Le cri de détresse de Aly Badra Camara, migrant guinéen bloqué à Agadez : « Ramenez-nous chez nous… »

AGADEZ- Plusieurs migrants subsahariens dont plus de 1000 guinéens sont bloqués dans un campement de l’OIM (Organisation internationale pour les Migrations) au Niger. On dénombre 1500 guinéens qui seraient retenus dans un campement à Agadez, ville située à 900 kilomètres de l’est de Niamey, la capitale du Niger. Ces jeunes migrants refoulés de l’Algérie et de la Tunisie sont à l’attente de leur rapatriement par l’OIM (organisation internationale pour les migrations) vers leur pays d’origine. Mais leur situation s’est aggravée depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023.

A Agadez où ils sont en attente. Africaguinee.com a réussi à contacter Ben Aly Badra Camara, un jeune migrant guinéen qui a voulu attirer l’attention des autorités sur leur situation.  Interview !

AFRICAGUINEE.COM : Vous êtes un jeune migrant guinéen qui est en attente d’évacuation depuis des mois à Agadez. Comment vous vous êtes retrouvés à cet endroit ?

BEN ALY BADARA CAMARA : Nous sommes à Agadez, la troisième région du Niger. Nous sommes des migrants guinéens refoulés de l’Algérie, de Tunisie et de la Lybie.

Vous êtes au nombre de combien ?

Dans les deux campos qui relèvent de la deuxième et troisième région, nous sommes des milliers. Les guinéens, nous sommes au nombre de 1500. Mais dans les campements il y a d’autres nationalités.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confrontés dans votre lieu d’internement ?

Les difficultés sont énormes. Nous sommes exposés à des dangers de toutes sortes. Avant, on souffrait, mais maintenant là encore c’est devenu pire.

Faites-vous allusions à la situation politique au Niger ?

Oui. Les sanctions de la CEDEAO ont fait empirer notre situation. Là où nous sommes comme ça, certains nigériens nous agressent. On a des blessés et il y a même des morts. Notre sécurité n’est pas garantie ici, mêmes si tu sors du campo pour aller chercher quelque chose à manger on nous attaque.

Pourquoi on vous attaque ?

La dernière fois ils avaient décidé de venir saccager notre campo sous prétexte que nous sommes des ressortissants de ces Etats de la CEDEAO qui ont sanctionné leur pays. Puisque l’organisation sous-régionale est en train de les sanctionner, nous qui vivons sur leur territoire, ils voudraient donc nous attaquer en signe de représailles. Il a fallu renforcer la sécurité pour nous éviter le pire. C’est dans ces conditions-là que nous vivons ici sans vous dire que là où nous sommes, on est en manque de tout. Il n’y a pas d’abris, le soleil est ardent. Lorsqu’il pleut aussi, c’est pire. Parfois, la pluie nous trouve dehors. A cela s’ajoute la tempête. Ce qui est pire même.

En quoi les sanctions de la CEDEAO vous causent du tort ?

Avant, on pouvait voyager mais maintenant les frontières sont fermées, on ne marche plus. On ne peut plus voyager. Parfois même dans les quartiers en train de faire du thé, on nous indexe en nous demandant : ‘’ vous-là, vous venez de quel pays ?’’. On nous agresse. Mais où se plaindre ?  Il n’y en a pas. Parfois même c’est les autorités qui nous disent : ‘’c’est normal, parce que vous êtes sur notre territoire’’. Alors que nous ne sommes pour rien dans tout ce qui se passe là, nous ne sommes pas auteur de ce coup d’Etat et nous n’avons pas non plus la voix au chapitre au niveau de la CEDEAO. On nous agresse gratuitement comme ça c’est pourquoi nous lançons ce cri de cœur à travers votre média afin d’attirer l’attention de nos autorités sur notre cas.

Vous avez annoncé qu’il y a des morts. Dans quelles circonstances ils ont trouvé la mort ? Sont-ils tous de guinéens ?

