Lansana Kouyaté révèle : « Pourquoi je ne suis plus avec l’opposition républicaine… » (Interview)

Lansana Kouyaté, leader du PEDN

CONAKRY- Doit-on parler de la fin d’une longue « complicité » entre Lansana Kouyaté et ses pairs de l’opposition républicaine ? L’ancien Premier Ministre qui dirige les destinées du « Parti de l’espoir pour le développement national » vient de dévoiler les raisons de son « divorce » avec le groupe d’opposants dirigé par Cellou Dalein Diallo. Des révélations, des réactions, et surtout des points de vue pointus sur l’actualité socio politique et économique de son pays, Lansana Kouyaté s’est livré à tout ! Exclusif !!!

 

AFRICAGUINEE.COM : Monsieur Lansana Kouyaté bonjour !

LANSANA KOUYATE : Bonjour Monsieur Souaré !

Votre parti le PEDN, n’a pas pris part à la manifestation organisée par l’opposition républicaine le 16 août dernier, est-ce qu’on peut parler de divorce entre vous et vos anciens « complices » ?

Nous sommes tous membres de l’opposition, c’est –à-dire ceux qui n’acceptent pas la politique actuelle, ceux qui pensent que tout ce qui est pris par le Gouvernement, par le Président de la République, surtout comme décision relative à l’unité nationale, à la sécurité, aux affaires économiques et sociales, bref tous ceux qui sont opposés à cela sont de l’opposition. Mais la pensée unique n’existe pas. Donc tous les pays respectables qui sont des pays où la démocratie a germé, je n’ai jamais entendu qu’il y a un bloc monolithique de l’opposition. Partout il y a différentes oppositions qui ont les mêmes objectifs, mais qui ont aussi des nuances. Donc il n’y a rien qui nous oppose avec l’opposition républicaine. D’abord le titre républicain, je ne vois pas quel autre titre on peut avoir quand on est opposant dans une démocratie (…), tout le monde est républicain. Il ne s’agit pas d’une lutte armée, personne n’a opté pour ça. Il ne s’agit pas de regrouper des milices (…). Dès lors qu’on s’oppose c’est par voie républicaine. Cela dit, nous ne sommes pas en totale harmonie avec l’opposition républicaine pour ce qui concerne les démarches pratiques. D’abord, je voudrais rappeler que dans le passé, nous avions marché, avec beaucoup plus de mobilisation que maintenant sinon égale. Alors ces marches ont été arrêtées sine-die parce qu’on a dit qu’on a perdu trop d’hommes, d’autres ont dit qu’ils ne seront plus sur le capot d’une voiture. Vous vous souvenez de cette période (…). C’était fait sans le consentement du PEDN qui voulait qu’on continue ce qu’on a commencé. Ceux qui sont morts ne doivent pas être morts inutilement (…), ça s’est arrêté. Ces marches à succession qui produisent des effets sur la vie des gens et qui touchent à l’économie sont des risques qu’on peut prendre si on est sûre que ce qu’on fait va améliorer la situation. Mais j’ai le sentiment qu’on fait des marches de col blanc qui n’aboutiraient jamais à un changement fondamental. Il faut revoir la copie. Dans ce cas, nous serons en parfaite harmonie avec l’opposition républicaine.

Avez-vous le sentiment d’être trahi ou incompris par vos pairs de l’opposition républicaine ?

Je dirais que je suis incompris. Trahison n’est pas le mot (…) On est trahi que par soi-même, quand on fausse ses convictions. Mais ceux qui le font, quand on est en groupe il faut un minimum de transparence. Je n’exagère pas les mots, je ne veux pas parler de trahison, mais ce jour là, à tous ceux qui ont assisté, c’était quasiment une plénière. Ils viennent pour préparer la marche prochaine où le PEDN avait d’ailleurs payé la cotisation. Après on s’est dit qu’il n’y a plus de marche (…),  j’étais hors de moi-même, parce qu’il faut être en adéquation avec les décisions prises ensemble. De telles distorsions entre les décisions prises et les comportements adoptés après ont souvent fait fluoresce au sein de cette opposition. Je vous signale ce cas, mais il y en a d’autres. Appelez cela comme vous voulez, c’est n’est pas une trahison mais une déception.

Quel genre de rapport avez-vous avec ces désormais anciens collaborateurs de l’opposition républicaine ?

On a des rapports tout à fait normaux avec les uns et les autres. Mais ce n’est plus la même vivacité dans ces relations. Il n’y a plus le même juste solidariste entre nous. En tous cas il y a une marge qui est tranquille et paisible, mais il y a une marge quand-même.

Que proposeriez-vous en lieu et place des manifestations de rue ?

