Guinée: Des jours difficiles nous attendent… (Alpha Saliou Wann)

Alpha Saliou Wann

CONAKRY- J’ai écrit ce texte au moment où nos compatriotes étaient sous le coup d’une douce euphorie, c’est pourquoi j’ai préféré reporter sa publication pour ne pas briser leur rêve  de lendemains meilleurs avec un nouveau Alpha Conde qui leur à tout promis.

Comme le pouvoir refuse de dire la vérité aux guinéens sur la situation réelle du pays et préfère la fuite en avant, nous sommes obligés de les prévenir au risque d’être pris pour des oiseaux de mauvais augure par certains.

En venant au pouvoir en 2010, Alpha Conde et ses hommes n’avaient pas conscience apparemment de la grave crise financière déclenchée en 2008 qui a secoué l’économie mondiale et cause la crise des dettes souveraines en Europe notamment.

Aujourd’hui, le monde fait face au ralentissement de l’économie chinoise qui a conduit à la chute des matières premières dont la conséquence immédiate pour nous est le gèle des investissements dans les méga projets miniers dans notre pays notamment du Simandou.

Les guinéens viennent de découvrir avec ahurissement la lourde facture des 5 ans de mauvaise gestion du pays par Alpha Conde.

Il faut faire impérativement un bilan de ces folles années de dilapidation de nos ressources publiques en lieu et place de la fuite en avant actuelle du pouvoir.

 En 2012, nous avions enfin bénéficié de l’initiative PPTE avec l’allègement massif de notre dette. Aucun gouvernement guinéen n’a eu à sa disposition autant d’argent pour financer ses programmes. Malheureusement, en 5 ans ce pouvoir a gaspillé des sommes colossales sans créer les conditions minimales pour impulser une croissance forte et durable comme l’ont fait certains de nos voisins comme la Sierra Leone et la Côte d’Ivoire.

Le gouvernement guinéen a caché ses contre performances économiques en utilisant sa puissante machine de propagande. Ne nous privons pas de lui rappeler qu’il nous a promis en 2011 qu’il fera de la Guinée un pays émergent en 2015. Au lieu de l’émergence économique, nous récoltons l’austérité en 2016.

Nous avons, avant Ebola en 2014, le taux de croissance le plus faible de la CEDEAO qui ne couvrait pas le taux de croissance naturelle de la population de 3%, d’où l’aggravation de la pauvreté dans le pays et notre maintien parmi les 10 pays les plus pauvres du monde.

On n’accuse pas gratuitement Alpha Conde de dilapidation de nos ressources publiques, les chiffres et la réalité sur le terrain parlent d’eux-mêmes. Sur les cinq lois de finances votées au parlement de 2011 à 2015, nous notons les dépenses cumulées suivantes qui méritent justification :

·      Dépenses d’investissement 25.000 milliards de francs,

·      Dépenses en Achats de biens et services 13.300 milliards de francs,

·      Dépenses en Subventions et transferts 8.500 milliards de francs, soit un total de 46.800 milliards de francs soit près de 7 milliards de dollars sur 5 ans.

Le gouvernement ne peut pas nous montrer les traces de ces 25.000 milliards d’investissements publics. Pour vous montrer l’ampleur du gâchis financier, les dépenses consacrées aux fêtes tournantes de l’indépendance dans les capitales régionales, malgré les surfacturations, au vu de ce qui a été fait, ne sont que de 1.510 milliards ( 110 à Boke, 61 à Nzerekore, 240 à Mamou et 1.100 à Kankan pour le moment), il reste donc 23.490 milliards à justifier en sachant que l’Etat guinéen n’a pas mis 1 franc dans les constructions des hôtels à Conakry.

Pas de nouvelles universités ni d’hôpitaux construits, de l’approvisionnement en eau potable à Conakry et à l’intérieur du pays, de l’assainissement, des transports collectifs, les routes sont fortement dégradées partout dans le pays et pour les autres, ce sont des chantiers interminables comme les autoroutes Sonfonia –Kagbelen ou Km 36-Coyah.

Ils ont englouti dans EDG en pure perte sans produire 1 MW plus que le prix de Kaleta pour lequel nous devons rembourser plus de 400 millions de dollars.

Les achats de biens et services, c’est le train de vie coûteux de l’Etat, il faut entendre ici le train de vie de nos dirigeants qui du président, aux ministres jusqu’aux directeurs ne peuvent se deplacer que dans des 4*4 de luxe, des tickets de carburant et frais de maintenance qui se chiffrent en milliers de milliards, sans compter les voyages de prestige dans les palaces occidentaux etc.

