Enquête/Immigration irrégulière vers les USA : La réalité que les «passeurs» tapis à Conakry ne vous disent pas…

CONAKRY-Tijuana est une ville mexicaine frontalière du comté de San Diego, dans l’Etat de Californie (Etats-Unis d’Amérique). C’est là où « s’échouent » les migrants africains venus du Nicaragua, pays d’Amérique centrale niché entre l’océan Pacifique et la mer des Caraïbes. Cet État attire la convoitise des migrants clandestins qui rêvent de rejoindre le pays de l’Oncle Sam.

Pour cette deuxième partie de notre enquête sur la nouvelle route de ‘’l’immigration irrégulière vers les Etats-Unis’’, Africaguinee.com lève le voile sur ‘’le calvaire des candidats subsahariens’’ sur cette aventure périlleuse.

Certains qualifient ce chemin d’une distance de 5051 km, la « route de tous les dangers ». Mais pour vivre le « rêve américain », les candidats sont prêts à prendre tous les risques.  Même au péril de leur vie. De nos jours, ils sont des centaines ces jeunes guinéens qui décident de fuir leur pays, destination les Etats-Unis. Pour certains, cette envie irascible de vivre le ‘’rêve américain’’ vire au cauchemar.

Pour arriver à destination, les migrants traversent plusieurs pays de l’Amérique Latine (Nicaragua, Honduras, Guatemala et Mexique). Dans leur longue pérégrination, certains de ces jeunes migrants sont victimes de tout : arnaques, tortures, rackets, emprisonnement…de la part de « faux passeurs » ou encore de policiers corrompus. Lamine, un jeune migrant qui a pratiqué cette route pour rejoindre les Etats-Unis a accepté de partager son histoire avec nous.

« Sur la route, les agents (militaires et policiers ndlr) ne demandent jamais de documents. Eux, c’est l’argent qu’ils connaissent. C’est à l’aéroport seulement qu’on exige de documents. Là aussi, c’est le carnet jaune.  Sur la route, il y a de nombreux barrages. De Honduras jusqu’à Tapachula (Mexique) on prend des bus mais là aussi il faut prendre des documents au niveau de l’immigration avant de continuer pour la capitale Mexico. C’est à partir de Mexico qu’il faut prendre le vol si tu as les moyens. Si tu n’en as pas, tu prends un véhicule pour se rendre à Tijuana ou une autre ville parce qu’il y a beaucoup d’entrées, moi je suis passé par la ville de Tijuana.

Mais sur les différentes routes, les militaires prennent beaucoup d’argent avec les migrants. Même si tu as tous les documents au complet, eux ils s’en fichent, c’est l’argent qui les intéresse. Même au niveau de l’immigration, si tu veux qu’on te laisse passer, il faut que tu mettes de l’argent. Ça varie de 20 PESOS MXN à 30 PESO MXN (environ 20 000 gnf). Ce sont des dessous de table. Tu les mets dans ton passeport avant de le tendre, comme ça ils vont te laisser passer. Mais par contre, si tu ne donnes pas l’argent, ils vont te bloquer là-bas. A l’immigration, on ne te fouille pas et on ne t’impose pas un montant à payer, on te laisse le choix de donner le montant que tu as mais si tu ne donnes pas tu ne passes pas.

 

Image d’Illustration de migrants noirs

La souffrance ne se limite pas là. Au niveau des barrages, on fait descendre tout le monde, on fouille les gens un à un. S’ils trouvent ton argent ils le retirent jusqu’au dernier franc. Le plus souvent, le problème c’est la route entre Honduras-Tapachula. A force de les tromper, ils savent maintenant là où les africains cachent leur argent (…) Maintenant quand ils arrêtent le bus, ils commencent d’abord à effrayer les gens avec leurs armes avant de les fouiller. A ce niveau, si tu es malin, quand on te demande de l’argent ne dis pas que tu n’en as pas, il faut leur donner 20, 30, 50 dollars pour ne pas qu’on te fouille parce que s’ils te fouillent alors là ils vont retirer tout l’argent que tu as », explique ce migrant.

