Foutah : Les vendeurs de bétails frappés de plein fouet par la crise… « nous vivons une sévère période de vache maigre »

LELOUMA- Le marché à bétails est frappé de plein-fouet par une crise. Les acteurs craignent  pour l’avenir du secteur. Africaguinee.com a fait une immersion à Thianguel Bori, le plus grand marché de bétails de la région de Labé qui ravitaille Conakry et beaucoup d’autres villes du pays.

C’est dimanche, nous sommes à Thianguel Bori, jour du marché hebdomadaire !  Habituellement bondé, ce centre de négoce de cette municipalité de Lélouma de la région de Labé, est méconnaissable . Des bœufs sont attachés dans des parcs presqu’à perte de vue. Les acheteurs ne sont pas au rendez-vous. Mamadou Sarifou Bah, le sexagénaire, est bien connu dans la vente du bétail. Il dispose d’un carnet d’adresse bien garni de convoyeurs. Si jadis, le jour du marché c’est un homme débordé par les clients, cette fois nous trouvons un homme peu affairé. Couché à l’ombre, il observe ses vaches, les clients ne se pointent pas.

Marché à bétails de Thianguel Bori

« Nous avons vécu des moments par le passé où les bœufs manquaient, les clients se bousculaient autour de nous. La réalité actuelle, c’est l’inverse. Il y a de jolies bêtes à vendre mais c’est les clients qui ne sont pas là, nous sommes seuls ici avec nos animaux. Nous sommes frappés de plein fouet par une crise. Je peux vous dire, ça fait un bon moment nous ne voyons personne qui achète pour envoyer vers le Sénégal, la Sierra Leone ou le Liberia. Les convoyeurs qui sont sur ces lignes achètent beaucoup, mais avec la crise, ils ne viennent pas, c’est ce qui explique la mévente. Conakry aussi ne vient pas. Présentement c’est ceux de Labé qui viennent pour prendre 2 ou 3 têtes pour les boucheries. Le pays vit des moments difficiles », explique-t-il dans l’introduction de notre entretien.

Présentement enchaine-t-il, « si vous venez avec 5 têtes c’est 2 que vous pouvez vendre, les autres vous les donnez à crédit, si vous envoyez 2, c’est une que vous allez vendre. Les dettes dominent le marché, ceux qui viennent s’endetter aussi, je ne sais s’ils égorgent pour revendre la viande ou ce qu’ils en font. Au coucher du soleil, c’est toi-même éleveur qui va chercher un convoyeur auquel donner à crédit de peur de rentrer avec tes animaux. C’est difficile » se lamente Mody Sarifou BAH, vendeur de bétails

Mamadou Yero Bah vient chaque semaine de Koundara pour assister au marché hebdomadaire. Il quitte le Badiar avec un camion rempli de bœufs 3 jours avant le jour du marché.  Alors qu’il est déjà 15heures, c’est seulement onze bêtes qu’il a pu revendre sur une cinquantaine de têtes.

« Je quitte vendredi Koundara pour prendre part au marché les dimanches. Vous avez vu la position du soleil, il fait nuit déjà, c’est environ 10 têtes que j’ai vendues. Les autres sont là, je ne trouve pas de preneurs. Le marché est en rade. Les clients de Conakry et d’ailleurs ne viennent pas du tout et ce sont eux nos gros clients potentiels. Koundara est loin d’ici, au cas où je ne vendrais pas tout, je suis obligé d’avancer à Labé garder la patience jusqu’à ce que je vende à défaut je serais venu inutilement. Le marché est complètement paralysé. Les prix sont au plus bas, mais malheureusement rien ne marche ici, nous vendons même à perte parce qu’il y a des dépenses à couvrir. Entre 18h et 19heures nous chargerons les autres bêtes pour Labé dans l’espoir de revendre. Sinon c’est compliqué de retourner à Koundara avec les vaches. Les jours sont difficiles », se plaint cet autre vendeur de bétails.

Locataire de véhicule, Alhassane Darou Niila ne reconnait pas le marché à bétail à cause de la morosité.  Depuis quelques mois il dit avoir du mal à faire bouger son business. D’ailleurs, il ne loue plus plusieurs véhicules. L’unique camion qu’il a envoyé ce jour du marché est loin d’être rempli. Il risque de rentrer vide :

« Habituellement entre 11 heures et midi, les achats sont presque finis, les vaches sont en phase d’embarquement dans les camions au nombre d’une vingtaine. Des fois, on pouvait faire appel à d’autres camions pour prendre le reste des animaux. Mais là, la réalité est toute autre. Vous voyez le soleil se couche, c’est la fin d’après-midi déjà, je n’ai qu’un petit camion aujourd’hui que j’ai pris en location pour transporter les bêtes vers Labé, il n’y a que 3 dans le véhicule, nous risquons de rentrer comme ça à perte dans le transport. Le marché ne bouge pas du tout. En temps normal comme je vous l’ai dit, à partir de 12heures plusieurs camions seraient déjà partis remplis de vaches. A l’état actuel il y a moins de 4 camions stationnés là mais tous sont vides », craint notre interlocuteur.

