Mamadou Sylla : « Rien n’est fait pour aller aux élections à date… »

CONAKRY-Il n’a pas l’habitude de mâcher ses mots ! Elhadj Mamadou Sylla vient de briser le silence pour donner sa position sur certains sujets de l’actualité brûlante du moment. De la nomination de Bah Oury au poste de Premier ministre, en passant par le chronogramme de la Transition, le leader de l’Union Démocratique de Guinée (UDG) parle sans détours.

Alors que la Guinée fait face à une série de crises, l’ancien chef de file de l’opposition prône un dialogue franc et inclusif pour désamorcer tous les différends. Dans cette première partie d’un long entretien qu’il nous a accordé, l’ancien président du patronat a indiqué que le glissement du calendrier du chronogramme de la transition est inévitable. Il a donné ses raisons. (Interview).

AFRICAGUINEE.COM : Comment avez-vous accueilli la nomination de Bah Oury au poste de Premier ministre ?

MAMADOU SYLLA : Dans ce bas monde, chacun a son destin. Comme on le dit, à chacun son tour chez le coiffeur. Je ne peux que me réjouir pour lui. Je connais Bah Oury depuis plus de 20 ans en plus d’être membre fondateur de notre coalition qui est la CORED.  Il était d’ailleurs mon vice-président. Aussi, quand j’étais chef de file de l’opposition, je suis allé le chercher et il a accepté de faire partie de mon cabinet. Donc, je me réjouis de sa nomination.

Avez-vous pris contact avec lui avant sa nomination ?

Non il ne m’a pas consulté (pour sa nomination). En revanche, il a invité notre coalition CORED dans le cadre des consultations qu’il a initiées après sa nomination. Notre coalition a été reçue le mercredi dernier.

De quoi il a été question lors des échanges ?

Vous savez, quand quelqu’un est nommé, généralement on parle de quiétude, de la paix dans la cité pour lui permettre de travailler. Ce sont ces genres de sujets qu’on avait évoqués.

Sa nomination intervient dans un contexte politique marqué par l’absence de dialogue. A cela s’ajoute la crise sociale et le flou qui entoure le retour à l’ordre constitutionnel. Quels conseils avez-vous à lui prodiguer ?

Je crois que Bah Oury connait bien les réalités de la Guinée. Donc, on attend. Quand on nomme une personne à un poste de responsabilité, il faut lui accorder le bénéfice de doute.  Attendre au moins 100 jours pour le critiquer.

Selon vous quel gouvernement faut-il pour la Guinée en ce moment ?

C’est compliqué vraiment. Nous sommes dans un régime exceptionnel où c’est la force qui marche. Quelqu’un qui a le fusil, qui a fait un coup d’Etat, vous êtes d’accord avec moi qu’ils sont venus avec force.  Il ne faut pas être surpris (de certaines décisions) parce que les idées ne se discutent chez eux, ils font tout avec autorité. Contrairement aux civils qui disent ‘’s’il vous plait, dialoguons, acceptons, allons-y avec ça’’. Eux (militaires), ils disent ‘’il faut le faire, c’est un ordre, il faut l’exécuter’’. Honnêtement on ne sait pas ce que le CNRD pense. Parce que jusqu’à présent je n’ai pas eu quelqu’un qui m’a dit que ‘’c’est cette idée que le CNRD veut faire’’. Alors je ne vais pas mentir, je suis sur ma faim d’abord. A mon avis, ils vont dominer dans le futur gouvernement. Si le premier ministre n’a pas de mains libres, je ne pense pas qu’il puisse faire de résultats. Et même s’il le fait, ces résultats seront maigres.

Que faut-il pour changer la donne ?

Il faut que le Président accepte, il faut qu’il comprenne que le monde est devenu un village planétaire. Nous sommes au 21ème siècle, on n’invente rien, tout est clair. Les Etats du monde entier savent comment ça marche, comment vont les choses. Seul un gouvernement issu d’un régime élu peut avoir des conventions, des dons, des prêts pour développer le pays. Mais si vous refusez cela, votre pays restera longtemps dans la traîne. La vérité est que nous n’avons pas de vision en Guinée.

Êtes-vous optimistes quant au respect du calendrier du retour à l’ordre constitutionnel ?

Honnêtement si on dit qu’on va aller aux élections cette année, il y a combien d’élections qui vont se suivre ? Il y a d’abord la constitution qui n’est pas sortie, on ne sait même qu’est-ce qui s’y trouve parce qu’on n’a même pas le brouillon. Or, il faut d’abord sortir le brouillon pour l’amender et ensuite organiser le référendum pour son adoption et cela va prendre combien de temps ? Après ça, il faut organiser les élections législatives et les communales. C’est après qu’on peut parler de l’élection présidentielle. Pensez vous que toutes ces élections vont avoir lieu en 9 mois alors qu’on n’a pas pu faire ça en 3 ans ? C’est quasi impossible.

Sur les 10 points du chronogramme de la transition, jusqu’à présent qui a vu un seul point qui est achevé ? Il n’y en a pas. Aucun des 10 points n’a été réglé jusqu’à date, rien. Nous sommes dans un tunnel et franchement c’est comme si on est bloqué dans ce tunnel, on ne sait pas quand est-ce qu’on verra le bout du tunnel. C’est difficile, on ne sait où on va et qu’est-ce qu’il faut dire.

Donc vous craignez un glissement ?

Ça c’est inévitable. Parce que rien n’est fait pour aller aux élections à date. On ne sait même pas qui va organiser les élections entre une CENI ou le MATD, on ne sait pas exactement quand est-ce on va finir cette transition. Il y a des gens qui bloquent, ils ne veulent pas que la transition finisse, j’ignore qui ils sont mais tout le monde ne s’attendait pas à ce que Alpha Condé parte au moment où il est parti parce qu’il venait de remporter son 3ème mandat mais on lui a fait sauter dès sa première année de son 3ème mandat. Donc, il faut toujours avoir pitié du peuple, le peuple a trop souffert, il n’y a pas à manger, on ne vit pas décemment, il n’y a pas d’eau ni électricité, il n’y a pas de carburant, les cours sont tous les temps perturbés dans les écoles à cause des problèmes de grèves et autres. Tout temps, il y a un problème qui trouble la tête de la population guinéenne.

Que comptez-vous faire pour amener les autorités à organiser les élections dans les délais pour un retour rapide à l’ordre constitutionnel ?

Le problème, si c’était entre moi et un de mes camardes politiques, on allait avoir le temps de sortir et même se donner des coups des points. Mais quand c’est avec les militaires et leurs fusils, là on n’a pas les moyens de les faire fléchir.  Ils n’écoutent pas, leur porte est complètement fermée. Or, nous avons tous, le souci de notre pays.

Les solutions, c’est de respecter le chronogramme qu’ils ont signé avec la CEDEAO sans l’avis des politiques. Ils avaient même dit qu’ils n’allaient même pas rester une heure de plus au-delà du chronogramme de 24 mois (…).

Il n’y a pas d’autres solutions, il faut que le chronogramme soit respecté pour la quiétude et la stabilité dans la cité. Et si on ne respecte pas cette date, alors il faudra appeler tout le monde autour de la table, pour se dire la vérité face à face. La gestion d’un pays est politique, à un moment donné, la force ne marchera pas. Il faut un dialogue franc et inclusif pour sortir la Guinée de cette crise.

A suivre…

Interview réalisée par Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 666 134 023

Créé le 12 mars 2024 13:02

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