Je voudrais dire que nous ne participons pas par défaut à ces marches (…). Avec des marches répétitives est-ce qu’on sera entendu ? je ne le crois pas. On l’a déjà expérimenté et c’est eux-mêmes qui avaient dit qu’on avait perdu assez de militants et qu’il est temps d’arrêter tout cela. Moi je reste toujours dans ça et je respecte cette décision. Elle est peut-être stupide ou têtue. Mais je crois que nos propos doivent nous engager. Par l’exemple quand il y a eu l’appel à la consultation pour négocier, je ne sais quoi, eux ils disaient qu’ils ne participaient pas, nous avons dit aussi que nous ne participons. Parce que les mêmes causes produiront les mêmes effets. C’est toujours la même chose. On convoque des réunions pour faire passer le temps, faire avaler la pilule (…), le président dit qu’il ne reçoit pas, c’est le travail du Premier ministre, il y a eu des moments où il a dit que la signature du premier ministre en bas d’un accord ne l’engage pas. Ce n’est pas seulement vis-à-vis des partis politiques, mais même des syndicats. Je me souviens que les syndicalistes ont négocié vivement, l’assemblée Nationale s’est impliquée et le président à juste titre, je n’en sais rien, a dit que la décision de l’Assemblée Nationale ne l’engage pas. J’espère que pour aller à une négociation, il faut être sûre que ceux qui président ou qui participent auront les créances nécessaires du chef de l’Etat. C’est ce qu’ils n’ont jamais eu, parce qu’après c’est toujours la même chose. De toute les façons de 2011 jusqu’à maintenant aucune décision prise lors des négociations n’a été respectée. Donc comment il faut faire (…), par ce refus que nous faisons, nous montrons que nous n’accepterons pas. C’était les mêmes inquiétudes que nous avions en 2015. Un coup KO a été asséné à satiété et nous avons décidé à l’époque de ne pas y aller. Mais un a décidé d’abor d’aller, alors que c’était la promesse qu’on allait se consulter et l’autre a dit si le premier va, moi aussi je vais. Et ainsi de façon atomique nous sommes partis et on a abouti au résultat qu’on connait. Il y a un manque de discernement à l’évidence (…), ce n’est pas la violence qui règle les problèmes, mais la fermeté dans les positions qui fera plier et faire comprendre qu’il y a quelque chose d’insalubre qui est entrain de se passer dans notre pays.

On a suivi récemment Cellou Dalein accusé le PEDN d’avoir « chipé » des places à l’UFDG dans les différents démembrements de la CENI. Est-ce que ces différents atermoiements ne pourraient pas à votre avis fragiliser le combat de l’opposition ?

A l’évidence je dis oui ça fragilise surtout que là ce sont des débats d’arrière boutique (…). Je dirais que si nous nous devrions nous plaindre, il y a longtemps qu’on aurait porté la chose sur la place publique. Mais je crois que mon porte parole a déjà répondu avec maitrise à la question que vous posez. Je ne reviendrais pas là-dessus. Vous-même vous dites que ça l’affaiblit, je ne vais pas apporter encore un autre venin pour que cet affaiblissement devienne total.

Quel commentaire faites-vous de la dernière marche organisée par l’opposition républicaine et qui s’est soldée par un cas de mort et de nombreux blessés ?

Les morts et les violences sont très souvent enregistrés après les manifestations, très souvent en tous cas. C’est le retour des gens qui crée problème, ça aussi c’est calculé, c’est parce qu’au moment où l’on s’attend ça ne vient pas en ce moment là. Je présente mes condoléances à la famille éplorée et m’associe à la peine de ses amis. C’est vraiment d’autant regrettable d’autant plus que la victime ne participait même pas à la marche. Et personne ne sait d’ailleurs à quel parti il appartenait et tout cela est regrettable. Ce sont des effets que je n’appellerais même pas des effets secondaires mais ça se situe au cœur du problème. L’effet n’est pas du tout collatéral, c’est le risque bien sûr qu’on a quand on utilise des armes à feu et c’est ce qui a été utilisé puisque c’est ce qui avait été évoqué pour arrêter les marches d’antan. Il faut donc continuer à croire à l’époque même si la décision a été prise, malencontreusement parce qu’il n’y a pas de consultation alors il faut le penser encore aujourd’hui.

Pour une fois que les autorités guinéennes ont mis main sur un présumé auteur, est-ce que vous pensez qu’il s’agit là d’une certaine avancée ?

