Pourquoi la crise d’oignons en Guinée ? Le Directeur National du Commerce Intérieur explique…

CONAKRY- « L’oignon est un allié précieux de la cuisine », nous enseigne l’adage. Ce légume très prisé se retrouve partout dans nos plats. Ses vertus ne font pas débats. En Guinée, la rareté de ce condiment indispensable à la cuisine a entrainé une exposition des prix sur le marché. Le prix du sac de 25 kilogrammes se négocie entre 500 000 à 600 000 francs guinéens.

Une situation intenable pour de nombreux ménages. Le sujet est presque sur toutes les lèvres dans les marchés. Qu’est-ce qui explique cette hausse ? Qu’est-ce qui a entrainé cette crise ? Quelles sont les mesures entreprises par le ministère du commerce pour atténuer la souffrance des consommateurs ? Africaguinee.com a interrogé le Directeur National du Commerce Intérieur Emile Yombouno. Entretien exclusif.

AFRICAGUINEE.COM : Le prix de l’oignon a connu une hausse considérable sur le marché guinéen. Qu’est-ce qui explique cela ?

ELIE YOMBOUNO : Les stocks d’oignon tant au niveau international que national ont connu une certaine réduction parce qu’il y a eu la rupture entre les anciens stocks et les nouvelles récoltes qui ont tardé à venir. Et quand c’est comme ça, effectivement, nous ne pouvons que constater un déficit au niveau national. Ce qui amènerait certains acteurs à cette pratique de spéculation. Mais ce qu’il faut retenir, malgré tout, le stock national étant faible, le peu de quantité qu’on avait sur le marché provenait du Mali, et, la production nationale qui soutenait un peu la demande.

Ensuite, ce qu’il faut dire, des gens ont dit que le prix du sac d’ognon coûte 600 000 GNF (six cent mille francs guinéens), mais l’inspection n’a pas constaté cela. Il y a trois ou quatre endroits où il a été constaté une pratique qui va jusqu’à 590 000 Gnf. Quand on a pris le soin de vérifier sur une balance, on s’est rendu compte que ce n’est pas 35 kilogrammes, donc ça va à 52 à 55 kilogrammes. Quand vous faites le ratio, ça vous ramène à un prix moins de 280 000 Gnf. Quand nous avons été saisis, on pensait que c’est les sacs de 25 kg, mais ce n’était pas pour les sacs de 25 kilos parce que l’oignon en provenance du Mali on le met généralement dans des sacs qui peuvent aller de 50 à 55 kilogrammes.

En plus on s’est dit que s’il y avait des quantités d’oignons au port de Conakry, qu’on puisse aller vers une dynamique d’enlèvement anticipé pour permettre d’achalander le marché, mais au niveau du parc conteneurs il n’y en avait pas, parce que l’oignon présente des caractères sensibles en matière de conservation mais au-delà, il y a aussi des contraintes logistiques et énergétiques de conservation.

Donc le prix de l’oignon à l’international, à partir de mai n’était pas forcément en faveur d’une importation massive vers notre pays. Actuellement, les prix commencent à revenir au tour de 21 dollars et il faudrait attendre à partir du 6 aout à des prix qui avoisineront 18 dollars le sac de 25 kg.

Nous avons donc fait la situation sur les prévisions d’importation. Aujourd’hui, normalement, il y a 13 conteneurs d’oignons qui doivent arriver. En suite le 2 aout, il y a 2 conteneurs qui doivent arriver, le 6 du même mois 30 autres doivent arriver ainsi de suite. Bref pour le mois, il faut s’attendre à 200 conteneurs d’oignons. Ce qui pourrait naturellement corriger ce déficit qu’on a constaté ces deux semaines.

D’où proviennent nos importations d’ognon ?

La majeure partie vient de la Hollande.

Est-ce que cette pénurie d’oignons est aussi liée à la guerre entre la Russie et l’Ukraine ?

Non, pas du tout. En fait, nous sommes arrivés où l’ancien stock qui est là, a connu une rupture en ce sens que les récoltes ont peu tardé. Les premières récoltes en Hollande se réalisent maintenant, c’est pourquoi on a constaté que la plupart des importateurs ont commandé des quantités qui commencent à rentrer aujourd’hui 25 juillet et jusqu’au 20 aout et ainsi de suite. C’est aussi parce que l’année passée il n’y a pas eu une bonne récolte donc ce qui fait qu’au niveau international, on n’a pas connu assez d’offres.

N’envisageriez-vous pas une collaboration avec le ministère de l’agriculture pour une amélioration de la production de l’oignon à l’image de la pomme-de-terre ?

Nous collaborons très bien. Tout est lié à des choix stratégiques, étant donné que nous avons des filières prioritaires mais aussi des filières dont les habitudes alimentaires sont en faveur des consommateurs. Ces filières prioritaires, il y a le riz. Comme vous le constatez, ces derniers temps il n’y a eu des efforts dans cette filière, qui amène le pays à connaitre un certain accroissement en termes de productivité.

