Pr Mohamed Tayeb Laskri, expert en informatique : « Il faut que la punition contre la cybercriminalité soit très sévère… »

CONAKRY- Depuis le 24 novembre 2023, soit plus de deux mois, l’accès à l’internet notamment les réseaux sociaux à savoir : Facebook (Meta), Twitter (X), Instagram et You Tube est un calvaire en Guinée. Une situation qui n’est pas sans conséquences non seulement pour le développement économique du pays mais aussi pour les citoyens à cause de l’utilisation abusive des VPN qui exposent les données numériques des citoyens à des disques de piratage.

Pour évoquer ce sujet qui est au centre de tous les débats ces dernières temps dans le pays, Africaguinee.com est allé à la rencontre du Recteur de l’Université Koffi Annan de Guinée, Pr Mohamed Tayeb Laskri. Dans cette deuxième partie de l’interview qu’il nous a accordée, ce professeur d’université et Docteur d’Etat en informatique et spécialiste en intelligence artificielle, évoque plusieurs autres points liés à cette situation nommant l’importance de l’internet pour le développement d’un pays, l’importance de la numérisation du système administratif au niveau étatique et même dans le privé dans les sociétés et entreprises, les mesures que doit prendre l’Etat contre les hackers.

AFRICAGUINEE.COM : Parlez-nous de l’importance de l’internet pour le développement d’un pays

Pr Mohamed Tayeb Laskri : C’est une condition incontournable pour tout développement et c’est une exigence du citoyen. Quelques années en arrière, il était rare de voir quelqu’un prendre un téléphone portable pour téléphoner ou pour accéder à l’internet mais maintenant on voit même des enfants avec des téléphones portables et d’accès à l’internet. Donc c’est un outil incontournable d’abord sur le plan utilisation du citoyen mais aussi si on aborde le côté économique et du développement, c’est pratiquement quelque chose d’indispensable. Parce que ça évite les déplacements, ça évite l’utilisation des moyens de transport, ça permet de travailler à distance et cela n’est possible que par le biais de l’internet et par les autoroutes mondiales d’informations. Donc quand on utilise de moins en moins de voitures, ça veut dire qu’on pollue moins, et cela veut dire qu’on veut améliorer l’environnement et améliorer l’environnement fait partie du bien être et de la qualité de vie puisqu’il faut favoriser un mode de vie sain et équilibré pour tous.

Les enjeux du développement durable d’un pays

Les enjeux du développement durable sont très connus et ils sont mentionnés par les Nations Unies. Il y a d’abord l’amélioration des conditions du travail c’est-à-dire garantir des conditions de travail justes et durables pour tous les travailleurs. Ça c’est un enjeu fondamental, il y en a qui essayent de garantir et de l’assurer pour tous ses citoyens et il y en a aussi qui l’assurent que pour une partie et on est appelé à le garantir pour tous, puisque c’est un droit fondamental de tout citoyen d’avoir au moins accès à un travail dans son pays. Le deuxième enjeu est lié à l’environnement, au développement, à l’individu et au citoyen, il s’agit du bien-être et la qualité de vie. Il faut proposer une qualité de vie intéressante, favoriser un mode de vie sain et équilibré pour tous. Et enfin, il y a l’enjeu fondamental et qui fait partie de la démocratie qui s’impose pratiquement dans les pays, c’est l’égalité et les droits humains. Donc c’est garantir l’égalité des droits et de la dignité humaine pour tous de la même façon, donc il n’y a que la compétence qui prime.

La numérisation

Je dirai que la numérisation joue un rôle fondamental dans le développement durable et humain, parce le développement humain contribue au développement durable, parce que plus qu’on a des citoyens instruits, compétents, plus on converse vers le développement d’un pays. Maintenant, quand on parle du développement humain, l’humain développé et instruit a besoin des outils modernes de travail et de participation. Par exemple, les journalistes utilisent beaucoup plus d’internet pour travailler et ils doivent d’abord maitriser l’outil et l’utiliser à bon escient.

Par contre, quand je parle de numérisation, je parle du numérique responsable, parce que le numérique peut être utilisé pour des choses néfastes, par exemple, la cybercriminalité ou l’intrusion qui est condamnable et il n’y a que la cybersécurité qui permet de lutter contre la cybercriminalité. Donc je parle du numérique responsable qui permet de converger vers le développement durable par le développement d’un pays vers le développement humain des citoyens. On est tous appelé à s’instruire sans limite, parce que la technologie avance à une vitesse considérable. Donc les pays développés essayent toujours d’avancer c’est pour cela qu’il y a la création de nouveauté. Les pays en voie de développement essayent aussi de suivre et de rattraper le temps perdu et les pays sous-développés doivent passer à la vitesse supérieure pour au moins rattraper le temps perdu et au moins penser au développement, parce que ce n’est que par le développement qu’on peut avancer, rendre la vie agréable aux citoyens, qu’on peut améliorer les conditions de travail des habitants, qu’on peut aussi assurer l’égalité et les droits humains.

Votre question est fondamentale, importante et elle est non discutable puisque l’outil internet est devenu l’outil incontournable à tout développement. On va prendre l’exemple de la Lituanie qui a imposé dans sa constitution, la gratuité à l’accès à l’internet. Tous les citoyens de la Lituanie ont accès à l’internet gratuitement. Moi je crois beaucoup que dans les prochaines années, l’internet va entrer dans les maisons de la même façon que l’électricité est actuellement accessible directement chez soi pour améliorer tout le quotidien du citoyen. Donc l’internet, c’est quelque chose d’incontournable, d’utile, d’obligatoire et son utilisation va être de plus en plus forte dans le futur. On ne peut plus revenir en arrière quelque soient les situations, on ne peut pas arrêter l’utilisation d’internet. On ne peut que développer l’internet et l’utiliser à bon escient, dans le positif pour converger vers le développement.

