Tougué/Une école pas comme les autres : reportage inédit à Gourbali…
TOUGUE- C'est une école qui n'est pas du tout comme les autres, située, tenez bien dans le secteur Gourbali dans la commune urbaine de Tougué, en Moyenne Guinée. Depuis l'indépendance de la Guinée, il y a plus de 60 ans, cette localité n'a jamais bénéficié d'une infrastructure venant de l'Etat. Des milliers d'enfants ont été privés d'instruction, pendant de très longues années, dans cette bourgade. Face à l'indifférence de l'Etat, les ressortissants du village, ont trouvé un moyen palliatif, pour instruire les enfants, en attendant de trouver mieux. Ils ont construit, à base bambous une hutte, qui sert d'école qui a ouvert ses portes cette année. L'infrastructure est saisissante. Un seul enseignant communautaire entretient les enfants, une cinquantaine. Suite de notre série de Reportage dans cette localité.
Relevant du district de Sandakké situé à 22 kilomètres de la commune urbaine de Tougué, le village de Gourbaali manque d’école. De loin, vous apercevez un hangar fait à base de palissades et de bois qui rassemble fort à une cabane abandonnée. Vous n’imaginerez pas qu’on puisse réunir des êtres humains surtout des enfants en dessous. Au fur et à mesure que vous vous approchez, vous vous rendez compte que c’est une école.
En réalité, le district de Sandakké n’a pas eu d’école depuis l’indépendance. Ce hangar est construit par les ressortissants pour scolariser les enfants étant donné qu’ils ne peuvent aller à Tougué centre situé à 22 km. Avant, le seul moyen de scolariser leurs enfants, les parents étaient obligés de les confier dans des familles d’accueil en ville. Face à la situation, les ressortissants ont pris l’initiative, en début 2021, de construire ce hangar d’une capacité d’accueil de 50 élèves en deçà du nombre d’enfants en âge d’être scolarisés. Mamadou Dian Camara est le seul enseignant. Chaque matin, à 7h45, il se retrouve avec ses élèves au tour du mât pour la montée du drapeau. Ici, les cours sont dispensés jusqu’à 13h 30.
« Tenez-vous bien, la première école dans ce village c’est ce hangar qui a été construit en 2021. Auparavant, il n’y en avait pas. Tous les enfants font la première année, mais n’ont pas le même âge. L’autre problème, c’est l’insouciance comme tout enfant. Ils ne savent pas d’abord pourquoi ils sont là. Ensuite, certains viennent sans prendre leur petit-déjeuner et se retrouvent à pleurer de faim. Notre effectif est de 50 élèves dont 12 filles. Pendant le premier semestre, nous avons eu 40 admis sur les 49. Les enfants comprennent vite malgré l’état de l’école. Voyez vous-mêmes, c’est une cabane et nous sommes dans la commune urbaine de Tougué. C’est la seule école de Tougué centre qui présente cette image. Un hangar. C’est une seule classe, il fait excessivement chaud. Dans la cour, il n’y a aucun arbre pour nous mettre à l’abri du soleil. Nous n’avons pas de l’eau à boire ici. C’est des difficultés. Nous avons peur que des animaux comme des reptiles nous trouvent dans la classe. Au début, il y avait des herbes partout autour », s’alarme Mamadou Dian Camara, enseignant communautaire à Gourbaali.
Le maitre d’école est recruté et payé par les ressortissants du village. Il se demande déjà comment trouver de la place pour les enfants qui viendront l’année prochaine. « A tout moment, je m’interroge comment trouver de la place pour des enfants en âge d’aller à l’école à la rentrée prochaine alors que la classe est bourrée cette année. S’il n’y a pas une autre classe et un autre maitre, je serai dans l’obligation de faire un régime de multigrade. C’est-à-dire deux classes à niveau diffèrent dans une seule. C’est fatiguant, on est obligé de préparer les cours pour chaque niveau. Cela aussi joue beaucoup sur la bonne compréhension des cours par les enfants. Nous demandons aux autorités de nous aider à avoir 3 salles de classe au moins, un puits et les autres outils pour un meilleur enseignement à Gourbaali », plaide-t-il.