Alpha Conde aime dire qu’on ne peut pas nous comparer au Danemark, à juste raison d’ailleurs parce que la majorité des dirigeants danois vont au travail en vélo comme leurs compatriotes (plus de 50% des danois prennent le vélo).

Les subventions et transferts sont aussi des sources d’abus, la menace de grève des universités privées pour non paiement des bourses de scolarité des étudiants depuis 2014  est un exemple symbolique de la gestion calamiteuse de nos finances publiques.

Comment peut-on parler de non paiement de ces subventions alors que ces montants sont effectivement décaissés? Dans les budgets alloués au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, les subventions sont de 415 milliards en 2014 et 551 milliards en 2015 soit au total  966 milliards de francs, une autre ardoise que nous devons payer, les fondateurs des universités tenant le couteau à la gorge du gouvernement qui craint le déferlement dans la rue de dizaines de milliers d’étudiants révoltés. Pourquoi le gouvernement est silencieux sur l’utilisation de ces fonds qui n’ont pas pris, nous le voyons bien, leur destination normale, c’est à dire dans les caisses des universités privées où sont inscrits les étudiants boursiers?

Je n’arrive pas à comprendre que M. Ousmane Kaba, député et surtout président de la Commission des Affaires Economiques, Financières et du Plan de l’Assemblée Nationale valide les lois de finances rectificatives de 2014 et 2015 au titre des subventions et transferts du ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique alors que comme président de la Chambre Représentative de l’Enseignement Supérieur Privé (CRESP) il savait que ses membres affiliés ne sont pas payés. A leur conférence de presse du  jeudi 12 février 2016, il a omis de préciser le montant total des arriérés et aucun journaliste par curiosité ne leur a posé la question sur ce point important car nous avons besoin de transparence.

Quelle garantie nous avons que le président de la Cour des Comptes qui était le ministre de l’Economie et des Finances, ordonnateur principal des dépenses au moment des faits, exigera des justificatifs sur la destination de ces fonds publics.

Nous comprenons pourquoi Alpha Conde a refusé systématiquement ces cinq dernières années d’installer cette Cour des Comptes en violation de l’article 116 de la Constitution et des articles 52, 53, 75, 76, 79, 80 et 81  de la Loi Organique relative aux Lois de Finances et Règlement Général sur la Gestion Budgétaire et la Comptabilité Publique qui est la Constitution Financière de notre pays. C’est contraint et forcé certainement par le FMI qui a rédigé pour nous cette loi organique qu’il vient de mettre en place la Cour des Comptes, mais en prenant d’y placer à sa tête le principal ordonnateur des dépenses de l’Etat pour garantir l’impunité.

Comme il aime les audits, il aura à décortiquer l’utilisation des 46.800 milliards de francs durant son quinquennat. Qu’il nous envoie les experts de la Cour des Comptes de France comme il l’avait fait pour la courte gestion du général Sekouba Konate dont les conclusions sont restées dans les tiroirs.

Mais la conséquence la plus néfaste pour notre économie de sa gouvernance est le financement du déficit  budgétaire de milliers de milliards de francs durant cette période par l’endettement bancaire. Non seulement cela a contribué à alourdir la dette et ses intérêts, mais pire, cette politique a pénalisé  le développement du secteur privé, mis en faillite plusieurs PME par manque de financements. En effet, les banques guinéennes se contentaient de financer l’Etat (sous la responsabilité du ministre de l’Economie et des Finances et la BCRG) qui est une activité plus lucrative et sûre pour elles que d’accorder les crédits à l’économie en finançant les entreprises et les dépenses de consommation des ménages, c’est l’effet d’éviction. L’Etat capte donc les crédits bancaires aux détriment des entreprises et des ménages guinéens, c’est ce qui explique la faiblesse de notre croissance, car en contrepartie de ces financements, le gouvernement a financé des dépenses improductives pour l’économie.

La BCRG a accordé sa garantie aux prêts des banques à un groupe très restreint d’entreprises proches du pouvoir qui ont bénéficié des marchés publics avec des contrats de gré à gré. Des montants colossaux sont en cause alors que les chantiers n’avancent pas, d’où le risque systémique que la BCRG fait planer sur les banques fortement engagées dans ces opérations si l’Etat ne parviens pas à faire face aux défauts de paiement de ces entreprises qui ont dilapidé ces fonds en soutien au pouvoir.

 Pourquoi la BCRG, gardienne de l’orthodoxie financière du système bancaire s’est engagée dans des opérations manifestement illégales qui fragilisent les positions des banques guinéennes?

Voilà les conséquences de l’irresponsabilité des dirigeants guinéens.

