Souleymane Thiâ’nguel Bah s’adresse au Président Alpha Condé…

Souleymane Bah

CONAKRY- Souleymane Thiâ’nguel Bah vient à nouveau de briser le silence. Cette fois, il s'est adressé directement au Président de la République à travers une lettre ouverte dont nous vous livrons le contenu. 

 

M. le président,

Il y a des moments dans la vie d’une fille ou d’un fils où ses choix peuvent engager l’avenir de sa famille. Ces instants où l’histoire nous interpelle de son affection et nous appelle à la réflexion. Ces moments, M. le président, très souvent ne se présentent qu’une fois, parce que l’avenir teste notre capacité de résistance à la tentation. C’est parce que ces moments sont essentiels dans la légitimation de notre humanité que ce sourire de l’histoire ne s’affiche que pour mieux nous tenter. Tentation. Le mot est lâché. Il se pare souvent de quelques relents d’un corps qui séduit alors qu’il comprime le cœur de chimères qui détruisent. Shakespeare dirait : être ou ne pas être, telle est la question. Etre ou ne pas être l’homme qui fortifiera les murs d’une nation tourmentée parce qu’il aura contribué à l’apaiser en en cimentant le socle. La peur dans nos cœurs est grande, mais notre espérance est infinie, M. le président. Les doutes dans notre présent se multiplient, mais nous voudrions croire que notre avenir tient d’une plume dans vos mains enduites de l’espoir qui nous hante.

M. le président,

Vous ne me connaissez certainement pas. Quelle prétention j’aurais à croire que votre palais bruisse d’une seule syllabe de mon nom ! Et quelle ambition que d’être dans le cœur d’un homme tiraillé entre celui qu’il a été et celui que les autres veulent qu’il devienne. Oui, parce qu’il s’agit bien de cela, M. le président. Effacer d’une gomme frivole la fidélité à un combat porté pendant des décennies aux quatre coins du monde. Ils veulent que vous soyez infidèle, que vous soyez détestable parce qu’incontestablement ils ne pensent qu’à leurs intérêts mesquins et égoïstes. Et quand l’histoire, par le couperet de sa justice frappera, ils sortiront par les petits trous dérobés pour vous jeter en pâture d’un jugement qui traversera les âges.

M. le président, 

Votre peuple a faim. Il a soif de liberté, même s’il ne vous le dit pas tous les jours, puisque ceux qui parlent en son nom lui ont coupé la langue ; même s’il est aphone parce que vos courtisans ont la voix plus élevée. Votre peuple a soif de démocratie, même s’il est pris dans la houle d’infinies querelles politiques et d’interminables oppositions ethniques. Le peuple, votre peuple devenu léthargique, amorphe, flottant et agité au gré des vents contraires de politiciens réfractaires à la quiétude. Le peuple, votre peuple qui vous a porté sur son dos au moment où ses flancs étaient fragiles, son corps voûté, ses épaules creusées, mais ses ambitions inscrites dans les rêves que vous nourrissiez avec lui, pour lui.

M. le président,

Changement de constitution et troisième mandat sonnent de la même rime incertaine, de la même dissonance hypothétique, de la même discordance déviante. Voulez-vous nous offrir l’incertitude de ces lendemains qui irriguent ceux qui veulent badigeonner vos rêves passés de leurs ambitions d’éternité ? Ils sont là, vautours insatiables qui charcutent notre terre et la saignent à volonté. Ils vous tournent autour, vous faisant miroiter mille ans de pouvoir, mille saisons d’éternité, mille époques de royauté. Mais la seule vérité qui reste, haute de sa nudité, c’est qu’ils partiront au premier tocsin de révolte, que bien évidemment je ne vous souhaite pas. Ils étaient là hier flirtant avec un pouvoir qui vous a banni. Ils sont là aujourd’hui compromettant votre entrée dans l’histoire. Ils seront là demain pour vous jeter la première pierre. En face, dans le marbre de sa marche vertueuse vers la liberté et la prospérité, le peuple ne se souviendra que de vous, puisque c’est à vous et à vous seul qu’il a confié son destin.

