Oury Biredi, le sac d’argent et Conté à Wawa : Les confidences de Mouctar Brada Dramé…

CONAKRY-Dans cette troisième et dernière partie de notre entretien avec Mouctar Brada Dramé, nous abordons un sujet à polémique liée à la prétendue photo du président déchirée à Labé en pleine campagne électorale. Ce pilier important du régime de feu Général Lansana Conté fait également des confidences sur l’immeuble Oury Birédi. M. Dramé ne tarit pas d’éloges pour l’ancien Président qu’il décrit comme un patriote dans le vrai sens.

AFRICAGUINEE.COM : On vous a accusé d’avoir déchiré la photo du président Lansana Conté à Labé. Qu’est-ce qui s’était passé ?

(Éclats de rire) Je pense que détruire son prochain est une tradition en Guinée. Votre succès suscite facilement la jalousie des autres. Je pense que le fait d’être invité à Conakry par le président pour me confier le parti à Labé était pour quelque chose. Le siège du PUP (parti de l’unité et du progrès) se trouvait à Kouroula, tout le monde militait tranquillement. C’était une période électorale, c’est en 1993 si je me souviens bien. Quelqu’un dont je ne citerai pas le nom a sorti une fausse information que Brada a déchiré la photo du président Conté. C’était une information grave à l’époque d’entendre quelque chose de ce genre. Le commandant de la région militaire de Labé qui était là, c’était un oncle du président Conté. Il demande à la gendarmerie de me retrouver et me fait venir au camp en toute urgence. Il a donné cette instruction au Capitaine Mega Barry, chef de la gendarmerie de Labé d’alors (paix à son âme) que Dieu l’accorde son paradis éternel. Ce dernier a dit au commandant de la région militaire, ce jeune Brada ne peut pas faire ça. Je le connais très bien, je ne crois pas qu’il puisse se retourner contre son propre parti et déchirer le portrait du président, sa femme aussi Oumou gendarme a dit la même chose.

Entre temps le président a reçu l’information à Conakry. Capitaine Mega Barry vient me voir pour m’en parler, donc je dois aller au camp avec lui. J’étais jeune je ne mesurais pas le danger. On s’embarque pour le camp Elhadj Oumar de Labé. À notre arrivée, le commandant du camp avait déjà parlé avec le président Conté. Le président a dit c’est faux Brada ne fera pas ça même à un autre parti politique à plus forte raison au PUP. Dès notre arrivée, le commandant dit au capitaine Mega de la gendarmerie, l’affaire est déjà réglée, le patron de Brada (président Conté NDLR) a dit ce n’est pas vrai. Ils venaient de parler au téléphone, c’est juste des gens qui veulent les opposer ; ce n’est pas vrai. Donc nous sommes rentrés en ville tranquillement continuer mes activités politiques au compte du parti. L’amitié parfaite a continué avec le président jusqu’à son décès en 2008. Mais détruire les gens pour se faire une place est ancrée en Guinée.

Elhadj Mouctar Brada Dramé, il se raconte que le président Conté était si attentionné qu’il arrêtait son cortège pour observer certaines grandes réalisations de citoyens pour apprécier et bénir même le propriétaire. Est-ce que vous êtes témoin de certains faits ?

C’est vrai, le président Conté était attentionné partout où il passait. Il observait tout sur son passage. Il appréciait tout, il marquait des arrêts pour demander même qui en est le propriétaire. Je suis témoin du cas immeuble Oury Biredi. Le cortège quittait Conakry pour Waawa. Il fait arrêter le cortège, il observe bien l’immeuble qui poussait là. Il apprécie jusqu’à dire si nous avons 10 compatriotes comme cet homme, nous pouvons développer ce pays. Oury Biredi n’était pas là, à son retour on lui raconte que c’est foutu pour toi, le président Conté va t’arrêter. Il a passé du temps ici pour parler de ton bâtiment avant de partir. Pris de panique avec les commentaires des uns et des autres, le lendemain le sieur retrouve le président à Waawa.

