Gaoual-Guerre d’intérêts, coup bas : voyage au cœur du marché de bétails…

Marché à bétails de Thiaghel Bôori

GAOUAL- Dans la préfecture de Gaoual, zone agro pastorale par excellence, un conflit oppose des vendeurs de bétails à l’Union préfectorale des éleveurs de Gaoual. Les deux protagonistes se "crêpent les chignons", à cause de la rentrée en vigueur d'une mesure.

Ces tensions, sur fond de de lutte d'intérêts, sont nées d'un malentendu entre les deux entités. Le conflit est parti d'une interdiction brusque faite aux revendeurs de bétails, d'aller s’approvisionner dans les villages, en lieu et place du marché à bétails érigé à Kounsitel. Or, la plupart des commerçants qui achètent des bœufs à Gaoual les acheminent vers Thiaguelbori (Lelouma), le plus grand marché à bétails de la région de Labé.

Désormais, l’union des éleveurs de Gaoual oppose un refus catégorique de délivrer des papiers aux commerçants qui traitent directement avec les propriétaires hors du parc de Kounsitel. Ce que les marchands de bétails trouvent inadmissibles. Selon eux, il leur est impossible de marcher 50km pour trouver un papier qui est habituellement délivré sur place. Le bras de fer est à son comble entre les deux camps qui s'accusent mutuellement. Les forces de l'ordre ont été saisies pour un arbitrage.

Dimanche à Thiaguelbori, c'est le jour du marché hebdomadaire. L’ambiance habituelle n'est au rendez-vous. Des vendeurs se présentent avec visages crispés. Ils dénoncent une situation difficile depuis la rentrée en vigueur de cette nouvelle mesure prise par l'union des éleveurs de la préfecture de Gaoual.

« Le problème à Gaoual, c’est les documents qu'on délivre pour l'achat des bêtes. Désormais, si tu achètes hors du parc à bétails qu’ils ont créé, ils considèrent que c’est du vol. Nous ne refusons pas de nous approvisionner au niveau de leur marché, mais il faut qu’ils s’organisent très bien autour afin d’aider tout le monde au lieu de nous envoyer des gendarmes à tout moment. Nous demandons à leur président Elhadj Djibi de faire des documents et les rendre disponible au niveau des secteurs où partons pour acheter. Personne ne refuse de s’acquitter de ses droits, mais c’est l’abus de pouvoir qui est grave.

Il doit libérer les documents de vente de bétails dans tous les villages. Mais ils disent que désormais, il faut absolument acheminer les bêtes au marché de Kounsitel alors que certaines localités sont à 90 km comme Bantala, Himaya, Bomini. Imaginez comment tu peux te déplacer avec une vache sur une distance de 90km pour juste régulariser les documents d'une bête ? C’est inadmissible. Une fois, on s’est croisé à un endroit ils ont bloqué notre véhicule chargé de bœufs, ils nous ont facturé 5 millions avant de nous libérer. Avant-hier encore ils m’ont bloqué à Bantala avec 7 têtes, ils m’ont conduit à Gaoual alors que j’avais tous les documents. Le commandant de gendarmerie est venu vérifier, il se rend compte que tout est conforme, il a instruit à ce qu’on me rendre mes animaux. Ce qui a été fait, malgré tout ils m’ont soutiré 4 millions, en disant que c’est le chef du secteur qui a commis l’erreur parce que les documents qu’il m’a délivrés ne sont plus normaux. J’ai répondu que ce n’est pas moi le chef, les documents délivrés et le cachet leur appartiennent s’il y a un problème c’est à leur niveau. Vraiment le commandant de la gendarmerie leur a dit la vérité il faut que les papiers soient disponibles partout, sinon c’est à tort qu’ils nous fatiguent. Commandant Diallo a dit qu’ils envoient des représentants partout avec des documents pour mettre fin au conflit. Une façon d’éviter de nous obliger à marcher 70 ou 90km à la recherche d’un papier », explique Hothia Bailo Sall, vendeur de bétails.

Mamadou Sarifou Bah de Manda Fulɓe lui estime que l’union des éleveurs de Gaoual les vise pour des raisons inavouées. Ils indiquent que les vendeurs de bétails qui viennent d’ailleurs sont confrontés à toutes les complications dans la zone de Gaoual : « Labé, Lelouma et Gaoual nous sommes les mêmes chacun va chercher chez l’autre ce qu’il ne trouve pas chez soi. C’est un échange commercial, chacun est libre d’aller s’approvisionner là où il veut, mais actuellement ils nous imposent à Gaoual des conditions difficiles. A Dengheteri par exemple, tu viens acheter avec le propriétaire de la vache directement, ils refusent de délivrer les papiers, pourtant on va là-bas seulement pour acheter. On attend que tu achètes et ils refusent de donner les papiers requis, une façon de te mettre dans l’illégalité. Après on profite pour te retirer de l’argent ce n’est pas bien ça. Et le propriétaire qui a élevé la bête cherche à vendre pour faire face à certains besoin. Mais si on l’empêche de vendre sa bête à cause d’un papier qu’on refuse de délivrer, c’est difficile à supporter. Même si tu as des papiers dès que tu les montres on te dit que les papiers ne sont pas valables. C’est vraiment difficile.