Il y a aussi la filière tubercules, le fonio, selon les priorités, ou les habitudes alimentaires, les stratégies sectorielles ne peuvent que s’orienter vers ces filières. Toujours est-il qu’effectivement il y a déjà au niveau national mais, on souhaiterait que les acteurs puissent d’avantage s’intéresser à l’oignon étant donné qu’on vient de se rendre compte que, on ne mange pas 100% l’oignons mais sans oignons on ne peut pas aussi manger. Cela nous ramène à penser qu’il est important également d’encourager d’autres acteurs à s’intéresser à la filière oignon.

A date, quel est le prix réel du sac d’oignon sur le marché selon les inspecteurs que vous avez déployés sur le terrain ?

Malgré certaines spéculations qui tentaient à aller à 400 mille ou plus, le sac, aujourd’hui, je suis heureux de vous dire qu’effectivement nous constatons que les gens reviennent à 310 à 320 000 Gnf le sac de 25 kilos.

A quel moment peut-on s’attendre à la fin de cette crise ?

A partir de ce 25 juillet 2023, il y a une quantité de 13 conteneurs, et pour chaque conteneur vous avez en moyenne 27 tonnes, ce qui pourrait naturellement satisfaire la demande.

Mais je voudrais aussi préciser qu’on a aussi connu, les trois dernières semaines, une forte demande au niveau national, qui s’explique par le retour des pèlerins. En moyenne, chaque pèlerin a demandé sept (7) sacs d’oignons pour ne serait-ce que de sacrifice de retour. Imaginez quand vous avez un effectif de 1000, 2000 Pèlerins qui sont arrivés et qu’on vous dise que par pèlerin on a une moyenne de 7 sacs d’oignons à acheter pour sacrifice, voyez-vous ce que ça peut faire en une ou deux semaines.   Ce sont tous ces paramètres qui rentrent en ligne de compte.

Et nous, en tant qu’Etat, nous avons essayé de voir auprès des importateurs, les prévisions parce que nous n’assurons pas l’approvisionnement mais nous veillons à l’approvisionnement. Nous nous rapprochons de ces importateurs qui ont pris leurs moyens pour importer, pour que nous puissions davantage comprendre sinon anticiper.

Nous avons aussi pris la mesure pour que dès que ces quantités-là arrivent qu’il n’y ait pas de retard en termes de dédouanement. On a une procédure anticipée qui nous permet dès que le conteneur arrive au quai de Conakry, qu’on puisse l’acheminer vers le territoire commercial.

Quelles dispositions comptez-vous mettre en place pour éviter de telles crises dans le futur ?

L’élément clé, il faut aller vers la réalisation des infrastructures de conservation. L’oignon a un caractère très sensible en matière de conservation. Lorsque les capacités de conservation des opérateurs sont faibles, ce qui va naturellement les obliger à réduire leur importation au risque de voir leurs oignons pourrir. Du côté de l’Etat, il serait bien que nous essayions de développer une approche de partenariat public et privé nous permettant de renforcer les capacités nationales de stockage et de conservation.

Il faut aussi encourager les acteurs nationaux à s’investir dans la production de l’oignon, et demander aussi à ce que les habitudes alimentaires ou les choix des citoyens puissent s’orienter vers les oignons en provenance du Mali, Niger des pays de l’Afrique pour lesquels les contraintes, normalement d’importation ou d’acheminement ne sont pas forcément les mêmes. Quand on sait que ceux qui en provenance de la Hollande, il faut du temps, de la procédure etc…

Quelles sont les dispositions avez-vous prévu pour que cette quantité qui arrive ne soit pas monopolisée par des importateurs notamment au niveau des prix ?

La première mesure, c’est de faire en sorte que les quantités ne retardent pas sur le territoire douanier. Nous avons déjà pris les mesures avec la douane pour que très rapidement nous puissions passer à des enlèvements anticipés qui seront amenés directement sur le territoire commercial.

La seconde mesure, c’est qu’aujourd’hui, nous avons un instrument de veille et de contrôle des prix, c’est l’inspection. Ce n’est pas que pour l’oignon, c’est pour cela que vous constatez d’ailleurs pour le riz qui connait une stabilité des prix depuis plus de six mois, l’huile, la viande dont le kilo reste toujours à 60 000 Gnf à Conakry. Il y a aussi d’autres produits, mais tout cela les prix sont contrôlés par l’inspection. Quand les inspecteurs constatent de manquements, ils sanctionnent. Cet instrument nous permet de veiller au respect des prix.

Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo

Pour Aficaguinee.com

Tel : (00224) 664 72 76 28 

Créé le 26 juillet 2023 19:29

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