Loyer : Une décision phare du Gouvernement foulée au sol à Conakry…

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CONAKRY-Pour atténuer la souffrance des populations, le gouvernement de transition a pris le 24 mars 2022, une décision fixant la caution à payer pour les loyers à habitation à trois mois, maximum. La mesure visait, selon les autorités, à mettre fin aux avances exorbitantes réclamées par certains opérateurs immobiliers mercantiles, aux pauvres citoyens en quête de logments.

Quelques semaines après, qu’en-est-il de l’application de cette mesure qui a suscité une avalanche de réactions positives au sein de l’opinion ? Africaguinee.com a enquêté.

Si la décision interdisant les cautions exorbitantes sur le loyer a été bien accueillie par les citoyens, force est de constater que son application fait encore défaut. Plusieurs promoteurs immobiliers font fi de cette décision et continuent à dicter leurs lois sur les locataires qui sont obligés de « prendre ou à laisser ».

Manque d’organisation du secteur de l’immobilier en Guinée

Contrairement aux autres pays, l’Etat guinéen est loin de contrôler le secteur immobilier où pullulent des agents « véreux » qui ne sont affiliés à aucune structure agréée.

Avec plus de dix ans d’expérience, Ousmane Finadawa Diallo, agent immobilier rencontré à Kipé, quartier huppé de Conakry a rappelé que « tout agent immobilier pour exercer, doit avoir une carte délivrée par la commune. Or, il n’y a pas ça ici, comment on peut respecter les décisions à la base ? Est-ce que c’est l’Etat qui va se lever pour venir dans les quartiers pour dire que tel n’a pas respecté la mesure ? », s’interroge notre interlocuteur.

Si le manque de logement se pose aujourd’hui avec acuité en Guinée, notamment à Conakry, cela est dû en grande partie au déficit de logements sociaux construits par l’Etat. Ce qui fait que tout le monde se tourne vers les promoteurs immobiliers qui, à cause du manque de contrôle dans le secteur et de rareté, fixent les prix comme bon leur semble.

« Il y a une crise de logement en Guinée et cela est dû à la faiblesse de l’Etat. Si au moins, notre Etat avait réussi à loger ses fonctionnaires, il n’y aura pas cette crise. Ce qui est grave dans le secteur de l’immobilier, à cause du laisser-aller total, les bailleurs avides d’argent fixent les prix de façon fantaisiste. Dans les pays normaux, la fixation du prix du loyer est fonction du SMIG. Un fonctionnaire guinéen qui vit de son salaire ne peut avoir un logement décent. Le premier problème auquel on devrait s’attaquer c’est le prix du loyer. Les avances viennent après.

Par exemple, si le prix du loyer est à 500 milles francs guinéens, même si tu dis à un locataire de payer 10 mois d’avance, il sera en mesure de le faire. Mais si le coût du loyer est cher, personne ne peut supporter. Ici à Plaza Diamond, des chambres coûtent 3000 USD. Et si on respecte les trois mois d’avance, quel est le fonctionnaire guinéen qui peut y loger ? Le pouvoir doit d’abord organiser le secteur avant de décider du nombre de mois à payer comme avance », a-t-il dit.

Des promoteurs immobiliers plus puissants que l’Etat

Aucune loi n’encadre le secteur de l’immobilier en ce qui concerne la lutte contre le loyer cher. Selon Amadou Négué Diallo, directeur exécutif de l’Organisation Nationale des Professionnels de l’Immobilier (ONAPI), des démarches avaient été menées auprès de la défunte Assemblée nationale pour règlementer le secteur. Mais tout a foiré au soir du 05 septembre 2021, jour du coup d’Etat qui a mis fin au règne d’Alpha Condé.

Si sur le terrain, l’application de cette mesure du CNRD peine à être effective, cela est dû à la non prise en compte de plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte.

« Les bailleurs disent que c’est nous qui construisons et l’Etat ne construit pas de logements sociaux. C’est nous qui savons combien nous avons dépensé pour mettre en place notre bien. Donc, ils fixent le prix de loyer à leur façon et exigent le nombre de mois à payer comme avance. Nous n’avons pas une marge de manœuvre pour pouvoir sanctionner ces gens-là. C’est pourquoi, après l’annonce de la décision du gouvernement, on a leur demandé de travailler avec nous pour qu’on puisse les aider à faire appliquer cette décision sur le terrain », a déclaré Amadou Négué Diallo.

Les appartements plus chers en Guinée qu’à l’extérieur

C’est une réalité auxquelles sont confrontés les locataires. Selon les informations fournies par nos sources, le prix du loyer est plus élevé en Guinée qu’à l’extérieur. L’explication donnée à cette situation, est liée au fait que les promoteurs guinéens ne respectent pas le délai prévu pour l’amortissement d’un immeuble.

« Un studio en Guinée peut coûter plus cher qu’en France ou dans un autre pays de la sous-région. Selon une enquête réalisée avec les bailleurs, ils nous ont fait savoir qu’ils investissent beaucoup dans la construction. L’autre fait est qu’il y a moins de suivi en termes de dépense dans la construction. Vous pouvez rencontrer un promoteur immobilier qui vous dira j’ai dépensé 2 milliards GNF.

Normalement dans l’amortissement, en fonction des standings, il y a des biens qui partent jusqu’à 25 ans. Donc, vous calculez l’amortissement du bien sur 25 ans et c’est en fonction de cela que vous fixez le prix du loyer. Généralement, des promoteurs immobiliers veulent amortir un bien de 25 ans au bout d’une durée de 05 ans. C’est ce qui fait que le prix du loyer est très élevé en Guinée », a fait savoir notre source.

Les locataires n’ont que leurs yeux pour pleurer

Trouver une chambre ou un appartement à Conakry relève d’un parcours de combattant. Les locataires qui, souvent n’ont pas assez de revenus, sont partagés entre le loyer cher et des avances qui excèdent les trois mois. A cela s’ajoute, le manque d’uniformisation du prix. Car, chaque promoteur immobilier fixe son prix en fonction de son humeur mais aussi de sa proximité avec son locataire.

Même s’il salue la mesure, Thierno Hamidou Barry, courtier de profession n’a pas échappé au paiement de plus de trois mois d’avance. De négociation en négociation, son bailleur a fini par accepter les trois mois.  

« Le plus important c’est d’aller plus loin en ce qui concerne la réduction du prix de loyer. Il faut reconnaitre qu’en Guinée et surtout à Conakry, le loyer coûte extrêmement cher. J’ai bien aimé cette décision. L’Etat doit beaucoup plus veiller afin que les citoyens guinéens puissent bénéficier d’un loyer décent. Lorsque je prenais mon appartement, le bailleur m’avait demandé de payer 04 mois de loyer et un mois de caution. C’est ce qui était un peu compliqué. Il a fallu que je passe par le canal d’une agence immobilière pour apporter son grain de sel dans les négociations afin qu’on puisse vraiment réduire le nombre de mois d’avance et le nombre du mois de caution », a indiqué monsieur Barry.

Comme pour dire que les annonces officielles sont ce qu’elles sont, mais sur le terrain, la réalité est toute autre. Au grand dam des pauvres populations. Pour que cette décision puisse produire l’effet escompté, les autorités devraient assainir le secteur de l’immobilier qui est en ce moment miné par l’anarchie. Ensuite construire des logements sociaux.  

 

Enquête réalisée par Siba Engagé

Pour Africaguinee.com

Tél. : (00224) 623 06 56 23

Créé le 11 avril 2022 14:14

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