Avant ce n’était pas comme ça, on venait nous approvisionner sous leur bénédiction avec toute la documentation nécessaire sans problème partout dans Gaoual. Mais s’il faut marcher 50 km maintenant jusqu’à Kounsitel ensuite retourner et prendre la route de Thiaguelbori (le plus grand marché à bétails de la région de Labé NDLR) c’est insupportable. Maintenant on poursuit les gens dans la rue pour bloquer leurs bêtes. Ils veulent bloquer tout au profit du marché de Kounsitel. On nous invite à y aller mais même si vous allez là-bas en tant que vendeurs de bétails n’étant pas de Gaoual, on vous complique la tâche vous n’aurez rien, on multiplie les prix pour vous empêcher de gagner. Entre mon village Manda(Lelouma) et le district de Dengheteri(Gaoual) c’est 25km. De là à Kounsitel c’est 45km au moins » se plaint cet autre vendeur de bétails depuis 27 ans.

Interrogé sur cette problématique, le président de l’union préfectorale des éleveurs de Gaoual, Moussa Camara a rejeté ces accusations. Il accuse à son tour des commerçants d’exercer leurs activités commerciales clandestinement dans les localités pour échapper à toute taxe. Chose qu'il trouve anormale.

« Nous sommes une structure bien organisée au sein du groupement d’éleveurs de Gaoual avec des unions au niveau des sous-préfectures. Les groupements d’éleveurs de Kounsitel se sont plaints de certains commerçants qui rentrent acheter les animaux avec les propriétaires dans leurs localités pour les envoyer clandestinement vers Labé, Thiaguelbori ou ailleurs sans prendre les documents. Entretemps, ils ont enregistrés des disparitions d’animaux. C’est suite à ça que nous avons pris des mesures pour voir quels sont les éléments qui envahissent la zone pour acheter des animaux sans documents légaux. Aujourd’hui un marché de bétails est créé à Kounsitel, reconnu par l’autorité où les propriétaires peuvent venir vendre sans problème. Le marché n’est pas créé par plaisir, mais c’est pour satisfaire nos besoins commerciaux. Ces animaux doivent normalement transiter par ce marché. Si cela est fait, nos groupements peuvent délivrer les certificats de propriété pour faciliter la tâche sans aucun envoi douteux. Et si les animaux doivent transiter d’une zone à une autre, on délivre un laissez-passer zoo-sanitaire qui prouve que l’animal va à tel lieu.

Maintenant, si ces commerçants viennent en brousse achètent les vaches sans document comment on peut expliquer cette situation ? C’est douteux. Le commerçant a un droit et un devoir, il est libre de faire son marché partout dans ce pays mais dans la légalité. Mais ces commerçants qui nous accusent ne payent pas de patente ici, ils font tout en brousse avec les propriétaires, après ils disparaissent. C’est pourquoi nous avons exigé que tout se passe dans le marché à bétails. Demandez à Labé ou à Thiguelbori, les taxes de stationnement sont payées et reverser au niveau des communes. Comme nous ne sommes pas habilités à arrêter un voleur au cas où nous trouvons sur notre chemin, c’est la gendarmerie qui est mandatée à faire ce travail. Elle fait des patrouilles et des constats mais aucun commerçant n’a été interpellé, je vous parle des voleurs. Les commerçants on fait juste la remarque voici les documents que vous devez avoir, si vous ne les avez pas il faut en trouver. C’est tout » explique Moussa Camara, l’ancien maire de Gaoual devenu président de l’union des éleveurs

Mamadou Bobo Diallo, vendeur de bétails originaire de Deghetere n'est pas d'accord avec cette version. Il affirme de son côté que les documents sont habituellement délivrés sur place. « Habituellement, partout où nous achetons des bœufs, c’est le président de district qui délivre les papiers de vente sur confirmation du propriétaire de l’animal, le document qu’on délivre qui nous permet de convoyer la bête là où nous voulons. Sinon avant même la vente, chaque animal est tatoué et a sa carte. Maintenant on instruit aux présidents des districts de ne plus donner les papiers, on les effraye pour ne pas qu’ils donnent. Il y a une intention de bloquer notre activité au profit du marché à bétails de Kounsitel. Imaginez, certains propriétaires sont malades ou ont un malade à la maison, ils ne peuvent même pas marcher. S’il faut qu’on aille avec lui jusqu’à Kounsitel, c'est compliqué. Si tu as un mariage ou baptême tu décides de vendre ton animal on bloque alors que le client est venu jusque devant ta porte, comment tu vas faire. Ils ont même pris 500,000GNF avec un propriétaire au village afin de lui donner le document de vente. Tout ça ce n’est pas bien », fustige M Dialllo.