C’est une avancée microscopique, il faut commencer quelque part. L’important n’est pas d’arrêter, il faut juger et la peine qui doit être infligée doit être à la mesure des faits. Pour le Gouvernement l’accusé a été arrêté, je répondrais que ce n’est pas tout. Pour l’instant il n’est qu’accusé. Il y a la présomption d’innocence puisque ce n’est pas le flagrant délit qui s’est passé. Alors quand on arrête un accusé il faut établir sa culpabilité toujours dans le cadre des lois, une fois que sa culpabilité est établie, le condamner par ce qui est prévu par nos codes. Une fois que cela est fait, la sanction portée soit appliquée dans toute sa rigueur puisqu’il s’agit de la mort d’un innocent. Si c’est bon d’avoir appréhendé un accusé, et établir sa culpabilité, ça serait encore mieux de le condamner et le faire purger la peine qui lui est infligée.

Sur le plan politique les choses ne semblent pas beaucoup bouger. La CENI s’apprête à nouveau à reporter le calendrier électoral qui avait été préalablement discuté avec les acteurs politiques. Êtes-vous surpris par cette décision venant de l’institution électorale ?

Mais pas du tout. Quelle est l’élection qui a été tenue à temps ? C’est plutôt rare. De 2010 à nos jours c’est la même chose. En 2010, quatre mois entre le premier et le second tour, délai largement dépassé. En 2015 on l’a fait parce qu’on a pensé qu’il était mieux de ne pas rendre tout clair et tout propre. On l’a tenu parce qu’au moment où on l’a fait pour faire le coup KO (…). On a toujours vécu des élections dont les dates n’ont pas été respectées. Donc ce n’est pas étonnant que pour quelqu’un qui n’a pas vécu là-bas et qui ne connait pas la situation de la Guinée et la mentalité de ceux qui nous dirigent.

Quelle appréciation faites-vous de la situation économique de la Guinée ?

Elle est mauvaise. Je ne porte jamais sur l’économie un regard purement comptable (…), la comptabilité aide c’est vrai. Les agrégats économiques sont malmenés, la récession, comme on le dit pour moi n’est pas une récession du tout. C’est plus grave que cela puisqu’elle s’installe dans la durée et c’est structurel. Alors on est à une dépression économique qui va continuer. Les reformes adéquates ne sont pas faites. Vous connaissez ce qui est fondamental, c’est ce qu’on mesure sur le terrain. Notre monnaie locale est malmenée alors qu’on ne tire aucun avantage de l’inconvénient d’avoir une monnaie faible étant donné qu’on exporte peu. Le peu qu’on exporte, les prix sont fixés ailleurs et pas en Guinée. Il faut avoir un sang fort pour ramener le prix des produits importés à des prix raisonnables qui puissent permettre à nos populations au moins à faire  face au marché. Malheureusement cela n’est pas le cas. Alors quelque soit le point que vous soulevez de notre économie vous verrez que la mauvaise gestion, le mauvais discernement, l’influence politique dans l’économique, l’assujettissement des opérateurs économiques, tout cela nous amène à cette situation. Demandez l’avis des opérateurs économiques ils vous diront qu’ils croulent sous le poids de la fiscalité dont les résultats ne sont pas perceptibles. On ne voit pas les retombées sur les revenus en tout cas de façon dont on les dégage pour procéder à la conduite des affaires économiques du pays, alors vous voyez bien que tout est à craindre. Une crise économique est toujours suivie d’une crise sociale. Il n’y a pas deux budgets, c’est le même qui va aussi bien à la production qu’à la consommation. Bref la Guinée ne s’est jamais aussi mal portée.

Renvoyer l’équipe gouvernementale actuelle serait-il la solution à votre avis ?

Très franchement est-ce que c’est la faute à l’équipe gouvernementale ? Une administration est totale (…), la tête est celle qui permet aux gens de travailler. Un président fait travailler, il doit savoir faire travailler (…). Demandez dans le secret de leurs salons, à chacun de ses ministres, il va vous dire les limites de son pouvoir. Combien de fois le président a dit lui-même que son Gouvernement ne vaut rien ? Il l’a dit de tous ses Gouvernements. Ce qui est regrettable on continue comme ça et à chaque fois il dit ‘’mes ministres ont mal travaillé’’. Finalement c’est la tête qui travaille mal, donc je ne vais pas accuser des gens qui n’ont aucune délégation réelle de pouvoir et qui ne peuvent pas définir une politique sectorielle capable de tirer vers le haut, la Guinée. D’ailleurs le principal obstacle c’est le président de la république. Envoyez les meilleurs premiers ministres au monde ou tous les ministres qui réussissent ailleurs avec le type de relation qu’ils pourront avoir avec le président ça ne marchera jamais.

Monsieur Lansana Kouyaté merci !

C’est à moi de vous dire merci !

 

Interview réalisée par SOUARE Mamadou Hassimiou

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 655 31 11 11

Créé le 23 août 2016 12:49

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