Alerte/Santé : propagation inquiétante du VIH-Sida à Labé…(enquête)

Hôpital régional de Labé

LABE-Le VIH-Sida sévit dans la région de Labé et continue de se propager en zone urbaine comme en zone rurale. Conscientes du danger lié à cette propagation les autorités sanitaires mènent des sensibilisations pour freiner le fléau. Mais les vieilles habitudes ont la vie dure chez beaucoup de citoyens. Beaucoup de mariages sont célébrés sans test prénuptial alors que les rapports sexuels non-protégés sont également récurrents. 

Les autorités sanitaires donnent des chiffres qui font froid au dos. 3 500 personnes vivant avec le VIH Sida à Labé sont officiellement recensées à la direction régionale de la santé de Labé. Les autorités sanitaires sont conscientes de la propagation du VIH dans la région et savent que ces chiffres ne sont pas exhaustifs. Pour se faire une idée de la propagation de la maladie dans la région, il y a un exemple très évocateur. En 2018, sur 50 personnes soumises au test VIH sur une période d’un mois, 30 étaient séropositives.

« Dans notre région à l’instar de tout le pays, le VIH continue à se propager malgré les multiples sensibilisations que nous sommes en train de faire. Le changement de comportement est encore très difficile. L’Etat a pris beaucoup de dispositions pour le dépistage y compris la prise en charge. Aujourd’hui toutes les femmes enceintes qui passent dans les structures sanitaires sont dépistées afin de connaitre leur statut pour savoir si elles ne sont pas séropositives avec des risques de transmission au bébé. Si c’est positif il y a des précautions à prendre pour ne pas qu’elles contaminent l’enfant, aujourd’hui il y a beaucoup d’enfants qui sont nés de mères séropositives mais eux sont heureusement séronégatifs. Ce qui est régulier dans les dépistages c’est surtout les femmes enceintes. Notre couverture effective en consultation prénatale tourne autour de 50%. Mais sur 100 femmes c’est 50 qui viennent à l’hôpital, les autres nous ne savons pas comment elles font et leurs statuts ne sont pas connus. Pour les femmes les tests sont faits. Le véritable problème c’est par rapport aux tests prénuptiaux.  Beaucoup de couples préfèrent aller voir un agent de santé demander un certificat sans le test. Certains aussi même s’ils font le test qui s’avère positif, ils abandonnent le papier pour ne pas que la famille sache qu’ils ont le VIH. Toute personne qui ne fait pas de dépistage pour connaitre son statut sérologique est susceptible de transmettre la maladie à une autre personne saine. C’est vrai il y a les mariages mais il y a assez de relations sexuelles en dehors de la vie conjugale, si le préservatif n’est pas utilisé, les facteurs à risque sont très élevés, quand on mène une enquête on rencontre beaucoup de séropositifs qui ne se connaissent pas leur statuts »,  a expliqué le directeur régional de la Santé de Labé docteur Mamadou Houdy Bah.

Pour lui, il est difficile de donner un chiffre exact des séropositifs vivant dans la région de Labé, mais ceux qui sont officiellement connus à travers le traitement sont autour de 3 500.

« Nous avons des milliers de personnes séropositives qui ne sont pas liées aux grossesses et prises en service par nos services. Ceux qui sont officiellement dépistés et pris en charge dans notre région sont autour de 3500 personnes sur la cohorte. C’est-à-dire depuis que nous avons commencé la prise en charge vers 2015, nous sommes autour de 3 500 malades du sida qui sont traités. Parmi ces 3 500, ceux qui sont sur la file active, qui viennent tous les mois pour se procurer des ARV sont 1238. Si vous faites la différence il y a plus de 2000 personnes séropositives que nous avons perdues de vue. Soit ces personnes ont déménagé, mortes, transférées ou carrément abandonné le traitement pour aller dans la médecine traditionnelle. Il y a des problèmes à ce niveau parce qu’il y a des personnes qui ne font pas confiance au traitement qu’on donne aux structures de santé. Ils suivent le traitement jusqu’à un moment dès qu’ils sentent mieux, il y a des tradi-praticiens qui les oriente avec l’argument qu’il peut traiter cette maladie, c’est qui fait que ce n’est pas tout le monde que nous rencontrons tous les jours », a expliqué Dr Houdy Bah, DRS de Labé.