L’enfer des migrants une fois sur le territoire des Etats Unis

« Les Etats Unis ne respectent pas les droits de l’Homme comme ils le prétendent, ils bluffent seulement. Je connais des gens qui sont dans leur ‘’camps de l’immigration’’. Ce sont des prisons. Depuis un an certains y sont incarcérés, d’autres deux ans et plus. Quand on te détient dans ces camps, tu n’es pas libre, tu ne touches pas à ton téléphone, on te fait porter des tenues comme celles des prisonniers, on te retire tout ce que tu es venu avec, le sac, les habits, ton téléphone, tout. Pour sortir dans ces camps d’immigration on te demande de faire une demande d’asile et cela prend beaucoup de temps. Pour faire ça, on te dit de payer un avocat, imaginez comment un jeune migrant qui a fui son pays peut payer 1500 dollars ou 2000 dollars pour s’offrir les services d’un avocat ? Personnellement je n’avais jamais rencontré un juge dans ma vie mais, aux Etats Unis j’ai rencontré un juge étant un immigré. Les difficultés que les migrants africains rencontrent au niveau des frontières avec les Etats Unis et sur le territoire américain sont mille fois plus élevées que celles qu’ils rencontrent entre Conakry-Mexique. Parce que si les américains t’attrapent, on peut même te ligoter ou te menotter. Sur la route, si tu as de l’argent tu n’auras aucun problème.

Mais aux Etats Unis ce n’est pas facile vraiment, il y a des gens qui sont en détention là-bas depuis 2 ans ou 3 ans, ils n’ont pas pu rentrer et ils ne peuvent pas retourner dans leurs pays parce qu’ils ont jeté leurs passeports. Mais quand tu arrives aux Etats Unis, si tu as de l’agent pour payer un avocat, lui il va t’aider à avoir l’asile. Au niveau de la frontière également si tu as la chance, on te garde pendant une semaine et durant cette semaine, tu ne verras jamais le soleil, on te place dans une cellule où tu n’as aucune notion du temps, tu ne sais pas quand il fait nuit ou jour. Après, si tu as une bonne adresse où tu dois te rendre dans un Etat précis alors on te laisse passer, moi j’ai vécu ça. On m’a gardé pendant une semaine, je ne savais pas quand il faisait jour ou nuit, je ne me lavais pas, je ne me brossais pas les dents, dans cette salle il y a la climatisation, tu te couches au sol, il n’y a pas de matelas et même s’il y a un bruit dehors toi tu n’entends pas et toi si tu fais des bruits dedans, eux aussi ils t’entendent pas dehors mais quand même on te donne à manger, trois fois par jour et d’ailleurs c’est en fonction de ça que tu pourras comprendre qu’il fait jour ou nuit », rajoute ce migrant guinéen.

Après la publication de notre première enquête, notre rédaction a reçu plusieurs témoignages des jeunes migrants qui ont pratiqué le trajet Conakry-Nicaragua-Mexique-Etats-Unis. D’après les témoignages de ces jeunes, les responsables de ces agences de voyages basées à Conakry qui proposent leurs services aux candidats pour ce voyage, arnaquent les jeunes guinéens candidats à l’immigration.

« Ces agences de voyage qui disent qu’elles peuvent aider les gens d’aller aux Etats Unis en passant par Nicaragua trompent les jeunes. Ceux-là qui disent qu’ils vont prendre en charge jeunes et les accompagner jusqu’aux Etats-Unis, ce n’est pas vrai, c’est archi faux. Personnellement j’ai emprunté cette route pour rejoindre les Etats-Unis en 2016, en ce moment on faisait escale au Brésil. Mais tout dernièrement j’ai financé le voyage de mon petit frère qui est venu par le Nicaragua. Donc quand ces gens vous disent qu’ils ont des relations au Nicaragua pour vous envoyer jusqu’aux Etats-Unis c’est archi faux. Au fait, il y en a qui sont passés par le Nicaragua pour rentrer aux Etats-Unis donc, ils ont des contacts des conducteurs des taxis ou des passeurs qui sont basés là-bas, alors ce sont ces contacts qu’ils vont utiliser, pour convaincre les jeunes migrants, de s’inscrire au niveau de leurs agences, mais en réalité ces gens ne peuvent pas s’occuper d’eux jusqu’aux Etats-Unis.