M. le président,

Changement de constitution ou troisième mandat nous engage dans les mêmes perspectives de folie et dans un chemin dont on peut difficilement prévoir l’issue. C’est de cette façon, M. le président, que vous voudriez que les enfants d’aujourd’hui parlent de vous à leurs enfants, ou vous préférez qu’on se souvienne de vous comme le chef qui aura tourné courageusement le dos aux agitations factices des privilèges pour offrir à son peuple un avenir qui transforme ses utopies en réalité tangible ? 

M. le président

Comme je le disais, vous ne me connaissez pas. Mais peut-être me connaissez-vous, parce qu’en se souvenant de l’homme que vous avez été et en vous regardant dans la glace vous me reconnaîtrez. La même envie de servir. La même folie de croire que la Guinée mérite mieux. Le même désir d’être l’épaule par laquelle la Guinée peut se hisser dans le firmament. Quand vous me verrez dans la clarté de votre miroir, cette silhouette maigrichonne vous suppliera de renoncer à ce projet, ce précipice dans lequel veulent nous précipiter vos « amis ». Dites-leur M. le président, dites-leur qu’ils ont assez traie la vache, qu’ils lui ont suffisamment tranché la viande et qu’il faudra maintenant qu’ils vous la laissent afin de la mener vers une prairie que vous refleurirez de vos promesses passées pour qu’elles reprennent des forces. Dites-leur M. le président, dites-leur que le chemin qu’ils veulent vous faire emprunter est trop périlleux pour votre peuple pour lequel vous fûtes exilé, condamné, emprisonné, pendant que certains d’entre eux fumaient à la santé de votre douleur néanmoins gorgée de courage. Justement le courage, M. le président, n’est pas la bêtise de se jeter sur plus fort que soi. Le courage, c’est la capacité d’emprunter un chemin différent pendant que tout nous commande à suivre le convenu, le convenable. Le courage, M. le président, c’est la vertu du fort face au faible qui tremble, la caresse du gaillard posée sur la joue maigrelette qui panique.

M. le président

C’est loin de notre pays que je vous écris ces lignes. Elles portent non pas les manipulations subjectives d’un adversaire politique, mais les angoisses d’un compatriote qui vit d’espoir que demain sera meilleur et que ce bonheur commence aujourd’hui par vous. Tous les combats que vous avez menés vous ont conduit à cet ultime défi. Et il vous appartient, à vous et à vous seulement de l’achever dans l’honneur, la dignité et la fraternité. Frères d’hier et d’aujourd’hui, fratrie dont vous tenez la main pour lui faire traverser ces moments de turbulence dans la sérénité et la sécurité.  Souvenez-vous qu’il n’y a pas d’honneur sans sacrifice. Et le plus grand sacrifice est de renoncer à ses désirs lorsqu’ils brisent ceux des autres, ceux dont on a responsabilité. Le destin de millions de Guinéens est à ce jour accroché à votre seule parole qui nous sauvera ou nous jettera dans le chaos. Prêchez la bonne parole. Ouvrez votre cœur à la sagesse de l’étudiant que vous avez été, alors vous saurez que dans le tumulte présent le seul avenir qui apaisera est de dire au peuple que vous avez fait ce que vous pouviez et qu’aujourd’hui vous passez la main. Alors, vous serez le gardien du temple. Vous serez la force qui sanctionnera tout dérapage de ceux qui viendront pour les rappeler à l’ordre. 

Je le sais. Vous le savez. Les Guinéens le savent. Notre espace politique n’inspire pas confiance. Chacun a quelque chose à reprocher à l’un ou l’autre de nos leaders et que le peuple hésite, parce qu’en effet il est plus confortable de s’accommoder de ce qu’on connaît que de s’aventurer dans l’inconnu. Oui, des moments de doute nous en avons tous. Peut-être est-ce pour cela que le peuple devrait avoir une sentinelle qui veille sur sa démocratie en construction, sa liberté et sa prospérité dévotion.

Fraternellement !

 

Souleymane Thiâ’nguel Bah    

Créé le 1 octobre 2019 10:26

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