Kindia : Immersion dans l’enfer des habitants Kalékhouré, cernés par les eaux de Souapiti

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KINDIA-Construit dans le bassin du fleuve Konkouré et en amont de Kaléta, le gigantesque barrage hydroélectrique de Souapiti d’une capacité de 450 mégawats, a un coût derrière lequel se cache un « désastre » passé sous silence. La construction de ce barrage a entraîné des milliers de déplacés internes. Certains habitants ont été forcées de quitter leurs villages, hameaux où ils ont vécu pendant des années, d’autres par contre n’ayant pas été pris en compte lors du recensement n’ont pas bougé. Aujourd’hui, le réservoir du barrage a englouti des villages entiers et détruit des champs de pauvres citoyens. « On pourrait résumer cette situation en deux façons : la facette cachée ou le revers de la médaille de Souapiti », confie un défenseur des droits humains.

Dans la sous-préfecture de Bangouya, l’impact du barrage est calamiteux. Plusieurs villages environnants sont menacés par la montée des eaux. A cela s’ajoutent, les calamités naturelles : tremblement de terre à répétition. Africaguinee.com est allé à la rencontre des sinistrés.

Située à 50 km de la préfecture de Kindia, la sous-préfecture de Bangouya a une population estimée 65 mille 038 habitants. Ces derniers vivent essentiellement de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche. Composée de 22 districts, elle est confrontée à d’énormes difficultés liées à la construction du barrage de Souapiti. Si ce gigantesque barrage hydroélectrique apporte de lumière et le sourire ailleurs, chez les populations environnantes, c’est tout à fait le contraire.

M'mah Bangoura habite dans le secteur Kalékhouré, bourgade située à quelques quinze kilomètres de Bangouya centre. Elle fait part des difficultés auxquelles, son village est confronté depuis la construction du barrage.

 “Nous sommes très inquiets. Nous sommes entourés par les eaux. Nos champs sont immergés. Certains villages notamment Kalékhouré, Khabia, Meliboungny ont été dédommagés, eux, ils sont partis. Par contre, en ce qui nous nous concerne, nous n’avons pas été dédommagés.  Aujourd’hui, nous sommes cernés de toute part par les eaux. Nous demandons aux nouvelles autorités de nous venir au secours. Nos bas-fonds où nous avons l’habitude de cultiver sont envahis par les eaux même pendant la saison sèche », explique cette mère de famille.

 

Autrefois, on passait par un pont entre Kalékhouré Tèné Warakhalan. Mais depuis la « mise en eau » de Souapiti, il faut une pour une pirogue, explique Fodé Conté. « Avant, il y avait un pont. Celui-ci se trouve immergé. Aujourd’hui, nous sommes obligés d’utiliser la pirogue.  C’est le barrage de Souapiti qui est la source de toutes nos difficultés actuellement. Auparavant, on faisait traverser les gens entre 2500 à 3000 Gnf. Mais au fur et à mesure que la distance augmente, nous sommes montés à 5000 Gnf par moto et par personne”, précise cet habitant du village de Kalékhouré.

Avant la construction du barrage, la distance entre Bangouya et le district de de Warakalan était de 15 km. Aujourd’hui, les eaux ont bloqué cette route et il faut désormais parcourir 35 km pour joindre les deux localités.

« Nous sommes entourés par les eaux. Ils sont venus nous dire de quitter. Ils ont promis de construire ailleurs. Nous nous sommes préparés pour quitter, mais nous n’avons pas où aller puisqu’ils ne nous ont construit nulle part.  Les autres secteurs tels que Guembakhin, Maleya, Babasaré ont été dédommagés et sont partis. Ils nous ont fait croire qu’ils vont nous payer, mais l’argent qu’ils ont donné était insignifiant. La somme ne suffisait même à payer nos transports. Nos plantes qui ont été envahies n’ont pas été dédommagés et lorsqu’on nous a donné de l’argent, nous n’avions pas reçu un papier qui atteste que nous avons reçu de l’argent. Ils ont donné ce qu’ils ont voulu. Maintenant, nous n’avons pas où aller. Nos habitations sont détruites, nous sommes en danger permanent. Il y a les serpents, la fraicheur, nous ne pouvons pas dormir », soupire Mamadouba Sylla.

Un mal qui en cache un autre…

Depuis que ces phénomènes ont commencé, les habitants de cette bourgade disent n’avoir reçu aucune aide. Ils interpellent le nouveau gouvernement. En plus d’être pris en otage par les eaux, un autre mal guette en permanence ces habitants. La terre tremble quasi quotidiennement.

« Nous sommes aussi des fils de la Guinée. Le gouvernement doit trouver une autre localité pour nous ou bien nous dédommager. Nous passons la nuit la peur au ventre, parfois même à la belle étoile. On a peur non seulement, de l’effondrement des murs mais aussi des serpents et autres animaux dangereux qui ont été poussés par ces eaux. Tous nos objets sont au dehors il a fallu qu’on part trouver un refuge en haut chez nos voisins. Tu ne peux pas te coucher dans la maison puisque l’eau vient te trouver, la terre tremble à tout moment. C’est pour cette raison quand on passe la nuit chez nos voisins en haut le matin, nous venons voir notre maison. Nous n’avons pas de quoi manger, nos champs sont envahis par les eaux. Tous nos arbres fruitiers sont détruits. Nous ne connaissons nulle part qu’ici”, explique M. Sylla.

Assise devant sa maison, Aissatou Bangoura est désemparée. « Nous sommes confrontés à d’énormes difficultés par ce que nous ne savons pas où aller, nous n’avons plus de marché hebdomadaire pour faire des achats. Pour se déplacer, il te faut une forte somme, ce que nous payons comme transport est plus que la marchandise que nous revendons. Les serpents sont dans nos maisons, nos terres cultivables sont envahies par les eaux du barrage. Nous ne savons plus quoi faire, aidez-nous », lance cette pauvre mère de famille.

 

Selon Human Rights Watch, le processus de réinstallation de Souapiti est le plus important que connaisse la Guinée depuis son indépendance. Les personnes déplacées sont pour la plupart, extrêmement pauvres : selon les estimations tirées d’une évaluation de 2017, le revenu quotidien moyen dans cette région est de 1,18 dollar US par personne.

L’Ong internationale de défense des droits humains précisait qu’en fin 2019, le gouvernement guinéen avait déplacé 51 villages. Le rapport datant de 2020 mentionnait que les communautés déplacées ont du mal à nourrir leurs familles, à rétablir leurs moyens de subsistance et à vivre dignement.

A suivre…

 

De retour de Bangouya

Chérif Keita pour Africaguinee.com

Créé le 14 décembre 2021 15:05

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