Boké/Kanfarandé : A la découverte de Kanoff, une île en manque de tout… « reportage »

BOKE- Kanoff est une île située dans la sous-préfecture de Kanfarandé, préfecture de Boké. Cette bourgade perdue peu connue n’a aucune infrastructure de base. Les traces de l’Etat guinéens sont quasi-inexistantes. La localité est habitée par une population agro-pastorale. Africaguinee.com vous fait découvrir cette île habitée par les Nalous, une des minorités ethniques de la Guinée.

Le secteur de Kanoff a une population cosmopolite. Son déterminisme géographique est le suivant. Il est situé à l’est par la sous-préfecture de Kanfarandé centre, à l’ouest par le district Koukouba, au nord par le secteur Kankouf et au sud par le district Kibanco. Les activités principales que mène la population sont entre autres l’agriculture, la pêche, le commerce et autres comme la cueillette. Les travaux champêtres restent l’activités dominantes qui, aujourd’hui sont menacées par des intempéries de la nature, les effets anthropiques de l’homme sur l’environnement et surtout la pollution provoquée par les sociétés minières.

Dans cette île bordée par l’océan Atlantique vit une population estimée à plus de 700 habitants dont la couche juvénile est la plus importante. Mais depuis que cette localité a été érigée en secteur, elle n’a jamais connu l’appui de l’État, selon ses habitants. De nos jours, Kanoff est confrontée à de nombreuses difficultés dont entres autres : l’absence d’infrastructures scolaires, sanitaires, de lieux de loisir, et le pire dans tout ça, le manque d’eau potable.

Outre ces difficultés, les habitants de cette bourgade sont confrontés à l’accès au monde extérieur, leurs voisins. L’île est enclavée, le seul moyen pour y avoir accès est la barque. Pour y arriver ou pour quitter l’île, il faut embarquer dans de petites pirogues. Il faut traverser au moins une distance de 5km pour arriver au chef-lieu Kanfarandé, la première île. Et, si c’est par le débarcadère du port de Katounou dans la sous-préfecture de Kolaboui à l’île, c’est 7 km. Ce n’est pas tout, pour traverser il faut attendre la marée montante et ça, même si vous êtes dans l’urgence.

Dans le secteur de Kanoff, les maisons sont en banco, aucune n’est construite en dure bien que la terre est fertile. La seule mosquée dont dispose la localité est en banco alors que la majorité de la population est presque musulmane. A défaut des écoles françaises, les enfants apprennent l’école coranique dans des madersa. Les enfants sont soumis à la lecture du saint coran autour du feu après les travaux champêtres la nuit.

Mais l’une des grandes préoccupations des habitants qui y vivent est la construction d’une école et un point d’eau potable (forage). « Kanoff est une grande localité dans la sous-préfecture de Kanfarandé relevant du district central de Kanfarandé. Kanoff a une population estimée à plus 700 habitants, Dieu merci nous n´avons aucun problème avec les autorités guinéennes. Mais nous sommes rangés dans les oubliettes en matière d’infrastructures (école, routes, centre de santé) depuis que la Guinée est devenue une république indépendante en 1958.  Dieu ne nous a pas donné une école, ni un centre de soins primaire. Le problème de route on n’en parle même pas. Il n’y a pas de route. Pour avoir accès à Kanoff il faut une barque ou une pirogue. Nous nous débrouillons avec les petites pirogues pour la traversée. Nous n’avons aucun moyen, seulement nous nous remettons à Dieu », explique Baïlo Kanoff Camara, chef secteur par intérim.

Pourtant, pendant les élections, l’Etat trouve toujours un moyen d’envoyer du matériel électoral pour récolter le suffrage des 700 habitants de l’île. Les populations de Kanoff s’acquittent généralement de ce devoir civique même si en retour ils ne bénéficient de rien en termes d’infrastructures de la part des dirigeants élus ou non.

