Nouvelle Constitution, cas d’Alpha Condé, glissement de la transition : Les vérités crues du Pr Salifou Sylla… « interview »

CONAKRY- La Guinée s’achemine vers la fin du chronogramme de la transition acté avec la CEDEAO (Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest). Mais à huit mois de l’échéance, aucun point des dix étapes prévues dans le calendrier n’est bouclé à date. Les premières ébauches de la nouvelle Constitution attendues en mars 2024 ne sont toujours pas rendues publiques.  Au contraire, le Premier Ministre Bah Oury agite même le spectre d’un glissement du chronogramme de la transition, mais une partie de la classe politique s’y oppose. Dans ce contexte de regain de tension, votre quotidien électronique a été reçu par l’éminent intellectuel, le Pr. Salifou Sylla. L’ancien ministre de la Justice donne sa lecture sur ces différentes problématiques et propose des pistes de solutions. Et, c’est sans langue de bois. Entretien exclusif !!!

AFRICAGUINEE.COM : Près de trois ans après le coup d’Etat du 5 septembre 2021, les Guinéens attendent toujours la nouvelle Loi Fondamentale qui n’arrive pas à être publiée. A votre avis d’expert, quelle Constitution faut-il pour la Guinée ?

PR. SALIFOU SYLLA : J’ai appartenu à des structures qui ont élaboré des Constitutions comme celle de mai 2010. Quand nous étions au CNT (Conseil National de la Transition), on avait simplement dit de faire la relecture de la Loi Fondamentale de 1990 et de l’enrichir. Ce qui veut dire que la constitution qui a été faite en 2010 en réalité, c’était la Loi Fondamentale de 1990 révisée et enrichie. C’est tout ce qu’on nous avait demandé. On ne nous avait pas demandé d’écrire une nouvelle constitution. En fait, en 2010 ce n’était pas une nouvelle constitution. Cette constitution pouvait très bien fonctionner.

En 2020, Alpha Condé voulait faire un 3ème mandat, mais la Constitution de 2010 ne lui permettait pas puisqu’il y avait des dispositions qui l’interdisent. Il a convoqué certains juristes qui se sont évertués à démontrer que les règles qui se trouvaient dans la constitution de 2010 lui permettaient de faire un 3ème mandat, mais malgré toutes les arguties qu’ils ont apportées finalement ils ont trouvé que ça ne pouvait pas marcher. Il a trouvé que le moyen le plus facile pour lui, c’était de changer de constitution. L’objectif fondamentale de la constitution de 2020 était de permettre à Alpha Condé de rester au pouvoir puisque, s’il y avait des choses différentes entre la constitution de 2010 et celle de 2020,  elles étaient très superficielles.  Et c’est ce 3ème mandat qui nous a conduit à ce coup d’Etat.

Quand ils sont arrivés au pouvoir, ces militaires (le CNRD ndlr) ont fait une Charte de la Transition, leur Constitution à eux. Mais quand vous lisez cette Charte, de par sa structure c’est une Charte qui donne d’immenses pouvoirs au président de la république dans son essence, dans ses attributions de pouvoirs et dans leurs répartitions. Il n’y a pas de changements, c’est un régime ultra présidentiel qui donne beaucoup de pouvoirs au Chef de la Transition. Parce qu’il nomme le premier ministre, il peut le décharger, il nomme les ministres, il peut les changer, c’est lui qui nomme les membres du CNT. Donc, ça fait d’énormes pouvoirs.

Maintenant ils (membres CNRD ndlr) ont dit qu’il y aura une nouvelle Constitution qui nous ‘’ressemble et qui nous rassemble et qu’elle va faire une refondation de l’Etat’’. Je ne sais pas ce que ça veut dire. Je crois qu’ils sont en train d’élaborer le projet de la Constitution qui n’arrive toujours pas à sortir. Mais ce que je comprends, il y a certains qui sont dans le CNT qui élaborent la constitution mais même les autres membres du CNT ne sont pas au courant.

Quelle Constitution pour la Guinée ?

