Djinka-Lélouma : immersion chez les oubliés de la vallée perdue…

Notre reporter Alpha Ousmane Bah sur les échelles de Djinka

LELOUMA-Située au nord de la Guinée, la préfecture de Lélouma avec son relief montagneux, son climat doux, ses échelles faites de lianes, Djinka est l’un des endroits les plus touristiques du pays. Mais le manque d’infrastructures routières notamment rend cette potentialité inexploitable. Dans ce reportage, Africaguinee.com vous plonge dans une localité chargée d’histoire mais difficile d’accès. Le plateau Djinka et ses contrées environnantes reliées par des échelles faites de lianes dont la durée d’existence a défié le temps. 

Depuis le XIXème siècle, ces échelles existent. Du plateau de Djinka,  l’on aperçoit le village de Sanama en bas la montagne. Pour s’y rendre, il faut emprunter des échelles faites de lianes. Un voyage hors du commun à couper le souffle d’un novice. Pourtant, c’est ces petits sentiers tortueux qu’empruntent tous les jours ou presque des femmes, des jeunes, des personnes âgées. Du côté de Gadha Thiagui toujours dans Djinkan après plus d’une heure de marche sur une route boueuse non accessible aux engins roulants, vous avez une vue panoramique du village de Tirikourè. A ce niveau, des échelles à base de chevrons ont été faites récemment par la communauté pour rapprocher les deux contrées, au lieu d’un détour de plusieurs kilomètres. Là, pour évacuer un malade, il faut un hamac. 

Peuplées de 2 500 habitants, Sanama et Tirikouré se situent dans la vallée, tandis que Djinka est sur la montagne. Quoique, dire que ces localités sont enclavées est un euphémisme.  L’isolement est si profond que le soleil n’arrive à certains endroits qu’aux environs de midi. La montagne forme un « képi » qui protège la zone de Tirikourè des rayons du soleil. 

Les populations vivent essentiellement de l’agriculture et de l’élevage. Elles sont coupées de Lélouma centre par une chaine de montagne qui fait au moins 250 mètres d’altitude par endroit. Les échelles de lianes sont installées entre les rochers sur les parties les moins élevées qui dépassent tout de même les 100 mètres. La vie des gens de la montagne et celle de ceux de la vallée sont étroitement liées. 

Alassane Diallo, habitant sur le plateau de Djinkan, est témoin de la corvée des populations qui sont contraintes de marcher de longues distances et grimper des échelles faites de lianes à la quête de la survie. Il explique : «  ceux qui habitent en bas de la montagne sont contraints de passer par ces échelles pour aller au  marché hebdomadaire de Petel (Lelouma centre, Ndlr). Il n’y a pas une alternative proche à part ces échelles et ces lianes  qu’ils soient hommes, femmes et enfants c’est le passage obligé parfois avec des bagages sur la tête. Ils peuvent monter le matin et descendre le soir. Ils montent s’il y a une sollicitation pour du travail notamment des travaux ménagers, ils retournent le soir avec un revenu journalier qui varie entre 25 000 et 30 000 gnf (2.5 centimes d’euros Ndlr). Vous voyez vous-mêmes l’altitude qui sépare là-haut et le bas. Ceci traduit toute la souffrance. Là où ces accès sont placés, c’est la partie la moins élevée de la montagne. C’est vraiment difficile de passer par là », décrit cet habitant de Djinka.

« La souffrance est insoutenable pour les populations que nous sommes », soupire ce septuagénaire. Mody Amadou Bentè ajoute : « qu’il pleuve ou qu’il vente c’est par là on passe pour aller vendre des condiments au marché hebdomadaire. La souffrance est générale pour tout le monde. Nous aussi c’est sous la montagne que nous pratiquons l’agriculture. Monter et descendre n’est pas une chose aisée », explique-t-il. 

« Nous souffrons parce ce que nous vivons tous de l’agriculture. Le village en bas de la montagne qui se trouve par-là s’appelle Tirikourè. Une école y a été construite récemment. Les nouvelles échelles que vous voyez par là nous empêchent de faire un détour de près de 10 km. Nous avons unis nos efforts pour les faire (…). Vous avez aperçu le village de loin. Nous demandons  aux autorités de faire une route. Il n’y a pas le bonheur par-là vraiment. Tous nos troupeaux sont en bas. C’est là-bas aussi que la terre est fertile à l’agriculture. C’est un véritable calvaire », s’exclame le septuagénaire. 

Selon Adama Hawa Diallo, la quarantaine, les difficultés sont énormes surtout pour les femmes. Dans un passé récent, explique-t-elle, pendant la saison pluvieuse, les eaux emportaient les échelles coupant du coup le passage entier.  « Même s’il y a un décès, beaucoup ne peuvent pas se déplacer faute de routes parce que ce n’est pas tout le monde qui peut grimper. Les échelles faites récemment c’est pour atténuer la souffrance. Nous constituons la même famille mais l’unique passage qui est réservé aux piétons pose problème. Nos champs et nos bêtes sont en bas à Tirikouré mais s’y rendre pose problème. Les récoltes sont transportées sur nos têtes quel que soit la quantité  on passe par ces lianes. Même si vous avez des engins roulants vous allez les garer parce qu’il n’y a pas de routes pour ça. Pour nous ce qui est mieux c’est à pieds. Mais ça aussi vous voyez déjà combien de fois, c’est difficile et distant ». 

Pour se rendre à Sanama, un quartier rural rattaché à la commune urbaine de Lelouma, il faut au moins 3 km de marche pour atteindre les échelles de lianes qui servent de jonction entre la commune urbaine et ce village périurbain. 

« Nous avons un poste de santé, si nous avons un malade qui nécessite une évacuation, nous sommes obligés de le mettre dans un hamac pour passer par une montagne qui s’appelle Domboloya pour arriver à Lelouma Centre. Nous avons une école primaire, si nos enfants passent l’examen d’entrée en 7ème année, faute de collège ils sont obligés d’aller suivre les cours du secondaire au centre. Les enfants ne peuvent pas faire un aller-retour tous les jours. Du coup, nous allons au centre chercher des familles d’accueil où ils peuvent rester », s’est plaint ce natif de Sanama qui rappelle qu’un incendie avait réduit en cendre les premières échelles en 2017

«  Ces échelles avaient pris feu en 2017, tout était parti en fumée. Il ne restait plus rien même une paille. Il a fallu que je me lève avec d’autres personnes pour les refaire. C’est nos grands-parents qui ont noué ces lianes parce que c’est un passage obligé. Vous pouvez passer par Fello Sagalé, Domboloya, mais pour toute urgence le recours c’est les échelles. D’ailleurs personne ne pense à passer par un long chemin. Tout le monde préfère prendre les échelles et arriver vite. En ce moment, nous sommes en train de réfléchir sur comment faire une route reliant notre village au centre de Lélouma,  via Balaya, Kokou et Sanama » a-t-il indiqué. 

Depuis la nuit des temps ces populations vivent comme des oubliés de la terre manquant de tout. Malgré les nombreux appels à l’aide, aucune fumée de changement ou de projet de développement n’est s’est dégagée pour eux. Et à cette allure, le calvaire de plusieurs siècles risque de durer une éternité. 

 

Un reportage d’Alpha Ousmane Bah (AOB)

De retour de Djinkan

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 664 93 45 45

Créé le 4 octobre 2019 12:42

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