des ondes ?
Ce n’est pas nécessaire de brouiller les ondes. Ce sont des méthodes qui sont totalement révolues. Si quelqu’un faillit dans le cadre de la mission, il faut utiliser le principe de droit et le sanctionner en conséquence avec des éléments de preuve. De ce point de vue, la Haute Autorité de la Communication doit faire preuve de beaucoup de professionnalisme et de proactivité pour sanctionner toute dérive pour éviter que d’autres activités allant dans le sens des brouillages ou d’autres méthodes qui ne correspondent plus à l’ère du temps. C’est la HAC qui doit agir conséquemment en amont et en aval pour que les principes de droit soient totalement respectés. Si celle-ci faillit, ça laisse libre court à d’autres initiatives qui peuvent être malencontreuses par rapport aux principes démocratiques, de la liberté d’expression et de la presse.
Votre dernier mot ?
Je profite de cette occasion pour rendre hommage à une grande amie de la Guinée, qui est décédée hier, madame Nadine Barry, qui a passé toute son existence en étant focus sur la situation guinéenne, sur la situation des droits de l’homme, sur l’amour qu’elle porte à la Guinée, pour que ce pays, qui est le pays de son mari, le pays de ses enfants, puisse avoir une évolution beaucoup plus harmonieuse et positive.
Elle s’est éteinte le 10 décembre 2023 à Lille de la Réunion, auprès de ses enfants. C’est une occasion de lui rendre hommage à son domicile à Kipé. C’est une grande amie de la Guinée qui s’est éteinte ainsi. Elle n’a jamais ménagé aucun effort pour faire ce qu’elle peut faire, pour l’intérêt de la Guinée, pour l’intérêt des plus pauvres et pour le rayonnement de ce pays qu’elle a beaucoup aimé.
Entretien réalisé par Dansa Camara DC
Pour Africaguinee.com
Créé le 12 décembre 2023 11:25Nous vous proposons aussi
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