Feu Général Lansana Conté

Tout le monde était là à côté du président dans la cour. Un garde vient dire il y a un Monsieur qui cherche à vous voir. Il dit c’est le propriétaire de l’étage de Bambeto. Le président a dit laissez le venir. Le général a dit ‘’ A Bara gaakhou’’ il a eu peur. Le monsieur vient s’asseoir. Le président demande ce qu’il veut. Il dit c’est pour saluer monsieur le président. Conté dit non tu as juste peur parce que je me suis arrêté chez toi là-bas. Ce n’est rien d’autre c’est juste pour apprécier ton patriotisme.  J’ai dit sur place que s’il y a au moins 10 guinéens qui font des bonnes œuvres comme toi, je serais très heureux parce que c’est la Guinée qui gagne. Il n’y a aucun problème, il faut rentrer chez toi. Oury Biredi dit attendez : il ouvre son véhicule, il vient avec un sac d’argent. Des gardes disent Monsieur on n’avance pas vers un président avec un sac. Le président demande c’est quoi ça, il dit c’est de l’argent. Lansana Conté a ironisé en disant : C’est moi qui te donne l’argent et non le contraire. Il dit je suis le président, toi tu es un commerçant. Pars avec ton argent. Oury Biredi prie le président en lui disant comme je suis venu jusqu’ici vous m’avez bien parlé, prenez un peu pour l’amour de Dieu. Le président le regarde un instant, après il demande à un garde de venir prendre deux paquets pour poser sur la table. Il dit rentre avec le reste. Il rentre très heureux à Conakry.

Voilà Conté, c’est un très bien serviable. Il a laissé aux gens leur liberté de travailler et de gagner. Il encourageait les gens à construire et à investir. Je me rappelle, il tenait à ce que les gens construisent vraiment à Dubréka pour urbaniser la préfecture. Un moment, j’étais avec un ministre originaire du Fouta à côté du président Conté. Il l’appelle par son nom pour lui demander est-ce que tu as construit chez moi, à Dubréka. Il répond Non président, il lui a parlé mal. Il dit Brada je lui donne 2 mois pour construire à Dubréka. J’ai dit frère, va chercher un terrain pour construire. Finalement il a construit un immeuble à Dubréka. Aujourd’hui, le bâtiment se trouve au cœur de Dubréka. Je me rappelle un jour on était à Pilimini Koubia en compagnie de feu Aboubacar Somparé, membre du bureau politique (ancien président de l’assemblée nationale). Après la réception, un vieux demanda la parole. C’était un ancien qui a vécu la colonisation et la révolution.  Il prend la parole il dit en pulaar : « Lansana Conte, kontaa ñaama, kontaa maraa, kontaa okkaa. Laamu Conte ko jeyɗaa kon ko an jeyi… gooto jettataama. Nakku maa kun ko an jeyi. Foññe, kaaba maa on fow ko an jeyi, beyguure maa nden ɗa jeyi ». Cette reflexion a marqué tout le monde sur le régime de Conté avec la liberté. Le président Conté a ouvert la porte aux courageux ; il était pour tout le monde, il n’a jamais été raciste.

A un moment au temps d’Alpha Condé vous étiez pressenti comme gouverneur de Labé pour semer la zizanie dans le bastion de son principal opposant.  Qu’en est-il ?

J’ai considéré ça comme des rumeurs. Je l’ai appris aussi auprès de l’administration du territoire que je suis consenti comme gouverneur à Labé. Mais officiellement je n’ai échangé avec aucune autorité sur la question, c’est pourquoi j’ai pris comme des rumeurs. Effectivement, ce qui m’est arrivé en tête après que des proches m’en ont parlé, c’est comme si c’était pour braver Cellou à Labé, une chose que je ne peux faire, braver Cellou Dalein à Labé. Par après j’apprends aussi que le projet est abandonné. Entre temps des proches parents qui ont appris la nouvelle m’ont conseillé de ne pas accepter le poste même si on me nomme. Chacun voyait ce qui se cache derrière.

Cellou Dalein et Alpha Condé

Votre dernier mot ?

Je prie le bon Dieu pour la compréhension dans le pays, il ne faut pas minimiser les prières de nos sages. C’est des autorités morales, ils sont des recours importants pour l’entente en Guinée. Considérons-les comme des guides. Je vais parler d’Elhadj Thierno Abdourahmane Bah que Dieu nous couvre de sa bénédiction, à son temps il donnait beaucoup de conseils de part et d’autre, les autorités l’écoutaient, les populations aussi, quel que soit les difficultés il suffisait d’arriver chez lui, il décrispe. Il m’avait particulièrement aimé, c’est plus qu’un père, un grand-père pour moi, il était même mon avenir. Ce qu’il faisait pour moi c’est énorme. Sa meilleure photo de médaille est avec moi ici. À cause des confidences entre nous, l’école coranique qui est dans ma résidence ici porte son nom, vous avez vu ça à la rentrée peut-être.

Elhadj Mouctar Dramé merci beaucoup !

Ah merci beaucoup à vous Monsieur Bah et a Africaguinee.com. Sachez que ça fait plus de 17 ans je garde le silence, c’est vous qui réussissez à me faire parler encore !

Interview réalisée par Alpha Ousmane Bah

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 3 avril 2024 11:05

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