KBD âgée d’une trentaine d’années est malade du SIDA. Elle a été contaminée par son feu époux. Elle a accepté de témoigner à notre micro. Son témoignage est pathétique : « Il m’est difficile de croire toujours que j’ai contracté le VIH. Pourtant c’est une réalité. Cette maladie me vient d’une personne pour laquelle j’ai eu le plus d’amour sur terre. Il s’agit de mon époux, c’est un proche parent qui m’a épousé en 2013. Mais en partie je peux dire ça été une tradition de sa part à mon endroit. A l’approche du mariage il vivait au Gabon, quand nous avons parlé des examens prénuptiaux, il m’a dit de faire ici qu’il fera pour lui au Gabon. J’avais insisté à ce qu’on le fasse ensemble, mais les parents ont insisté en m’accusant de refuser le mariage surtout que je souhaitais finir mes études avant le mariage. Avec des reproches, des remontrances, le mariage a été célébré à l’insu de mon conjoint. Sept mois après il est venu, je ne doutais de rien sur lui mais au fond il avait le VIH 2.  Il m’a transmis. C’est quand je suis tombée enceinte de mon enfant avec les examens on m’a dit que je suis séropositive, j’ai pris les médecins pour des fous. Il fallait expliquer la réalité à la famille. Le mari était retourné au Gabon, je lui ai dit au téléphone que jamais de la vie je ne vais lui pardonner. Il est décédé l’année dernière au Gabon, la famille parle d’accident mais rien ne le prouve. Je suis dans ma famille aujourd’hui avec un enfant. Les médecins me disent que l’enfant n’a aucun problème. A mon tour je continue à faire le traitement. Des personnes veulent de moi en mariage mais je ne peux l’accepter sachant que je représente un danger pour eux », aexpliqué presqu’en larme K.D.B qui invite les jeunes filles de se méfier du mariage avec des aventuriers sans test préalable.

R.B, femme célibataire vit avec le VIH depuis au moins 8 ans maintenant. Venue s’approvisionner en ARV, elle explique comment elle a contracté la maladie.

« Au début c’était difficile pour moi de vivre avec cette maladie, mais des médecins m’ont sensibilisé en me disant qu’il y a des personnes qui ont vécu avec le VIH pendant 20 ans sans problème. Moi, j’ignore qui m’a transmis la maladie, que Dieu me pardonne. J’ai rencontré plusieurs dizaines de personnes sans me protéger. Il y avait des clients qui augmentaient le tarif afin de faire un rapport non protégé, des passants ou des missionnaires le plus souvent. Au début je n’étais pas prostituée, c’est une sœur qui travaillait dans un hôtel en qualité de femme de ménage qui m’a entrainé. Elle me disait de venir le soir à l’hôtel, il y a des personnalités qui cherchent des copines, c’est une occasion pour moi de me faire de l’argent. Je me suis engagée comme ça. Je suis tombée malade quelques mois plus tard, l’hôpital m’a soumis à des examens d’où la découverte du VIH 1 », raconte RB.

L’unique homme rencontré dans le cadre de cette enquête dit avoir contracté la maladie par le biais de la femme de son frère qu’il a remarié après le décès de ce dernier.  

« Mon frère est décédé, personne ne se doutait des raisons de son décès, après des tractations, les autres frères m’ont laissé sa femme à la fin du veuvage. C’est comme ça c’est parti. Mais j’ignore entre le frère et la femme qui a contaminé l’autre. Depuis que je suis séropositif, je n’ai dit à personne en famille de peur d’être stigmatisé. Ma première femme se plaint d’abandon, mais je préfère être loin d’elle pour la protéger. La femme du frère que j’ai remariée connait notre situation, on se traite mais on garde le secret », a confié cet autre malade du SIDA.