Le couple FMI/BM qui étaient si complaisants avec le gouvernement guinéen vient de découvrir l’étendue de la catastrophe lors de sa revue de décembre 2015. Le verdict ne se fait pas attendre, le pouvoir est sommé de rétablir les comptes publics.

Maintenant Alpha Conde veut nous faire payer la facture de leurs folles dépenses somptuaires, des contrats de gré à gré, ses dépenses électoralistes.

Pour faire face aux injonctions du FMI, le gouvernement a concocté un budget qui écrase les populations et les entreprises par une hausse des impôts et taxes et refuse obstinément de baisser le prix du carburant, malgré une baisse vertigineuse de 75% du prix du pétrole depuis juin 2014.

C’est un nouveau bras de fer qui s’engage entre lui et le peuple de Guinée tout entier fatigué de devoir toujours se serrer la ceinture sans voir le bout du tunnel.

Quelle est la logique économique qui pousse le gouvernement à procéder à une hausse généralisée des impôts et taxes qui impacteront négativement sur la consommation et l’investissement? Est-ce le cadeau dont ont besoin les entreprises pour sortir du marasme économique?

En lieu et place des économies nécessaires sur les dépenses improductives de l’Etat, le gouvernement fait le choix de casser la machine économique par une hausse des impôts et taxes qui vont frapper durement les entreprises et les consommateurs guinéens alors que nous sommes en récession.

Faire le choix d’un gouvernement pléthorique est une fuite en avant, un mauvais signal pour dire que les dérives budgétaires persisteront.

Que faut il faire?

Prendre une hache et tailler impitoyablement dans les dépenses.

Dans la loi de finance 2016, le gouvernement a maintenu le même niveau des dépenses par rapport aux années précédentes.

Au terme de 5 ans de catastrophes pour nos entreprises et nos populations paupérisées, il est économiquement inopportun de les écraser davantage par des hausses d’impôts. Bien au contraire, il faut baisser les taux d’imposition et donner ainsi du pouvoir d’achat aux guinéens, encourager les entreprises à investir et créer des emplois. En contrepartie, il faut nécessairement faire des économies en réduisant drastiquement le train de vie de l’Etat, faire la chasse aux gaspillages, appliquer strictement le code des marchés publics et rationaliser les choix d’investissements publics.

En principe, les investissements publics stimulent l’activité économique, mais tel n’est pas le cas en Guinée où nous voyons plutôt un groupe restreint de proches du pouvoir qui capte par des contrats de gré à gré des sommes colossales sans exécuter les programmes d’investissements prévus. Tous les projets publics financés par le BND (budget national de développement) n’obéissent à aucune règle du code des marchés publics.

Dans la loi de finance de 2016, la part des dépenses d’investissements sur financement intérieur de 2.904 milliards de francs doit être annulée pour faire partie des économies à réaliser. Nous ne perdons rien car ce montant se retrouvera dans les poches des proches du pouvoir.

C’est la part des dépenses d’investissements sur financement extérieur de 2.112 milliards de francs qui doit être maintenu parce qu’elle obéit a des règles plus strictes et un meilleur suivi des bailleurs de fond.

Il est inacceptable que les dirigeants imposent aux populations le prix actuel du carburant alors qu’ils ont eux gratuitement des milliers de litres chaque mois. Les transports collectifs sont défaillants alors qu’eux ils roulent dans de grosses 4*4 qu’il faut vendre aux enchères comme l’avait fait ADO en 1990 en Cote d’Ivoire. C’est un poste de dépense très coûteux pour nos finances publics.

Je rappelle que Mamadou Sylla est devenu l’un des hommes le plus riche du pays en vendant simplement des véhicules à l’Etat et il n’était pas le seul dans ce cas. De 1985 à nos jours l’Etat guinéen a dépensé des sommes faramineuses en achats de véhicules de luxe pour le confort personnel de ses dirigeants qui en retour comme pour témoigner leur reconnaissance ont enfoncé le pays dans la pauvreté.

Le premier ministre et les ministres de l’Economie et du Budget doivent d’urgence nous présenter un plan précis et chiffré des économies a trouver au niveau des dépenses. C’est ce qu’on exige de tous les gouvernements qui sont dans notre situation.

Rien ne sert d’augmenter les recettes en pressurant les populations pour financer le train de vie luxueux de l’Etat et enrichir des clans mafieux. Nous exigeons donc ce plan d’économies.

Je remarque d’ailleurs une violation de l’article 57 de la Constitution qui dispose : Après sa nomination, le Premier Ministre fait une Déclaration de Politique Générale suivie de débat sans vote devant l’Assemblée Nationale.

Comme son prédécesseur, le PM ne fera que piloter à vue au gré des humeurs de son président.