Joint au téléphone, un agent en service à la gendarmerie territoriale de Gaoual disculpe son unité. Il indique que le rôle que la gendarmerie joue n’a rien à voir avec le conflit qui oppose l’union des éleveurs de Gaoual et les vendeurs de bétails qui y vont s’approvisionner :

« Dans cette histoire, la gendarmerie de Gaoual ne se reproche de rien, l’union préfectorale des éleveurs de Gaoual a demandé à être aidé pour traquer des voleurs de bétails à travers l’autorité préfectorale. L’autorité a demandé à son tour notre appui pour démanteler le réseau des voleurs. Nous ne partons pas seuls nous sommes en compagnie de l’union. Nous avons planifié des opérations de recherche entre les sous-préfectures de Kakoni, de Touba et de Malanta. La semaine dernière, nos hommes ont réussi à mettre main sur deux grands voleurs de bétails activement recherchés depuis un bon moment. Il s’agit de Siradio Diallo et Abdoul Kabirou Diallo. Hier nous avons mis main sur un 3ème du nom de Dakife Kanté, leurs PV sont en cours pour les traduire devant la justice.

C’est des personnes qui opèrent entre les préfectures de Gaoual et Lelouma, Gaoual et Koundara dans certaines sous-préfectures. Notre rôle se limite à ça sur instruction de notre commandant. Pour ce qui est du conflit entre eux et les vendeurs de bétails, ça ne nous concerne pas du tout. En tant qu’arbitres nous avons dit à l’union de trouver des représentants partout pour délivrer les documents pour ceux qui veulent vendre leurs bêtes comme d’habitude. Ils se connaissent entre eux vendeurs et acheteurs, ce conflit sera géré entre eux, nous c’est le démantèlement du réseau des voleurs qui nous préoccupe. Sinon aucun vendeur connu n’a été interpellé ni intimidé les connait aussi, on les voit pendant nos opérations mais ils ne sont pas inquiétés. Mais il y a des bandits qui n’ont rien à voir avec notre opération. Nous n’avons aucune faute, si des personnes mal intentionnées cherchent à diffamer notre unité c’est à tort. Et aucun citoyen ne vous dira qu’il a été rançonné par la gendarmerie » a expliqué sous anonymat cet officier de gendarmerie.

Pourquoi cette cacophonie ?

Docteur Mohamed Diakité, chef poste vétérinaire de Thiaguelbori explique que bras de fer n'avait lieu d'être. « il n’y a aucune législation qui empêche un vendeur ou un éleveur de vendre sa marchandise là où il veut. Les bétails c’est une marchandise comme toute autre. L’essentiel c’est d’être munis des documents légaux, d’un certificat zoo-sanitaire qui prouve que l’animal vendu est en bon état de santé. Avec ces documents on peut circuler d’une zone à une autre sans restriction sur le territoire national. Le problème c’est quoi ? On ne peut pas obliger quelqu’un à vendre son animal à un point où il ne veut pas même s’il est de la localité. Ils doivent sensibiliser les gens pour que leur marché soit viable au lieu d’empêcher le mouvement des animaux vers d’autres marchés. Ce n’est pas aussi en rackettant les gens qu’on peut les obliger à faire ce que vous voulez. Ce n’est pas normal. S’ils refusent que les chefs des districts donnent les papiers, dans ce cas les services de l’élevage doivent procéder au tatouage des animaux, chacun obtient sa carte. En ce moment le dernier travail revient au vétérinaire qui examine la santé de l’animal après ça c’est terminé.  Le propriétaire est libre de vendre partout sans transiter par tel ou tel marché. Qu’ils sachent que e marché de Thiaguelbori est un marché national qui approvisionne même Conakry et d’autres préfectures.  Vouloir empêcher les gens de venir vendre ici, c’est contre-productif, ils peuvent faire la promotion du marché de Kounsitel sans faire du mal aux autres », a expliqué le médecin vétérinaire

Selon les informations recueillies sur place, le ministère de l’élevage serait saisi dans les prochains jours pour un arbitrage afin de dénouer la crise. En attendant les protagonistes campent chacun de son coté qui ressemble fort à une lutte d’intérêts.

De retour de Thiaguelbori,Alpha Ousmane Bah(AOB) et

Thierno Oumar Tounkara

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 19 janvier 2021 12:13

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