Boubacar Bailo Diallo, la cinquantaine, a eu l’occasion d’inscrire 5 de ses enfants en première année. Il explique comment cette école a été construite. « C’est grâce à nos ressortissants que nous avons cette école. Avant, il n’y avait pas d’école. A la hauteur de leurs moyens, ce hangar a été installé. Nous avions voulu inscrire beaucoup plus d’enfants, mais les places sont insuffisantes. La salle est petite et exiguë et ne peut contenir tous les enfants du village. J’ai 5 de mes enfants dans la classe tous inscrits cette année. Certains devraient aller à l’école avant cette année mais faute d’école, ils ont perdu quelques années. Nos enfants chôment, nous voulons qu’il y ait un moyen de les inscrire tous. Nos ressortissants ont investi ce qu’ils peuvent pour nous. Le gouvernement doit faire sa part. Depuis le temps de Sékou Touré, on nous a promis une école jusqu’à présent rien. Cette année, on s’est dit, si on ne fait pas pour nous-mêmes, nos enfants resteront sans aller à l’école », confie ce parent d’élèves qui sollicite l’aide de l’Etat et des bonnes volontés.
Ressortissant résidant à Conakry, Mody Ibrahima Barry rappelle que rares sont les enfants de Gourbaali qui ont pu fréquenter l’école. « La cabane que vous voyez, c’est juste une intention ce n’est pas une école. Nous voulons vraiment une école. Si tous les enfants du village sont réunis, trois classes même ne peuvent pas les contenir, mais nous n’avons pas les moyens. Si on ne fait pas ce hangar aussi, nous allons continuer à sacrifier nos enfants aussi comme c’est le cas depuis l’indépendance. Aucune école n’est proche de nous ici. Avant, c’est ceux qui ont des parents ailleurs qui y envoient leurs enfants afin qu’ils étudient, d’autres les envoient en ville avec eux. Maintenant, ceux qui n’ont personne ailleurs, les enfants sont restés ici sans instruction. Nous avons quelques enfants du village qui ont fini les études, mais tous avaient dû quitter pour aller étudier ailleurs. Nous avons informé les autorités de Tougué de l’ouverture de cette école. Ce sont eux qui nous ont trouvés cet enseignant communautaire, mais c’est nous qui le payons. Les enfants qui sont inscrits ont presque dépassé l’âge d’aller à l’école. Il y a des petits enfants qui en ont l’âge, mais par manque de place, nous les faisons attendre d’abord en attendant d’avoir les moyens de les inscrire. Nous ne pensons pas pouvoir les inscrire même l’année prochaine par manque de place », témoigne-t-il.
Le président de district de Sandakké, Mody Amadou Sow, estime que son village est oublié par les autorités. « Nous avons beaucoup de problèmes. Le district de Sandakké est enclavé. Gourbaali c’est un secteur situé loin de Sandakké. Il y a 12 km qui nous sépare du village de Kolokou où il y a une école. Il est impossible pour un enfant de parcourir cette distance pour aller étudier. Si tu marches 12 km, tu cherches un endroit pour te reposer et non pour étudier. Vu tous ces facteurs, il a fallu qu’on pense à mettre ce hangar en attendant. Nous n’avons pas où confier tous ces enfants en ville pour qu’ils puissent bien étudier là-bas », relate-t-il.
Natif de Gourbaali, Elhadj Aliou Barry réside à Gueckedou. Venu revoir sa famille, il décrit le calvaire quotidien auquel son village est confronté. « Même si nous devons avoir des aides pour changer l’image de notre village, c’est l’Etat qui se mettra devant. Dès que vous rentrez dans notre village, vous verrez vous-mêmes, inutile de vous dire le calvaire que nous subissons ici. Nous sommes encore en saison sèche, en saison pluvieuse, c’est les déplacements qui seront réduits, nous ne pourrons pas aller loin à cause des problèmes d’accès. Ça fait mal quand il faut la mobilisation des ressortissants pour faire une école. Des citoyens ne peuvent pas jouer le rôle de l’Etat. Nous avons vu des petits villages de très petits villages moins peuplés que Gourbaali qui disposent d’une école, d’autres même d’un collège», déplore-t-il.
A Suivre…
Alpha Ousmane Bah(AOB)
Pour africaguinee.com
Tel. (+224) 664 93 45 45
Créé le 28 mai 2021 11:01Nous vous proposons aussi
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