Souvenirs : Des citoyens se rappellent des propos de Sékou Touré…

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Monsieur le Président,

Dans une série de discours prononcés les 6, 21 et 27 Août 1976, vous n’avez pas manqué de prendre à parti une composante essentielle de la jeune nation Guinéenne. Ne pouvant rester sans réagir face au danger que présentent ces discours, nous avons décidé de vous adresser cette lettre dans laquelle nous allons toucher à certains aspects importants. 

Nous allons laisser le soin aux historiens de revenir sur ce que vous avez appelé « tactique savamment utilisée » par les Peulhs pour le contrôle du Fouta. Dans une partie du discours du 6 Août au cours duquel vous avez avancé des statistiques non fondées, des théories qui ne viennent d’on ne sait où, vous vous êtes appliqué à tordre le coup à l’histoire au lieu de la raconter comme elle est.  Nous allons plutôt nous concentrer sur des éléments simples de vos discours que le Guinéen lambda avec un peu de raisonnement et une dose de bon sens peut réaliser l’étendu du dérapage.

Commençons Mr. Le Président, par le mythe du OUI au référendum du 28 Septembre 1958. Dans votre discours du 21 Août, vous dites « quand toute la Guinée brandissait le bulletin « NON » pour l'indépendance et la dignité, c'était encore le Fouta qui brandissait le « OUI » pour signifier honteusement : « nous voulons rester soumis au colonialisme ». Nous savons que vous avez une mémoire solide et que cette sortie est plus animée par votre désir de taper sur un groupe ethnique que de rétablir la vérité. En réalité, aucune région de la Guinée n’a voté « OUI » au referendum de 1958 à plus forte raison une ethnie. Les Guinéens ont voté pour l’indépendance à 95% et vous le savez très bien. La région qui a connu le plus de votes pour la communauté Franco-Africaine fut celle de Labé avec 27440 (oui) sur 68471          votants (ce qui par une simple soustraction veut dire que 41031 ont préféré la pauvreté dans la dignité). On peut facilement s’apercevoir que même si l’issue du vote ne dépendait que de Labé seulement, la Guinée serait indépendante.

Mr. Le Président, vous vous plaignez qu’on parle de situation particulière du Fouta. Permettez-nous de vous dire que jusqu’en 2016, il y a toujours des cadres Guinéens, y compris des natifs de cette région, qui croient que la région du Fouta n’a pas de d’éventuel avenir économique. Ils vous disent que la terre ne donne pas assez et donc ils tirent la conclusion facile que les investissements doivent être déployés vers d’autres régions. Tout ce qui s’y trouve comme école et dispensaire dans la région est fait en majeure partie par les ressortissants du Fouta. Si le gouvernement n’investit pas au Fouta, dû à « sa situation particulière » les ressortissants de cette région, qui ont encore une attache pour la terre de leurs ancêtres, doivent s’investir pour son développement. Si les Israéliens ont pu rendre leur terre propice à l’agriculture, ce n’est certainement pas au Fouta qu’il serait impossible de le faire.

Mr. Le Président, vous reprochez aux Peuls de faire le « navetanat » au Sénégal  ou d’ailleurs ils joueraient aux boys et marmitons. Vous dites qu’ils font honte à la Guinée. Non seulement en raisonnant ainsi, vous prouvez qu’intérieurement, vous n’êtes pas le révolutionnaire que vous réclamez être puisque vous peinez à vous débarrasser des réflexes ethniques, mais vous créez un dangereux précèdent en Guinée. Dorénavant tous ceux qui dirigeront la Guinée après vous, à moins qu’ils aient de la hauteur emprunteront votre rhétorique. Quand une politique économique échoue, le coupable c’est       le Guinéen lambda, toute ethnie confondue, qui refuse de s’ajuster aux politiques des dirigeants qui seraient omniscients. Jamais le Président de la République n’est coupable.  Si le Guinéen quitte son pays pour aller travailler ailleurs, s’il fait du commerce clandestin parce que son gouvernement l’en interdit le régulier, c’est par faiblesse et non à cause des politiques économiques du régime.