« Nous nous acquittons de notre devoir sans problème, nous ne refusons pas le vote mais jusqu’à présent nous n’avons pas bénéficié d’infrastructures de base : école, centre de santé, point d’eau, routes. Nous n’avons rien de tout ça. Nous voulons quand même une digue, mais nous n’avons pas les moyens parce que rallier chez nous relève d´un véritable parcours de combattant. La construction de cette digue nous permettra de voyager à l’heure voulue », ajoute M. Camara.

« Ici, c’est l’agriculture que nous connaissons. Les bas-fonds existaient ici mais actuellement il n’y a qu´un seul, nous ne vivons pratiquement que de cette activité. Nous semons du riz, du fonio, de l’arachide, du maïs, du manioc etc…Nous vivons de ça. Aussi, nous pratiquons la pêche, nous faisons la traite du sel, ce sont d’autres activités que nous permettent de vivre ici. Mais c’est de la pêche artisanale, pratiquée en majorité par des femmes », témoigne ce responsable de cette île.

A Kanoff, les difficultés que rencontrent les populations sont nombreuses et diverses, ajoute notre interlocuteur. « Il fut des moments on avait plusieurs bétails mais leur cohabitation avec les cultures avait causé d’énormes problèmes aux agriculteurs. En réalité, toutes nos cultures ont détruites par ces animaux domestiques. C’est qui fait que de nos jours, pour faire de l’agriculture, il faut aller loin du village. C’est pourquoi d’ailleurs nous n’acceptons pas les bœufs ici maintenant », explique le chef secteur par intérim.

Autre difficulté majeure, c’est le manque d’eau potable dans l’Île de Kanoff. « Nous n’avons pas les moyens pour avoir même un forage. Or, l’eau est vitale. Nous voulons l’appui de bonnes volontés pour nous aider. Ici nous vivons des eaux de puits, des vallées et des rivières qui sont aux alentours de nos domaines agricoles. Pour que ces eaux soient consommables et éviter la diarrhée et d’autres sortes de maladies, nous mettons de l´eau de javel dans les puits. C’est seulement ce qui nous sauve des maladies. C’est pourquoi nous demandons les nouveaux dirigeants de faire face à nous aussi dans le domaine de certaines infrastructures notamment (l’école, la route, la mosquée, un dispensaire) et surtout l’école c’est notre préoccupation majeure. Le gouvernement n’a qu’à nous aider dans ce sens », lance M. Baïlo Kanoff Camara.

De son côté, Oumar Camara, le troisième imam de cette localité abonde dans le même sens que son prédécesseur. Plus loin, ce responsable religieux soulève une inquiétude, qui est celle de la pollution des eaux marines par les sociétés minières. « Les difficultés que nous rencontrons sont énormes ici à commencer par l’école parce que rien ne peut marcher sans les études, c’est les études qui peuvent ouvrir n’importe quelle porte. Si tu entends imam c’est que tu as étudié, si tu entends président de la République c’est que tu as également ‘’étudié’’. La mosquée, c’est pareil. Nous relevons du district centre de Kanfarandé mais aucune aide de la part des autorités de là-bas. Et pourtant, pendant les élections, s’ils nous appellent nous allons répondre sans ambages. Nous n’avons rien bénéficié en terme de mosquée, école, centre de santé ni la route.

En quittant ici pour Kanfarandé si ton enfant est malade, il te faut une pirogue pour le transporter avec deux heures de traversée en mer. Pour faciliter la traversée en mer pour se rendre à Kanfarandé, nous demandons l’aide afin qu´on ait au moins une digue au port nous permettant d’effectuer le déplacement rapide. Nous tendons la main au gouvernement, depuis que Kanoff est devenu secteur, nous sommes avec Kanfarandé mais nous ne recevons rien des autorités de cette sous-préfecture. Au paravent nos bas-fonds étaient cultivables mais aujourd’hui ils sont impactés par l’exploitation minière, la société chinoise a fait que si tu cultives dans les bas-fonds, l’eau peut venir envahir tout ce que tu as semé, le gasoil a fini par contaminer les eaux marines montantes.