« Les animaux dans le Parc sans preneurs, le camion remorque au fond là-bas est à sa deuxième semaine ici, cette fois encore il peut ne pas avoir de quoi transporter. Avant, les convoyeurs de bœufs arrivaient par dizaine pour faire les achats. Ce matin je n’ai reconnu que 3 clients potentiels habitués du marché, ils n’ont pas acheté beaucoup. Pourtant, c’est quand ils achètent que nous aussi aurons notre part à travers le transport des animaux vers Labé ou ailleurs. Nous avons parlé à certains qui sont restés à Conakry pour leur demander pourquoi ils ne viennent pas. Ils nous répondent que les bœufs qu’ils ont envoyés il y a quelques mois n’ont pas été vendus encore. C’est à crédit qu’ils ont donné aux bouchers et le remboursement n’est pas encore fait. Vous avez entendu les autres chauffeurs dire que le marché à bétails de Conakry est plein de vaches sans clients. C’est ce qui bloque le marché. Nous nous allons jusqu’à Labé avec un camion 6 roues. Les remorques gros-porteurs ne viennent plus parce que c’est des voyages à perte. Il arrivait des jours où 7 remorques de 35 tonnes chargeaient ici pour bouger aujourd’hui. Mais regardez, c’est une vaste savane», regrette Alhassane Darou Niila, locataire de véhicule.

Lamarana Diallo est venu de Dougountounny, Mali. Son moral est au plus bas. Il n’a rien pu vendre depuis le matin alors qu’il a parcouru une centaine de kilomètres pour rallier ce centre de négoce.

« Je ne sais pas si nous saurons un jour qu’est ce qui est à la base de cherté de la vie que nous subissons actuellement. Mais c’est dur vraiment. Regardez toutes ces bêtes alignées bien nourries, mais rien. Nous attendons les clients, personne ne vient. Qu’allons-nous faire ? Ces vaches que j’ai envoyées ici, je les ai achetées une à une dans les mains des éleveurs dans diverses localités pour les réunir afin de les envoyer au marché à bétails. Malheureusement voici l’état actuel. Un désert. Toute personne que tu abordes il te dit que le pays manque d’argent. Même la viande ne marche pas bien dans les boucheries à plus forte raison un bœuf entier à destination d’un autre pays. Les vaches coutent chères à un moment où l’argent ne circule pas », déplore-t-il.

« Les miennes je compte les vendre à vil prix si je trouve un acheteur. Mais je ne vais pas les donner à crédit. A défaut, je préfère rentrer avec au village jusqu’à la semaine prochaine. J’ai donné des bœufs à crédit il y a quelques semaines, je ne trouve plus le chemin de ceux qui me doivent. Donc, je ne dois pas en rajouter d’autres », ajoute Lamarana Diallo.

Idrissa Sow est à la fois boucher et vendeur de bétails. Il vit une réalité difficile comme tous les autres. Aujourd’hui, il a acheté quelques têtes à destination de Labé. Contrairement aux autres, s’il ne trouve pas de clients il compte abattre ses bêtes et revendre la viande sur place. Il préconise même la réduction du prix de la viande pour minimiser les pertes.

« Nous sommes complètement désespérés pour notre secteur. Quelqu’un te dira envoie je vais acheter tu dors avec cet espoir, le lendemain tu viens, tu trouves qu’il n’a pas l’argent disponible. Il te dit reviens tel jour, à la date indiquée, il te remet moins de 10% de la valeur marchande de ton animal. C’est dans les boucheries que nous vendons un peu de viande. Même là-bas vous trainez la viande d’une vache pendant des jours. Je pense que nous bouchers devons tirer les leçons en vendant le kilo de la viande à un prix raisonnable. Si nous diminuons le prix de la viande on fera un peu de marché. Un kilo à 50 000gnf ce n’est pas tout guinéen qui peut l’acheter. Imaginez le kilo de poissons entre 25 et 30,000gnf alors qu’il faut le double pour avoir la même quantité en viande, les gens vont prendre 2kilos de poissons à la place. Si tous les bouchers acceptent d’être sur la même ligne, nous pouvons gagner avec la simple consommation de la viande, mais ce n’est pas facile de raisonner les gens », regrette-t-il.

Idrissa Sow reconnait que le prix de viande est cher bien que les bouchers refusent de baisser le tarif. Et, ils ne veulent pas entendre cela mais la réalité est en face déplore-t-il. « Les vendeurs de bétails se basent sur le prix du kilogramme de viande pour fixer celui des animaux. Ils se disent un kilo à 50000gnf, ma vache pèse 100KG, donc possible de la revendre entre 4.500,000 et 5 000 000 Gnf. Si nous vendons le kilo tout de suite à 45 000 ou 40 000 les vendeurs de bétails vont diminuer le prix. Avec cette cherté tu peux faire toute une journée à la boucherie pour vendre moins de 3kg », regrette ce boucher.

Agent percepteur au parc à bétails de Thianguel Bori, Doyen Mamadou Saliou Bah ressent la crise. « Nous venons juste maintenant pour ne pas passer la journée à la maison. Le calvaire est total dans tous les sens, convoyer les bêtes ici c’est difficile, faute de pont, certains font nager les vaches pour traverser la rivière Komba. Ils viennent avec toutes ces difficultés sans rien vendre, ce qui fait que beaucoup ont cessé de venir depuis qu’ils ont appris que les clients venant de Conakry ne viennent pas. Tout est morose. Une crise économique souffle sur le secteur du bétail. Tout ça affecte les recettes de la commune en termes de revenus sur le marché à bétails. Nous n’avons presque rien signé depuis le matin », confie l’un des agents percepteurs.

Une immersion réalisée par

Alpha Ousmane Bah

Pour Africaguinee.com

Tel. (+224) 664 93 45 45

Créé le 26 décembre 2023 14:48

Nous vous proposons aussi

TAGS

étiquettes: , , , ,

RAM

SONOCO

TOTAL

UNICEF

LONAGUI

cbg_gif_300x300

CBG

UBA

smb-2

Consortium SMB-Winning

Annonces

Recommandé pour vous

Annonces