Sud de la Guinée : Immersion à Yomou, une préfecture en manque de tout…

Yomou

YOMOU-La préfecture de Yomou est la plus enclavée de la Guinée forestière. Elle est située à seulement 63 kilomètres du chef-lieu de la région administrative de N’Zérékoré. Pourtant, il faut des heures de route pour arriver dans cette ville dépourvue de tout. Le manque d’infrastructures routières, administratives,  de services sociaux de base (eau, électricité) est criard. Depuis l’indépendance de la Guinée en 1958, cette préfecture n’a jamais connu un kilomètre de bitume. Reportage.

Les populations de cette ville vivent essentiellement de l’agriculture, de l’élevage et du commerce. Située dans le Sud-est de la Guinée près du Libéria, Yomou fait partie des parents pauvres des préfectures de la Guinée. L’Etat n’y a presque rien investi de visible pour améliorer les conditions de vie des populations. De nos jours, la préfecture est en manque de tout. Pas d’électricité, pas de routes, pas de stations service…même les jeunes sont sevrés de lieux de loisirs dignes de nom. En saison des pluies, il est très difficile de s’y rendre. La dégradation poussée de la route est telle que de nombreux transporteurs routiers n’osent pas s’y aventurer.

La misère dans laquelle les populations de cette ville sont plongées contraste largement avec ses potentialités. La pluie est abondante, le sol est fertile. On cultive, le café, le cacao, le riz, la banane, on produit l’huile de palme. Mais les producteurs agricoles ont du mal à écouler leurs produits, faute de route. A chaque saison des pluies, à la limite, Yomou déjà enclavée, est coupée du reste du pays. Aujourd’hui, citoyens comme autorité administrative, tout le monde pense que la priorité est de bitumer la route N’Zérékoré-Yomou.

‘’Aujourd’hui la préoccupation réelle des citoyens de Yomou, c’est la construction de la route entre Nzérékoré-Yomou. Si cette route est travaillée jusqu’à la frontière, ça va vraiment mettre toute cette population à l’aise. Ça joue même sur le marché hebdomadaire parce que la circulation des hommes et des produits sur Yomou, devient très difficile. Notre souhait aujourd’hui c’est de voir cette route bitumée. Ça va nous arranger’’, confie Ansoumane Condé, un citoyen de Yomou.

Le jeudi est le jour du marché hebdomadaire. Mais les véhicules circulent difficilement. Plusieurs barrages sont érigés par de simples citoyens qui sont installés dans des points noirs pour faciliter le passage des engins roulants. Ils rançonnent les chauffeurs pour, disent-ils, le prix de la levée de barrage. Certains produits agricoles pourrissent en cours de route alors que d’autres ont du mal à être commercialisés à cause de la dégradation de la route.

‘’Yomou est une zone essentiellement agricole. On a l’huile à flot, le café, le cacao, mais il est difficile de les commercialiser. Depuis avant-hier, on a un camion d’engrais qui s’est embourbé à 5km d’ici. Donc ces produits-là arrivent difficilement. Et souvent les chauffeurs rencontrent certaines difficultés par rapport au transport de nos produits locaux vers Nzérékoré le centre de la région. Et tant qu’il y a ça, les produits qui trainent en route vont pourrir ou se dénaturer. Le vendeur ou le producteur perd tout », explique un responsable agricole.

Pour palier au déficit de courant dans la ville, le Président Alpha Condé a offert récemment à la préfecture un groupe électrogène de 150KWA qui va desservir les ménages et les bâtiments administratifs  en courant électrique.

« Le chef de l’Etat a donné à Yomou un groupe électrogène de 150KVA. Le groupe est déjà là, ils l’ont essayé ça marche bien. A l’heure où je vous parle, une équipe est en train de se battre à Conakry pour qu’on nous envoie au moins 10 000 panneaux et 100 000 mètres de fils pour brancher les bâtiments administratif et privés », annonce  le préfet.

Si l’espoir est permis pour la desserte en électricité, ce n’est pas le cas pour les infrastructures routières. La dégradation de la route est un problème entier. Même les citernes qui transportent le carburant n’arrivent plus à Yomou. La première autorité de la préfecture de Yomou se dit très inquiet de cette situation.

 « Dès que j’ai été nommé par le chef de l’Etat à la tête de cette préfecture, ma priorité pour Yomou, c’est e refaire cette route. Si elle est refaite, ça va être la solution à beaucoup de problèmes. La route a son effet positif sur le développement économique si elle est en bon état. Nous sommes dans une zone agricole où les paysans ont besoin d’écouler leur production. Cela ne peut pas se faire si la route n’est pas en bon état », explique Sory CAMARA, préfet de Yomou.

Depuis les temps coloniaux, la ville n’a jamais eu une station de carburants. Selon le préfet, tous ces manques sont liés à l’état de la route. ‘’Il y a des citernes qui ne peuvent pas circuler sur cette route. Si on s’hasarde à les faire venir, on va créer un autre scandale. Parce que si une citerne se renverse sur la route boueuse, on ne peut pas mesurer les dégâts que cela va causer’’, confie M. Camara. 

La ville de Yomou est également en manque de lieux de loisirs pour les jeunes, explique un magistrat en service dans la préfecture.  Ce qui constitue un frein à l’épanouissement de cette couche. « Il n’y a pas longtemps, c’était même au temps de feu Colonel Issa, nous avons reçu  une ONG qui s’est engagée à faire beaucoup de choses ici dont le stade de football et de volleyball. Mais le projet avance à pas de caméléon », déplore le magistrat qui reste tout de même optimiste quant à la réussite de ce projet.

Si Yomou est si en retard depuis l’indépendance, c’est dû en grande partie à l’Etat et surtout aux cadres originaires de la préfecture, estiment plusieurs citoyens que nous avons interrogés.

 ‘’Ce sont nos propres parents qui viennent nous tromper ici. Les cadres ressortissants de Yomou. Ils défendent leurs petites places à Conakry, quand ils viennent ici, ils disent votez pour nous. Ils ne voient pas la souffrance de Yomou. Quand on vote pour eux, après ils nous font dos. La jeunesse est totalement négligée et il n’ya pas de travail à Yomou. Même s’il y a un projet qui quitte Nzérékoré, il y a des travailleurs qui quittent là-bas, pour venir l’exécuter ici’’, s’alarme Paul Elie Gbamou.

Face à cette situation, la colère des habitants se confond à la résignation : « Yomou est une portion du pays abandonnée à elle-même. C’est une préfecture  en régression sur le plan politique, social, économique et même sur le plan culturel. Les parents se sont habitués à cette souffrance devenue leur quotidien. Et quand tu viens, tu veux dénoncer ces conditions de vie, on trouve que c’est la rébellion (…) On a des ressortissants qui sont dans le gouvernement, à l’Assemblée Nationale. On a l’impression que ceux-ci ne parlent pas au gouvernement, aux bailleurs de fond au nom de Yomou de façon objective. Quand c’est comme ça, voilà  le résultat qu’on a aujourd’hui »,  dénonce Théophile Maomou, un ressortissant de la préfecture vivant à Conakry, qui séjourne actuellement à Yomou.

Les citoyens de Yomou lancent un appel au gouvernement et aux cadres ressortissants afin qu’ils s’investissent de concert pour soigner ces maux qui gangrènent depuis toujours leur préfecture.

De retour de Yomou,

SAKOUVOGUI Paul Foromo

Pour Africaguinee.com

Tél :  (00224) 628 80 17 43

 

Créé le 24 juillet 2020 10:58

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