Image d’illustration

Actuellement il y a un sérieux problème au Mexique parce qu’en quittant Guatemala pour le Mexique, il y a une ville qu’on appelle Tapachula. Les jeunes qui quittent cette ville pour aller au Mexico rencontrent assez de problèmes. Le problème est le papier que l’Immigration te donne à Tapachula est uniquement valable dans cet Etat et c’est ce qui fait que quand tu prends ce document pour te rendre à Mexico si l’immigration te prend, des fois, on te fait retourner ou on t’arrête. Donc, dire qu’ils ont une garantie de t’accompagner là ce n’est pas vrai, c’est juste convaincre les jeunes de venir payer l’argent à leur niveau. C’est vrai qu’actuellement les gens passent la frontière pour rejoindre les Etats-Unis ».

L’arnaque au niveau de la frontière avec les USA

« Au niveau de la frontière avec les Etats-Unis, il y a des gens qui sont là-bas qui font payer entre 200 à 400 dollars aux migrants pour les faire sauter les grillages et entrer sur le territoire américain, une fois que tu sautes les grillages, tu vas rester là-bas jusqu’à ce que l’immigration vienne vous chercher pour vous enregistrer et vous transférer à l’immigration. Mais c’est de l’arnaque. Actuellement on laisse beaucoup des gens rentrer aux Etats-Unis puisque premièrement c’est les démocrates qui sont au pouvoir et aussi si les gens ne durent pas au niveau l’immigration, c’est moins des dépenses pour eux c’est pourquoi dès que les gens franchissent la frontière seulement on les laisse passer pour se démerder eux-mêmes dans le pays. Je vous assure qu’il n’y a même pas un mois, à New York, il y avait plus de 3000 migrants qui dormaient dehors parce qu’ils n’ont pas de parents pour les loger ici. C’est vrai au début vous allez souffrir si vous n’avez pas quelqu’un qui vous héberge mais de toutes les façons, ici c’est mieux chez nous en Guinée. Donc ces gens-là ne font que faire la promotion de leurs agences », a ajouté ce migrant guinéen qui vit actuellement à New York.

Aller aux USA même à pied s’il le faut

Alpha est également candidat à l’immigration. Ce jeune-homme de 23 ans dit être prêt à se rendre aux Etats-Unis même à pied s’il le faut. Puisque d’après lui, il n’y a plus d’espoir de réussite et du développement en Guinée.

« S’il faut que je marche jusqu’aux Etats-Unis alors je vais le faire mais il faut que j’aille aux Etats-Unis. Il n’y a plus d’avenir en Guinée ici. On pensait qu’avec la chute d’Alpha Condé, les tueries, les détournements des deniers publics, les manifestations et les arrestations arbitraires allaient être des lointains souvenirs pour les Guinéens mais le malheureusement le CNRD fait pire. La jeunesse guinéenne n’a aucun avenir dans ce pays. C’est ma première fois de voir dans un pays qui se dit un ‘’Etat de droit’’ des juges (magistrats ndlr) manifester pour réclamer la justice et des avocats qui font des débraillages pour réclamer leurs droits à la justice. Honnêtement où va se pays ?

En Guinée, on ne parle plus de développement, tout le monde est devenu politique, tout ce qui intéresse les cadres guinéens c’est les élections. Même les journalistes au lieu de parler des sujets de développement ils passent tout leur temps en longueur des journées de parler de la politique ‘’tel à dit ça, que répondez-vous ?’’. C’est vraiment dommage pour la Guinée. Il faut qu’on quitte ce pays d’abord pour aller se former et chercher une fortune avant de revenir c’est seulement par ce moyen qu’on pourra un jour participer à son développement. Sinon si on reste, on sera des pauvres et des misérables pour toutes la vie », nous a fait savoir ce jeune candidat à l’immigration.

Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 666 134 023

Créé le 22 septembre 2023 16:36

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