Kindia : A la découverte de Kouroukan Fouga, le village des « rastas »…

KINDIA- C’est l’une des plus jeunes contrées de Guinée. Le village des ‘’rastas’’ appelé Kouroukan Fouga. Cette bourgade a été fondée en 2016 par un groupe d’artistes panafricains appelé « FASO-KELE ». Cette localité est située à Kondeya, un district relevant de la Sous-préfecture de Samoukiri Samaya, à une quarantaine de kilomètres de la ville de Kindia, chef-lieu de la région éponyme. Reportage.

Kouroukan Fouga, renvoie à une des plus belles épopées du monde enseignées dans les livres d’histoire. C’est le nom d’anthologie que porte la « Charte du Mandén nouveau », au XIIIème siècle. Mais dans le village Ratas, Kouroukan Fouga symbolise le rassemblement des panafricains autour d’une idéologie appelée « FASO-KELE », un terme malinké qui signifie en français les ‘’enfants d’une seule patrie.’’

Ce village est situé dans une zone agro-pastorale près du mont Gangan. Le village des rastas a, à son actif un potentiel agricole qui sert les habitants du village pour l’autosuffisance alimentaire. Rasta du diminutif du rastafari est un mouvement social culturel et spirituel qui vit dans le (livity) dont l’idéologie est de vivre sainement, être auprès des ancêtres et s’éloigner de tout ce qui est contraire au bien-être de l’humanité en général.

Honorable Gbassykolo Faro Konaté est l’actuel président du mouvement des rastas de Guinée Mourag. Il est l’un des membres fondateurs du village des rastas « FASO-KELE », c’est lui notre guide tout au long de cette immersion. Il explique leur motivation idéologique. Bienvenu dans un monde à part, jusque-là méconnu du grand public.

« Nous vivons ici ça fait un peu près de huit ans car c’est depuis le 13 avril 2016 que nos avons fondé ce village. L’objectif, c’est de vivre sainement, être auprès de nos ancêtres et s’éloigner de tout ce qui est vraiment contraire au bien-être de l’humanité en général. Donc, nous sommes là pour un monde meilleur. Le choix là est beaucoup spirituel et je crois c’est JAH qui nous a conduit vers cet endroit, parce avant tout d’abord, dans l’histoire, sa MAJESTÉ Imperial HAILEY SÉLASSIÉ était là (en 1971 ndlr) pour la pose de la première pierre du barrage hydroélectrique qui est à Donkeya.

Et je crois qu’un peu partout en Afrique, là où les rastas vivent, naturellement Sa majesté HAILEY Sélassié était passée par ces Endroits. La côte d’ivoire le Mali et la Guinée pour ne citer que ces exemples. Les rastas vivent dans l’amour et la spiritualité. De Nyabingui qui est un moment de méditation pour l’élévation spirituelle de « i and i », explique-t-il.

Les 6 hectares que compte le village doivent contenir 60 familles. Les habitants vivent dans l’harmonie et ils mènent plusieurs activités pour pouvoir joindre les deux bouts, selon interlocuteur. Chaque espace de leur localité a un nom, que ça soit dans nos langues ancestrales ou dans les langues étrangères. C’est un endroit où il se sent mieux, explique l’honorable Gbassikolo.

« Ma vie ici est plus complexe, parce que c’est la résilience dans l’amour. Tout n’est pas rose mais nous sommes heureux ici. C’est ce que nous faisons et c’est notre objectif concret qui nous a emmenés à créer ce village. Ici, je mène ma vie dans la tranquillité, comme je l’ai toujours souhaité, et ça me va», se réjouit-il.

Dans le village rasta, les responsables ont un plan de développement de leur localité. Sur les six hectares, un demi et quart dhectare est prévu pour la construction des maisons, devant abriter les 60 familles de Kouroukan Fouga.

Le reste des terres est réservé pour l’agriculture, la construction d’un espace culturel (concerts, tabernacles pour la méditation des ateliers).

« C’est pourquoi il est obligatoire d’avoir les noms et à part l’espace même, nos bœufs ont des noms : Fondogbo, Tourounna, Bankhikangni, ils ont tous leurs noms pour avoir un amour pour eux», précise le président du village.

Dans la localité, il y a un espace qui porte le nom de Papa Simon Kimbangu (1887-1951), un prophète noir originaire du royaume Bacongo. Ce dernier serait venu pour sauver l’homme noire de la servitude de l’homme blanc, selon les livres d’histoire.

« Il est venu dans le royaume Bacongo, c’est l’actuel Congo. Papa Kimbangu était un homme venu pour nous guider et il a mené sa mission, en réveillant la conscience de l’homme noir et jusqu’aujourd’hui, il y a des témoignages qui disent que Papa Kimbangu a été un prophète », souligne le doyen des ratas.

Outre les activités agricoles qu’ils mènent, les rastas sont des artistes, ils ont leur propre art, font de la musique, du théâtre et autres. Réunis autour d’une seule idée, ils ont jugé nécessaire de créer un mouvement de rastas appelé ‘’Nayanbingui’’, ce, pour bien mener le combat qui leur est assigné.

« Avant tout nous sommes des artistes artisans, donc on fait de la musique, du théâtre, des contes, et, nous avons des studios ici où nous enregistrons mêmes des artistes gratuitement, il y en a qui quittent Conakry pour venir le faire ici parce que le studio est gratuit. Nous sommes des chanteurs et nous formons « FASSO-KELE « . En dehors de tout cela, nous pratiquons de l’artisanat en faisant des objets d’arts comme des boucla, des colliers, des chaussures et autres. A côté, on pratique aussi de l’agriculture biologique uniquement pour nous nourrir, notamment pour ceux qui en ont des familles. Il y en a aussi qui font de l’élevage. D’ailleurs, nous utilisons les déchets de leur cheptel dans nos champs, c’est pour vous dire que nous avons du travail et une organisation bien établie », explique-t-il.