Dans un centre de dépistage très fréquenté, un responsable qui a voulu garder l’anonymat témoigne : « Les gens viennent de temps en temps pour se faire dépister. Certains viennent pour de simples consultations que nous les médecins élargissons au test du VIH, nous appelons cela DCIS (dépistage, conseil à l’initiative du soignant). On te propose de faire le dépistage parce que la pathologie du VIH peut communiquer avec n’importe quelle autre pathologie. Pour l’année 2018 les statistiques sont énormes, le taux est sérieusement élevé dans la région. Des centaines de mariages sont célébrés sans test préalable notamment les examens prénuptiaux, nos familles continuent à faire des mariages traditionnels sans soumettre les couples au test alors que certains hommes sont des aventuriers. Même ceux qui font le test viennent à la veille du mariage, malheureusement le test prouve que l’homme ou la femme est séropositif parfois les deux alors que les plats sont en train d’être préparés en famille, c’est un obstacle sur le terrain. Je vous prends un seul mois de 2018, nous avons eu à tester 50 personnes mais les 30 étaient séropositives, voyez-vous les dangers. Certains patients n’acceptent pas du tout le diagnostic, ils ne te diront jamais qu’ils ont trompé leur femme ou leur mari. Ils disparaissent sans plus revenir. Imaginez ce qui va se passer sur le terrain. Ils oublient que la transmission n’est pas seulement par voie sexuelle. Nous avons des hautes personnalités politiques ou religieuses qui sont sous traitement sans problème. Les VIH détectés ici sont souvent de VIH1, il y a le 2 aussi mais peu. Nous avons eu un cas où les deux types sont associés chez un malade», a expliqué ce médecin.

Catégories socio-professionnelle les plus touchées

Les catégories les plus touchées sont les PS (professionnelles de sexe), hommes ou femmes, renseigne Dr Houdy Bah, précisant qu’il y a aussi les miniers, les chauffeurs, les militaires et les prisonniers. 

« Il y a des gays aujourd’hui, ces personnes sont les plus exposées. Ensuite ce sont les femmes prostituées qui font des rapports sexuels non protégés avec des hommes rencontrés çà et là contre de l’argent. Elles utilisent le sexe comme un métier. La troisième catégorie c’est les miniers. Dans les mines des gens venus de partout se retrouvent, ils se transmettent la maladie, certains voyagent et reviennent avec la maladie, ils font partie des plus touchés aussi. Il y a également les militaires qui changent de milieu à tout moment dans le cadre du service, nous avons les chauffeurs qui passent d’une ville à une autre qui rencontrent des personnes étrangères. Ce sont là les couches les plus touchées. En dehors de ça aussi il y a les prisonniers, on ne sait pas comment ça arrive mais ils sont souvent contaminés aussi », rajoute le DRS Dr Houdy Bah.

Fatoumata Diallo fait partie des paires éducateurs des personnes séropositives. Elle explique leurs méthodes de sensibilisation sur le terrain et leurs cibles. 

« Nous nous intéressons aux professionnelles de sexe, tout comme les routiers, les HSH, il y a aussi les hommes en uniforms, cette fois c’est élargi aux prisonniers. On se rend sur les sites, nous faisons la prise de contact avec les filles et tous les autres, nous donnons toutes les informations liées au VIH y compris les IST (infections sexuellement transmissibles, Ndlr). Nous avons des tickets de référence que nous remettons aux PS afin de leur permettre de se rendre dans les structures de santé pour les tests gratuitement, si elles sont atteintes des IST à partir des mêmes tickets, elles peuvent bénéficier des médicaments gratuitement. L’objectif c’est de faire connaitre la maladie et amener les gens à se faire dépister. Nous dotons également en préservatifs et en lubrifiant. Bien que nous sommes proches d’eux mais nous ne sommes pas habilités à connaitre leur statut sérologique. Tout le secret reste entre eux et le laborantin. Notre rôle c’est de les pousser à faire les tests et se protéger. Nous répondons à leurs questions aussi », a-t-elle expliqué

Durant notre enquête, des femmes nous ont signifié avoir refusé le lit à leur mari depuis plusieurs années faute de confiance liée à la santé sexuelle. L’une d’entre, enseignante de son état, parle même de séparation de corps. Elle accuse son mari d’avoir remarié une femme qui serait atteinte du VIH.

 

Un reportage d'Alpha Ousmane Bah

Pour africaguinee.com

Tél. (00224) 664 93 45 45

Créé le 2 décembre 2018 16:09

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