Celle de 2010 on pouvait l’améliorer et l’appliquer. Comme ça, on ne se serait pas lancé dans l’élaboration d’une nouvelle constitution. Normalement, on doit présenter le texte à la population pour en discuter avant de prévoir un référendum au cours de cette année. Mais on parle de référendum alors qu’on ne connait pas le texte d’abord ? Ils nous disent que c’est une constitution qui nous rassemble, qui nous ressemble et qu’on ne va pas réviser facilement. Mais ça dépend. Toute constitution est élaborée en fonction des facteurs du moment, économiques, sociaux et tout. Mais dans l’histoire, les facteurs sont appelés à évoluer et si les facteurs évoluent, on est obligé de réviser pour adapter à la situation. Ils nous disent que ce sera une constitution qui résistera au temps mais il faudrait qu’on nous donne le contenu de cette ‘’constitution qui résistera au temps’’.  Après, nous verrons si elle résiste au temps ou pas, nous verrons quelle sera la répartition des pouvoirs et tant d’autres. Nous attendons cette constitution pour voir si vraiment elle nous rassemble, ou nous ressemble ou bien si elle va résister au temps.

La dernière fois, le CNT avait organisé un symposium sur la constitution. Ce jour j’ai répondu à certains d’entre eux qui disent que si les choses ont échoué en Guinée c’est du fait de la constitution. Je leur avais dit que je n’étais pas d’accord. Ce n’est pas la constitution qui a fait rater les choses en Guinée, mais plutôt ce qui a fait rater les choses en Guinée ce que la constitution n’a jamais été respecté. La Constitution, si on ne la respecte pas elle devient un chiffon. Un texte qu’il soit beau, qu’il soit écrit en lettres d’or, mais s’il n’est pas respecté, c’est un chiffon.

Le problème fondamental dans nos pays, c’est le problème de respect de la constitution. Même si la constitution n’est pas bien faite mais si elle est respectée et que les gens ont la conviction qu’on doit respecter les règles et que ces règles-là sont respectées, la constitution marchera. S’il y a eu des coups d’Etat c’est parce que la CEDEAO n’a jamais fait respecter ses décisions et les pays n’ont jamais respecté leurs constitutions et leurs lois. Par exemple en Guinée on avait dit que la transition allait durer 2 ans et ils ont signé avec la CEDEAO.  Et maintenant, le nouveau premier ministre monte pour nous dire ‘’je crois que 2024 là ne peut pas marcher donc il faut envoyer en 2025’’. Vous voyez, on remet tout en cause. Quand vous n’avez pas la stabilité dans ce que vous dites, vous n’avez pas de respect pour votre parole aussi, alors ça ne peut pas être une chose facile. Et, nous sommes dans cette situation.

Alors selon vous quelles vont être les conséquences du non-respect du chronogramme des 24 mois de la transition censée initialement finir le 31 décembre 2024 ?

Ça, je ne sais pas ! Parce qu’il y en a qui ont soutenu ce régime militaire depuis le début, tout ce qu’il fait, eux, ils sont d’accord. Et souvent c’est des petits partis politiques qui n’avaient aucune valeur sur le plan institutionnel et qui ne représentaient rien et dont les militants ne peuvent pas remplir mon salon. Ils ont accompagné le CNRD parce que ça leur permet d’exister et d’aller parler dans les médias. Mais les principaux partis politiques parce qu’il faut le dire, les partis les plus importants que nous connaissons tous ont été mis à la touche. En fait, ils ont voulu écarter les principaux partis politiques ainsi que leurs dirigeants.

C’est évident, il y a des processus électoraux dans ce pays. Et tout le monde sait que les partis politiques qui, si on mesure par leur audience électorale,  les importants c’est l’UFDG, le RPG et l’UFR mais ils ne sont pas dans les négociations-là. Mais il y a des petits partis qui sont sur les réseaux sociaux, dans les télévisions, on leur permet de parler.  Mais leur but c’est essentiellement de flatter ceux qui sont au pouvoir. C’est leur fonds de commerce et c’est ce qui leur permet d’exister.

En 2010, on nous avait demandé de faire la Constitution en six (6) mois et on a tenu. On a mis le CNT en février 2010 et au mois de juin on avait déjà fini de faire la constitution. Et il était dit que dès la mise en place de la constitution, on élit le Président de la république et dans les six (6) mois qui vont suivre, on élit l’assemblée nationale. Nous on avait tenu cela, le président a été élu, on sait dans quelle condition il a été élu en 2010. Mais au lieu de respecter les 15 jours entre le 1er et le 2ème tour, on a fait quatre (4) mois pour préparer la fraude. On exécute les textes en fonction des intérêts de celui qui est au pouvoir.

A suivre !

Interview réalisée par Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Créé le 29 avril 2024 08:30

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