Mr. Le Président, Responsable Suprême de la Révolution, Pharaon de Guinée, Grandeur sublime, vous avez décidé de discriminer les étudiants Peuls dans l’octroi des bourses arguant qu’ils ne reviennent pas après les études. Encore une fois, vous utilisez des raccourcis. Est-ce les seuls à ne pas revenir ? Vous êtes-vous demander pourquoi est-ce que des jeunes Guinéens qui découvrent la liberté en France et aux Etats Unis préfèrent y rester ? Peut-être que vous êtes à blâmer. Peut-être qu’il n y a pas moyen de s’épanouir en Guinée et que ces jeunes préfèrent garder quelques avantages en occident ou au moins, ils peuvent dire ce qu’ils veulent et n’ont pas à se méfier de toute chose en longueur de journée pour garder leur liberté.

Vous avez mentionné dans votre discours du 21 Aout 1976 que contrairement à la femme Peule, l’homme Peul ne marie pas en dehors de son ethnie. De Timbo à Labé en passant par le Timbi, il y a eu des chefs politiques dont les mères sont soussous, diallonka ou malinké. D’ailleurs un des hommes que vous avez élevés au rang de résistant (par préférence), en l’occurrence Modi Alpha Yaya Diallo était de mère Mandinko.  Assez malin de votre malin d’avoir omis ce fait. Qu’en est-il de l’autre résistant du Fouta l’Almamy Bocar Biro dont la mère était diallonka ?

Il y a d’autres points que nous aurions pu parcourir avec vous tels que l’alcoolisme ou vous êtes allés jusqu’à insinuer que certains cheikhs religieux substituent de l’alcool à l’eau de leur bouilloire, chose qui est tellement absurde que nous ne trouverons pas le besoin de nous attarder là-dessus (à moins que quelqu’un soit allé faire le malin et leur substituer leur eau bénie à de l’alcool). En effet, comment faire diriger la prière à la mosquée alors qu’on sent l’alcool ?

Mr. Le Président, cette série de discours d’Aout 1976 et bien d’autres ont porté un coup de sabre à la jeune nation Guinéenne. Dieu seul sait si nous pourrons nous en remettre. Dans ce pays ou pendant votre magistrature, le Guinéen a appris à mentir, à tricher, à trafiquer, à être lâche pour survivre, ou des mensonges ont été érigés en vérité par le premier des Guinéens que vous êtes, il faudra beaucoup de travail par la jeune génération, de justice, de pardon et une grâce divine pour que ce pays ait un avenir radieux.

Pour clore, nous tenons à mentionner la réaction de cadres du RPG aux insultes de Mr. Alpha Condé contre les frères malinkés de la Haute Guinée. Eux au moins ont eu le courage de prendre position pour défendre l’honneur des frères de cette région contrairement à d’autres qui auraient gardé le silence sous prétexte qu’ils ne sont pas « un parti ethnique ». Face à des attaques courantes depuis l’indépendance qui n’ont jamais reçu des réponses appropriées, les mensonges sont devenus des arguments de stigmatisation des Foulbés de Guinée. Bien que cette réaction des cadres du RPG qui n’est survenue que quand leur groupe ethnique a été attaqué prouve à tous ceux qui croyaient naïvement en une nation Guinéenne déjà construite et qui ferment les yeux face aux problèmes de notre pays, qu’il y a du travail à faire.

Comme eux, nous souhaitons qu'aucune communauté guinéenne ne soit victime de la stigmatisation. Celle-ci est une source de discrimination et de conflits contraire à notre objectif de bâtir une Guinée unie afin d'aboutir à une nation forte et prospère. Elle voudrait être une protection pour toutes les ethnies guinéennes. Notre protestation s'inspire du principe de la morale et de notre loi fondamentale qui récuse la stigmatisation à tout groupe ethnique en Guinée par un homme politique quel qu'il soit, et encore moins par un Président de la république. La Guinée est un peuple uni, solidaire dans sa destinée et culturellement soudé. Les intellectuels guinéens se doivent de cimenter cette unité et non de mettre les différentes communautés dos à dos.

Il faut noter aussi que cette lettre n’a rien de démagogique. A l’époque du régime défunt « pour le lait et pour la gloire » nous aurions réagi tel que Feu Siradio Diallo le faisait à sa façon.

Nous vous prions de croire Mr. le président, depuis votre demeure d’outre-tombe, en l’expression de notre désarroi le plus profond.

Signes :

Gelaajo Bhaleedjo                                                        Kulunnakeejo Balla

Créé le 7 juin 2016 10:50

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