Dans le village des rastas, le jeudi est le seul jour de repos dans la semaine. Le choix de ce quatrième jour de la semaine fait allusion a une signification ancestrale, car jeudi, en Afrique, c’était généralement le jour des cérémonies, des rencontres et réunions. 

« C’est en sens qu’on nous a dit que les voyages le mercredi ne sont pas bons, puisque le jeudi doit te trouver chez toi pour mieux assister et parler de chez toi sinon le mercredi n’est pas du tout un mauvais jour », précise notre interlocuteur. A FASO-KELE, il n’y a pas de vol, le côté social prime beaucoup, selon Honorable Gbassykolo Faro Konaté. Ils sont exempts des travers que connaissent les citadins.

« C’est vrai que nous ne venons pas tous d’un même village, nous venons tous d’origine différentes, certains, on s’est connus depuis la République du Mali, c’est pour consolider nos liens et poursuivre cette aventure qu’on a jugé nécessaire de créer le groupe « Nayanbingui« . Grâce à ce groupe, nous pouvons faire des albums et concerts partout dans le monde. Mais on a aussitôt compris que la musique ne pouvait être la seule solution pour exprimer les maux dont souffre notre société comme la migration clandestine, l’accaparement des terres par les multinationales. Nous avons un calendrier annuel pour nos différentes activités. C’est un calendrier au cours duquel nous réalisons des journées de solidarité avec les migrants en Europe comme pour bon nombres de personnes qui vivent ici et qui viennent de l’extérieur sont heureux. Donc, c’est des personnes qui méritent d’être soutenues et sensibilisées », souligne-t-il.

Aussi ajoute notre répondant, « il y a de cela dix ans, en tant que FASSO-KELE, on avait deux frères du nom de Oury Diallo originaire de Labé et Elhadj Alama Condé qui était de Nzérékoré, ces jeunes ont été assassinés en Allemagne le 07 janvier 2005 à cause de la brutalité policière. Depuis, nous menons une lutte en réclamant justice. Alors, depuis notre venue en Guinée cela a été notre premier combat en tant qu’activistes, c’est cela, en rendant hommage à leur mémoire, c’est pour cette raison, malgré la mauvaise situation du pays, nous sommes descendus à Nzérékoré pour célébrer le 06 février 2014, une date qui marque la nuit sombre pour les migrants sur l’océan entre le Maroc et l’Espagne. C’est un évènement que nous avons célébré en associant les deux dates à la fois. On a rencontré les autorités, des médias et les étudiants à l’université pour transmettre un message solennel aux jeunes car même si d’une part la migration peut être naturelle mais on pourrait au moins préparer leur mentalité dans ce sens », explique-t-il.

Côté religion, Gbassikolo précise que c’est  que le rasta se définit par le caractère : être sain, propre, loin d’aller lire la bible ou le coran. « C’est un caractère qui doit vivre en toi car il est facile d’être ministre qu’être rastas. Le salut existe dans le cœur, et c’est personnel. Donc, aucune religion ni une diplomatie ou institution ne mettent en jeu notre identité. Nous avons des femmes qui partent aussi à la mosquée, qui font le jeûn du ramadan, il y a même des amis rastas qui prient. Mais cet endroit est aussi appelé Kouroukan Fouga, c’est là-bas où Soundjata a été proclamé roi », explique le président du village rastas.

Cette localité qui se démarque, a une cohabitation pacifique avec les localités environnantes à en croire l’honorable Gbassikolo. « Lorsqu’il y a des problèmes, nous nous mobilisons à travers des contributions financières et autres.  Pour le coté social nous apportons toujours notre modeste assistance. Il y a un hôpital qui a été construit ici, depuis 1995 il n’a bénéficié d’aucune aide des autorités, mais on envoie des médicaments depuis l’Europe. Nous contribuons à la construction du marché, donc ici nous vivons dans l’harmonie et on se marie entre nous », ajoute le chef du village des rastas.

 

Dans ce village, la nationalité guinéenne est une appellation ancienne bien qu’elle s’impose juridiquement aux membres.  « Ce n’est pas notre nom mais par obligation, nous sommes tenus d’accepter puisque c’est écrit sinon nous sommes aussi un peuple migrant. Ce groupe FASSO-KELE regroupe une vingtaine de personnes, venues d’origines diverses. Certains sont là, d’autres se déplacent. Pour des cas de visites, nous recevons beaucoup de gens notamment Lyricson, le grand reggae man, et d’autres stars qui viennent pour des petits séjours sauf que ce n’est pas médiatisé », souligne le président du village.

Le village rastas un endroit solennel pour qui souhaitent y habiter et rejoindre les initiateurs. « Ce que je voudrais dire aux jeunes, notre idéologie reste ouverte à tous ceux qui souhaitent nous rejoindre. Tout le monde est appelé au drapeau de Jah, mais ce n’est pas tout le monde qui sera élu. C’est-à-dire, personne n’est obligé d’obéir à leurs principes mais ici, c’est le panafricanisme », déclare honorable Gbassikolo.

Reportage réalisé par Chérif Keita

Correspondant régional d’Africaguinee.com

A Kindia

Créé le 17 mars 2024 13:42

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