Il faut réformer d’urgence toutes les administrations financières du pays.

Notre problème se situe au niveau de la défaillance de ces administrations à collecter normalement les impôts et taxes et à sécuriser les recettes. Pour les dépenses le problème se pose au niveau de la présidence qui est le principal responsable des dépenses extra budgétaires du pays.

Nous pouvons parfaitement baisser les taux d’imposition, supprimer les exonérations, mais élargir l’assiette fiscale en favorisant l’essor du secteur privé et combattre énergiquement la fraude fiscale. L’équité fiscale est indispensable pour éviter le risque de fraudes et de refus de payer. Or, le système fiscal actuel est inéquitable et donc décourage beaucoup de contribuables qui dénoncent la concurrence déloyale qu’il implique.

Je suis convaincu que la pauvreté n’est pas une fatalité. Appliquons une règle simple : ne pas vivre au-dessus de nos moyens. Le gâteau est petit à partager pour tous, il faut donc produire plus de gâteaux plutôt que de laisser quelques uns s’accaparer  seuls du fruit du labeur de toute la collectivité.

Avec une gestion saine et prudente, nos recettes intérieures pouvaient faire face à nos dépenses, y compris les investissements prioritaires.

Contrairement à la plupart des présidents africains, Alpha Conde n’avait aucun projet, il ne s’est fixé aucun cap, il a géré le pays en mode pilotage automatique et s’est contenté de promettre de vendre nos mines à tous ses interlocuteurs pour finalement se retrouver dans un imbroglio dont on est pas prêt de sortir et malheureusement pour nous la baisse des cours des minerais n’arrange pas nos affaires.

Je ne peux que sourire lorsque j’entends le gouvernement dire qu’il va relancer le secteur minier comme s’il avait le pouvoir de faire remonter les cours des minerais.

Alpha Conde est devant un vrai casse-tête chinois.

Il n’est pas prêt à diminuer leur train de vie et les guinéens de leur côté ne sont pas prêts à payer leur facture salée.

Il a une telle mauvaise réputation à l’international qu’il ne peut espérer une partie de l’aide publique au développement (qui se réduit comme une peau de chagrin) des pays occidentaux dont les marges de manoeuvres budgétaires aussi sont faibles. Faudrait-il aider la Grèce ou la Guinée?

Facteur aggravant de la crise, nos compatriotes de la diaspora qui sont les premiers bailleurs de fonds du pays sont exténués eux aussi, ils sont découragés par le pouvoir en place qui a ruiné leurs relais économiques sur place. Les opérateurs économiques locaux ont perdu plus de 200 milliards de francs dans les violences politiques et le pouvoir n’a jamais honoré ses engagements de les rembourser.

Tous ces facteurs font que notre économie est pratiquement à l’arrêt.

Comme un novice en politique, Alpha Conde semble ne pas comprendre que la stabilité politique, l’Etat de droit et la protection du droit de propriété sont des conditions essentielles du développement économique.

Sa farouche volonté d’effacer l’opposition de la carte politique de la Guinée ne peut-être que nuisible pour notre pays.

Pour le moment, trêve de diversion politicienne, il ne pourra pas occulter la crise sociale qui menace son pouvoir.

Son coup KO nous revient comme un boomerang droit sur la figure. Notre situation économique pour le moment est intenable.

En 2012, il nous disait que nos sacrifices durant l’année 2011 ont porté  fruits avec l’obtention du PPTE qui va régler tous nos problèmes. Au lieu de ça, ils ont dépensé sans compter notre argent comme des cigales et ils se réveillent en 2016 pour nous imposer des sacrifices supplémentaires, et cela après Ebola dont on a vu comment ils ont fait de ce malheur une opportunité de business pour eux-mêmes.

C’est à leur tour de faire des sacrifices. L’Etat doit maigrir, la graisse inutile n’est pas gage de bonne santé.

Nous ne pourrons pas aller de l’avant sans engager une profonde Réforme de l’Etat, c’est la clé de notre développement. Cette administration inefficace, désarticulée et mal dirigée nous coûte très chère parce qu’elle ne remplit pas correctement ses missions. Sans cette réforme indispensable, nous continuerons à trainer dans la pauvreté. Je suis persuadé aussi que ce n’est pas Alpha Conde qui la fera dans la mesure où il est viscéralement allergique au respect des lois et  textes en vigueur.

Avec lui, toutes les issues sont fermées. C’est pourquoi je dis des jours difficiles nous attendent encore.

 

Alpha Saliou Wann

Président de l'Alliance des Forces Démocratiques

 

 

Créé le 16 février 2016 10:58

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