Retrait du trio « Mali-Burkina-Niger » de la Cedeao : Cette analyse « décalée » de Kouyaté…

CONAKRY- L’ancien premier ministre guinéen, Lansana Kouyaté vient de s’exprimer sur le départ collectif du Mali, du Burkina Faso et du Niger au sein de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). L’ex Secrétaire Exécutif du Bloc régional livre une analyse « décalée » sur l’origine de cette crise et ses conséquences.

Dans un communiqué conjoint, les trois pays (Mali Burkina Faso et Niger) ont décidé de se retirer de l’organisation oust-africaine. Quelle lecture faites-vous de cette décision ?

LANSANA KOUYATÉ : Dans le traité originel de la CEDEAO, il est permis à tout Etat membre de quitter en respectant une procédure. Si j’ai bonne mémoire c’est dans les articles 89, 90 ou 91, je ne sais pas exactement. Mais je sais que ce traité a prévu que tout membre qui veut quitter pour quelques raisons que ce soit, peut quitter à certaines conditions.  C’est-à-dire que le désir de quitter soit notifié à l’époque au secrétariat exécutif devenu depuis lors le président de la commission de la CEDEAO. Le retrait prend effet après un an. Le secrétaire exécutif ou le président de la commission en informe les chefs d’Etat, quand ils sont informés si après un an il n’y a pas de révision position par l’Etat (démissionnaire), en ce moment l’Etat quitte. Mais entretemps, après que cette décision ne s’écoule, le pays doit respecter toutes les règles de la CEDEAO jusqu’après un an. Ça veut dire que les différentes obligations du pays, cet Etat doit y faire face pendant l’année qui s’écoule à partir de la notification. S’il n’y a pas retrait ou révision de la position alors le pays respecte entièrement ses obligations qui sont prescrites dans le traité. On n’annonce pas le matin et le soir on quitte.

Maintenant ce que je pense de la situation. C’est regrettable parce que la CEDEAO a besoin de ces pays et ces pays ont besoin de la CEDEAO. Les effets ne se mesurent pas immédiatement mais ce qui a amené les membres fondateurs de la CEDEAO à créer cette organisation, c’est pour des raisons simples : c’est de partager leurs atouts ensemble, d’aider à corriger les faiblesses qui les lient, que ce soit une entité viable, ce n’est pas pour des chefs d’Etat, c’est pour les peuples. A ce jour toutes les institutions ont été installées :  il y a un parlement, une cour de justice, alors il est regrettable que ces pays quittent comme ça. Mais la faute à qui ? Je crois que certains chefs d’Etats, je connais au moins un et là il a été vraiment très audible là-dessus. Il a dit de ne pas prendre des sanctions prématurément contre les trois pays, c’est le président du Togo, Faure Gnassimbgé. Il a demandé une médiation pour ne pas que ça aille dans tous les sens mais il faut reconnaitre que le sommet de Bissau qui s’est opéré dès que ces pays ont eu ces difficultés, je crois que ça n’a pas été un bon tournant. Parce que là ce qui n’était pas forcement prévu par la charte c’est ce qui a été fait.

Le déploiement des troupes, quand on parle des troupes on pense à l’ECOMOG. Ils ont déclaré là-bas qu’ils vont envoyer des troupes sans que les états-majors ne soient consultés, il y a des règles qui prévalent le déploiement des troupes. Le sommet de Bissau a été une sorte de déviation de la CEDEAO à propos de la procédure à mettre en place pour que les problèmes de ces trois pays soient résolus de façon pacifique.

Est-ce la mauvaise gestion de la crise dans ces trois pays qui a conduit à cette situation aujourd’hui ?

Je dirai que quand il y a des crises comme ça, on est pressé de penser que si on n’arrête pas ça va continuer ailleurs mais ça continue ailleurs. Pour effet, on n’a pas pu les maintenir, maintenant eux ils quittent tout comme la Mauritanie avait quitté mais il faut le dire que la Mauritanie l’a vraiment regretté, je sais de quoi je parle. Je suis allé à Nouakchott et je sais de quoi j’ai parlé avec le président Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya à l’époque, malheureusement il n’a pas voulu comprendre. Les raisons que vous voyez sur les réseaux sociaux ne sont pas les vraies et je ne dirai pas les vraies raisons aujourd’hui parce que ça relève des secrets qui sont jalousement gardés par la Mauritanie et les institutions. Toujours est-il que quand Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya est allé dans un pays arabe (Arabie Saoudite pour assister aux funérailles du roi Fahd ndlr) à son insu, il a été renversé (le 3 août 2005 par Ely Ould Mohamed Vall qui était le chef de sûreté sous Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya ndlr).

Et quand Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya a été renversé il est allé (se confier) à l’organisation qu’il venait de quitter, il était venu au Niger à Niamey et c’était Mamadou Tandja qui était le président en exercice de la CEDEAO et il (Maaouiya Ould Sid’Ahmed Taya ndlr) a demandé à la CEDEAO de l’aider à revenir au pouvoir en Mauritanie et la CEDEAO lui a dit répondu simplement qu’il n’était plus membre. Et jusqu’aujourd’hui la Mauritanie est en train de faire des démarches pour revenir au sein de la CEDEAO mais jusqu’à présent ça n’a pas encore porté.

A vous entendre c’est comme ces trois pays aussi vont regretter leur décision de quitter la CEDEAO ?

Je crois que le Niger a au moins 7 ou 8 frontières, c’est l’un des pays qui a le plus grand nombre de frontières. Donc, si les pays membres de la CEDEAO restent fidèles à la CEDEAO quelques soient les erreurs commises, alors qu’on le veille ou pas il y aura des difficultés pour les pays en question. En même temps une organisation qui est amputée de trois pays, quelle est la population ? quelle est la superficie ? je crois que si j’étais là, j’allais tout faire pour éviter ça.

Peut-on craindre un effet domino vers la Guinée ?

Je ne crois pas et je ne le souhaite pas. Parce que ce n’est pas les mêmes causes ni les mêmes effets. Il faut faire bien le distinguo sinon on allait voir ce signal si la Guinée s’était ajoutée aux trois pays pour parler entre eux. La Guinée ne fait pas partie de ça. Je peux me tromper mais franchement ça va m’étonner que cela arrive. D’ailleurs il n’y a pas longtemps on a permis à certains membres du gouvernement guinéen de voyager et même d’aller aux rencontres de la CEDEAO. Ce qui signifie déjà que les relations sont huilées.

Que doit faire la CEDEAO ?

Toute organisation a besoin d’une couche de vernie de temps en temps. Le conseil de sécurité des nations unies a commencé avec un chiffre très petit, c’était quasiment les cinq membres permanents mais ils sont allés à 10 et aujourd’hui ils sont à 15. Les règles de fonctionnement de l’assemblée générale ont changé énormément parce qu’on les voit de temps en temps. Je peux parler de la même chose pour les 5 ou 6 différentes commissions des nations unies. L’union africaine s’appelait OUA (organisation de l’unité africaine) et à un moment donné le nom a été changé donc toute organisation doit refuser d’être figée. Parce que ce qui est figé se casse alors que ce qui est flexible au travers de l’évolution est mieux gérable.

Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Créé le 2 février 2024 09:13

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