Ici, si une femme veut accoucher c’est tout à fait des problèmes pour l’évacuer, il y a même des cas de mort ici pendant l’accouchement. C’est une opportunité que nous saisissons à travers votre média pour nous exprimer les difficultés que nous vivons au quotidien dans l’île de Kanoff », explique ce religieux.

Idrissa Keïta est le président de la jeunesse de Kanoff. Ce jeune leader s’indigne contre les autorités de la sous-préfecture de Kanfarandé :   « Kanoff est le poumon de la sous-préfecture de Kanfarandé, il n’y a pas un secteur dans Kanfarandé qui est plus grand que Kanoff. Normalement, avec le nombre d’habitants qui est là, ce secteur doit être érigé en district mais Dieu n’a pas voulu d’abord. Le problème d’école est un défi, les enfants qu’on a ici méritent d’aller à l’école car le nombre est là. Nous sommes partis chercher un volontaire pour qu’il apprenne à nos enfants à lire et écrire mais nous n’avons pas pu soutenir le coût, nous demandons l’aide du gouvernement et les personnes de bonne volonté pour que nous ayons cette infrastructure précieuse », lance M. Keita.

Ce jeune leader de Kanoff persiste également sur l’absence des infrastructures socioéducatives de base. « Nous n’avons aucune infrastructure de base (mosquée, école, pas un lieu de loisirs pour la jeunesse, centre de santé…), nous ne savons rien de ce qui se passe car toutes les aides que Kanfarandé reçoit pour nous ne nous aient jamais parvenue pas. Il n’y a aucune infrastructure construite par le gouvernement ici. Nous sommes sur une île mais rallier ici relève d´un véritable parcours de combattant. Si par exemple une femme veut accoucher c’est tout à fait des problèmes, prendre la pirogue et l’envoyer au centre de santé de Kanfarandé c’est un véritable calvaire.

Si un enfant tombe malade c’est un autre problème, même si les médecins viennent pour la vaccination leur retour est à notre charge. Le gouvernement n’a qu’à nous aider. J’ai été témoin et même victime, un jour, une femme a voulu accoucher je l’ai envoyée à Kanfarandé mais il fallait l’évacuer sur Boké malheureusement elle est décédée en cours de route. Nous demandons l’aide du gouvernement pour que nous puissions sortir de l’ornière. Nous avons tant cherché des opportunités pour nous exprimer sur le sujet mais avec votre venue dans notre localité, nous voudrions d’ailleurs dire merci beaucoup à Africaguinee.com pour cette opportunité de nous exprimer sur notre quotidien », témoigne Idrissa Keita.

Kady Titi Soumah est la présidente des femmes du secteur Kanoff, elle évoque leur quotidien marqué de difficultés.« Nous nous sommes ici, nous vivons de l’agriculture avec nos maris et nous les femmes si nous ne faisons pas l´extraction du sel nous ne pouvons pas vivre.  Notre localité n’a pas d’école, ni de centre de santé même une bonne mosquée Kanoff n’en a pas. Il y a aucune infrastructure digne de nom. Si quelqu’un tombe malade ici, l’intéressé peut mourir à cause des difficultés d’accès ou de sortie que nous vivons. Nous demandons de l’aide aux autorités, surtout au Président de la République. Pendant la saison sèche, nous sommes dans les campements pour l’extraction du sel, la saison pluvieuse nous sommes en brousse, il n’y a pas de repos. Nous demandons au président Mamadi Doumbouya de nous venir en aide car nous nous sommes sur une île méconnue par tous les régimes qui se sont succédé dans notre pays. Nous ne connaissons que Doumbouya pour le moment, qu’il nous vienne en aide pour l’amour de  Dieu », lance cette dame leader des femmes de Kanoff.

De notre constat, à part  Kanoff,  les autres localités environnantes sont durement frappées par l’exploitation minière. Autre source de revenus pour les jeunes c’est le trafic de la mangrove et les palétuviers. Une activité qui leur permet de joindre les deux bouts.

Un reportage de Chérif Keïta

De retour de Kanfarandé

Pour Africaguinee.com

Créé le 3 janvier 2024 10:07

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