Parlant des outils de l’internet, selon vous comment utiliser les nouvelles technologies de l’informations et de la communication (NTIC) pour développer un pays ?

C’est très simple. Avant d’utiliser l’outil proprement dit, avant d’utiliser la couche superficielle qui est logiciel et toutes les applications, on va d’abord garantir l’infrastructure routière. C’est comme dans le transport routier, vous ne pouvez pas lancer la circulation des voitures sans vraiment arranger la route sur laquelle le véhicule va circuler. C’est exactement pareil, il faut qu’il y ait l’infrastructure routière, c’est en quelque sorte une toile d’araignée qui va s’étendre sur le terrain, c’est une infrastructure pour garantir les autoroutes mondiales de l’information. Et donc, il faut garantir cette infrastructure d’information, c’est-à-dire la conduite de l’information souterraine ou aérienne ou par satellite, il y a énormément des possibilités mais la plus fiable et durable c’est par fibre optique, où on peut augmenter les débits et autres.

Ensuite, une fois que l’infrastructure est placée, on peut faire circuler l’information dedans et on peut développer autant d’applications. Le principe fondamental d’internet, c’est de prendre et de déposer. Il ne faut pas être uniquement consommateur d’internet, il faut produire aussi. Parce que si on reste comme société de consommation uniquement, il n’y aura pas de développement local et il y aura que de l’utilisation de ce qui nous vient de l’extérieur. Ça, vraiment c’est de la consommation.  N’importe qui peut produire soit des informations, soit des applications et beaucoup d’autres choses importantes qui circulent dans l’infrastructure. Et si on reste uniquement observateurs et consommateurs alors nous-même, on ne va pas vraiment bénéficier de cette possibilité d’être développé et de développer son pays. Donc il faut aussi produire. Dans le développement humain, on a des citoyens qui sont capables de produire, qui ont un niveau de formation important et qui peuvent donc produire, parce qu’avec l’avenir de l’internet et le développement il y a beaucoup de métiers qui apparaissent, des métiers qui peuvent être utilisés par des compétences.  C’est pour cela que la formation ne s’arrête jamais dans ce créneau qui est le développement, la technologie, la transformation numérique, la numérisation, tout ça va créer énormément des métiers. La modernité, la modernisation, la gouvernance participative et moderne ne passent que par la numérisation et l’internet est un outil fondamental pour tout ça.

En Guinée, depuis maintenant plus de deux mois l’accès à l’internet est devenu un casse-tête. Pour y accéder, les citoyens utilisent des VPN pour pouvoir se connecter, et cela ne reste pas sans conséquences même pour les autorités, parce que le site internet de l’aéroport de Conakry a été victime de piratage ces derniers temps par un groupe qu’on appelle Anonymous. N’est-ce pas un danger pour l’Etat dans cette situation ?

Quand il s’agit de l’utilisation de la numérisation au niveau supérieur, au niveau étatique, la cybersécurité est fondamentale. Dans chaque pays il y a une loi de protection des données qu’elles soient des données individuelles des personnes ou des données étatiques. Donc autour de tout ça, la sécurité est fondamentale. On ne peut pas, par exemple mettre un portail d’un gouvernement d’accès à l’information (la conception des passeports, des pièces d’identités…), via une plateforme, qui sont des informations capitales et personnelles à protéger, parce que s’il y a intrusion, c’est qu’il y a une faille au niveau du système proprement dit. Il faut que le système étatique et même dans les entreprises (privées, Ndlr), les données d’une entreprise sont vraiment confidentielles et elles doivent être sécurisées sinon, ça va être catastrophique. Les hackers sont supers formés en cybersécurité, ils ont beaucoup de notions dans la cybersécurité, donc ils savent contourner. On doit faire confiance à nos agents qui assurent la cybersécurité dans les entreprises pour l’Etat, parce que si l’attaque vient du côté même de ton personnel de travail, alors là on ne peut plus protéger.

On doit être sans pitié dans la punition, parce que, quelqu’un qui a commis l’infraction de la cybercriminalité je crois que les lois vont aller jusqu’à 10 ans de prison ou plus. Ce sont des infractions qui font beaucoup de mal à l’individu, à l’Etat et pour cela il faut se protéger, avoir un bon système de sécurisation, parce que c’est quelque chose de fondamentale. Quand on veut informatiser et numériser quelque chose avec un prestataire de service, la première des choses à mettre dans le cahier de charge c’est vraiment la sécurisation du système. Même celui qui a conçu le système, il ne faut pas qu’il accède facilement et librement à ce système qu’il a conçu. Une fois qu’il l’a conçu et livré, il faut mettre de paramètres de façon à ce que ce soit l’utilisateur fondamentale qui puisse modifier ces paramètres pour les rendre non utilisables, par même le concepteur et le développeur de l’application, c’est très important. Il faut que le système soit paramétré chez l’utilisateur lui-même.

L’intrusion, c’est quelque chose contre laquelle il faut lutter, et son infraction doit être punie par la loi. Il faut que la punition contre la cybercriminalité soit très sévère, parce qu’on ne peut pas jouer avec la sécurité d’un système et la sécurité des données personnelles des individus, de la confidentialité et surtout des plateformes d’un gouvernement qui peuvent être détournées, c’est très navrant d’arriver à ça.  Donc il ne faut pas qu’il y ait des failles d’intrusion d’un système Etatique. Même si on a notre propre serveur dans une chambre spéciale, l’accès physique à cette chambre doit être super sécurisé. La sécurité, c’est quelque chose de fondamentale.

A suivre

Interview réalisée par Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : 00224 666 134 023

Créé le 14 février 2024 12:04

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