Bien sûr il y a des morts. Vous n’êtes pas sans savoir que nous sommes là depuis le mois de décembre 2022, certains en octobre, d’autres en janvier… Le processus que l’OIM (organisation internationale pour les migrations) faisait pour rapatrier dans nos pays était très lent. Le nombre de migrants était élevé. Parce que lorsqu’on était aux frontières à Asmara, leur première région, on dépassait les 10 000 migrants, des guinéens et autres nationalités. Pour faire l’enregistrement, les sélectionnés devraient rentrer dans le campo et ça prenait des mois. Pour nous guinéens certains ont fait plus de quatre mois sans intégrer le campo. Et, tant que vous n’y intégrez pas -vous n’avez accès à l’eau ni à la nourriture.

Nous, nous avons suivi tout ce processus. Après avoir intégré le campo d’OIM, il faut passer quelques temps dans la première région toujours au compte de l’OIM avant d’accéder à la deuxième région qu’on appelle Arlit. De là-bas aussi il faut passer quelques jours à suivre les instructions parce qu’ici on ne fait qu’obéir, exécuter des ordres. Quand on pose certaines inquiétudes, on ne te donne même pas l’occasion d’en poser d’autres. Avec cette lenteur du processus, le coup d’Etat est venu s’ajouter à cela et là nous sommes vraiment dans la merde.

Lorsqu’on était en prison en Algérie il y a eu 36 morts dont une vingtaine était des guinéens. Là où on était incarcéré là c’était des cellules qui étaient prévues pour 50 personnes, c’est-à-dire une cellule pour 50 prisonniers mais ils mettaient des centaines. Une cellule qui prend 100 personnes si on y met 500 ou 700 personnes forcément il va y avoir des morts. Malheureusement on a passé un mois deux semaines dans ces lieux de détention.

Certains d’entre nous avaient pour destination l’Europe, d’autres c’étaient des employés, il y en a qui étaient des employés en Lybie et Tunisie. Certains sont des ouvriers mais une fois qu’ils commencent à refouler, ils rentrent dans les chantiers, ils ramassent tout le monde. Nombreux parmi nous ont vécu des années dans ces pays. Ils se sont vu ramasser comme ça manu-militari, attacher, direct dans le désert…

Qu’est-ce que vous sollicitez des autorités guinéennes ?

Nous sommes des fils de la Guinée, on est là, nous vivotons ici, dans la souffrance que vous ne pouvez même pas imaginer. L’appel que nous avons à lancer à l’endroit des autorités guinéennes, à son excellence monsieur le président colonel Mamadi Doumbouya, à son ministre des affaires étrangères Dr Morissanda Kouyaté, nous leur demandons d’aide.

Nous sollicitons notre rapatriement dans le pays. Nous souhaitons rentrer chez nous, en Guinée. Comme ils l’ont fait pour nos compatriotes qui étaient en détresse en Tunisie, nous sollicitons la même faveur. Nous souffrons ici, exposer à toutes sortes de danger parce que là où nous sommes ici même quand on tombe malade il n’y a pas de médicaments, le nombre de demandeurs est trop élevé et parfois si tu dois prendre trois médicaments c’est un qu’on te donne et on te dit : va, il n’y en a pas, tellement que le nombre de personnes est trop élevé. Or de jour au lendemain les problèmes ne vont que s’aggraver. Nous sommes fatigués de cette situation, on veut rentrez chez nous.

Est-ce qu’il y a des femmes parmi vous ?

Oui il y a des femmes parmi nous mais elles sont isolées loin de nous parce qu’il y a des hommes qui n’arrivent pas à se maitriser. Ils nous ont séparés, les femmes sont dans un endroit isolé.

Il y a eu des migrants qui ont été ramenés volontairement au pays, mais une fois ici, ils ont commencé à réclamer du travail au gouvernement. Avez-vous des exigences particulières ?

Notre souci majeur c’est comment rentrer dans notre pays. Ce que vous devez savoir, dans certains pays maghrébins-là, nous sommes discriminés. Pour éviter tout cela, nous sollicitons d’être ramenés chez nous seulement. C’est nos cris de cœur.

Interview réalisée par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 664 72 76 28

Créé le 24 août 2023 14:09

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