Crise de logement à Conakry : Immersion dans le petit business des démarcheurs…

Vue panoramique des quartiers situés au nord de Conakry

CONAKRY-Voilà une corporation dont l’activité échappe au contrôle de l’Etat. Elle mène pourtant un business très lucratif. Ce sont les courtiers. Mais en Guinée, dans un langage vulgaire, cette corporation est appelée les démarcheurs. Leur job : aider les citoyens en quête de logement d’en trouver, moyennant une somme d’argent. Ils sont accusés à tort ou à raison, d’être responsables de la cherté du loyer à Conakry.

Ceux qui l’exercent sont souvent des adultes, frappés par le chômage. Pour gagner leur vie, ils se rabattent vers cette « profession » où ils fournissent moins d’efforts. Ils jouent les intermédiaires entre les propriétaires de maisons et les citoyens en quête de logements. Ils sont faciles à reconnaître dans les grands carrefours où ils s’assoient. Parmi eux, on en trouve tout : des bons, des moins bons et des pires. Les bons exercent correctement sans « tricher », les moins bons sont ceux-là qui trichent quand ils sont dans une situation financière délicate et les pires arnaquent en longueur de journées de pauvres citoyens, sachant pertinemment  qu’ils n’ont aucun service à offrir aux nécessiteux.

Assied sur un banc au milieu de trois de ses amis, sous l’ombre d’un buisson de fleur, collé à une cour, au carrefour canadien dans le quartier Lambanyi, Mamadou Gandho Bah, démarcheur attend un hypothétique client. Vêtu d’une chemise bleue, son visage montre l’aspect d’un fervent fidèle musulman. L’homme a franchi la quarantaine, et a la vocalise très aisée. Il admet pouvoir gagner sa vie dans cette activité. « C’est une activité qui me permet de nourrir ma famille, subvenir à ses besoins. Certes les marchés ne viennent pas à tout moment, mais à chaque que nous avons un marché nous nous en sortons un peu », confie-t-il.

Sur écoute de ses collègues, il explique comment leur business  fonctionne : « Ceux qui ont des terrains ou des maisons à vendre, viennent se confier nous pour les aider à trouver des clients. Ceux qui ont des maisons à louer viennent nous voir aussi en disant le prix. Nous sommes les intermédiaires entre les vendeurs et les acheteurs », entame le démarcheur, en langue Poular (l’une des plus parlées en Guinée).

A chaque fois qu’un marché est conclu entre vendeur et acheteur, le démarcheur a une commission à toucher, nous raconte M. Bah. En ce qui concerne la vente des terrains ou des maisons par exemple, la commission est de 5% du prix de vente, quelques soit le montant. Par contre, dans la location, un mois du prix mensuel convenu entre le concessionnaire et le locataire revient au démarcheur. Si la maison coûte 1 millions de francs le mois, en plus de l’argent que le nouveau locataire paye au propriétaire, il doit donner la même somme au démarcheur.

Des escrocs ?

A Conakry, plusieurs citoyens accusent les démarcheurs de compliquer l’obtention d’un logement dans la capitale. Certains mêmes  les qualifient d’escrocs. « Depuis que ces fameux démarcheurs qui prétendent aider les gens, se sont impliqués dans l’affaire de logement, le loyer est devenu cher dans la capitale. Certains d’entre eux sont de véritables escrocs. Ils te font tourner toute une journée, tu les paie à chaque déplacement, sans être satisfait »,  se plaint Thierno, jeune diplômé qui dit avoir cherché un logis pendant deux mois sans trouver un endroit idéal pour lui.

« On nous accuse gratuitement », rétorque Mamadou Gandho Bah, qui observe que ce sont les propriétaires des maisons qui fixent les prix, mais pas eux. « Si un nécessiteux arrive, nous lui disons le prix fixé par le concessionnaire. En plus si on lui montre la maison à louer et que ça lui convienne, on le met en contact avec le concessionnaire. C’est eux qui négocient jusqu’à trouver un terrain d’entente. Donc, on nous accuse sans fondement. Ce n’est pas nous qui rendons chers la location à Conakry. C’est un service que nous rendons aux citoyens. Nous ne forçons personne. Certains d’ailleurs ne tiennent même pas leur parole en donnant notre commission », se défend notre interlocuteur.

« On nous calomnie sans fondement. Les propriétaires des maisons ne nous disent jamais un prix que nous modifions. Nous n’augmentons rien sur la somme fixé par les concessionnaires. Si les prix sont chers, nous ne pouvons rien. Le rôle du muezzin est d’appeler les fidèles à la prière, il n’a pas à obliger quelqu’un de venir à la mosquée», appuie Mamadou Safayou Diallo, vice-président des démarcheurs à Bambéto.

Dans ce jeu de cache-cache, de chat et souris, ce sont les pauvres  citoyens qui paient les prix forts. Ils sont abandonnés à eux-mêmes par l’Etat qui ne réglemente pas cette activité.

Un véritable casse-tête…

Bangaly Kourouma qui cherche un logement depuis des mois ne cache pas ses peines. « Se trouver une maison est un véritable casse-tête à Conakry. Les concessionnaires fatiguent trop les citoyens en augmentant à chaque fois le prix du loyer. Sans compter qu’ils te demandent de verser une avance allant jusqu’à deux ans. Les démarcheurs aussi, à chaque déplacement il faut leur donner de l’argent. Que la maison qu’ils te montrent te plaise ou pas, il faut forcément donner une somme variant entre 20.000 à 30.000 GNF », se plaint ce jeune qui a récemment trouvé un emploi et qui cherche un logement. Il interpelle l’Etat à y faire face « parce que le problème fatigue trop les citoyens ». 

A défaut de trouver une maison, Mademoiselle Maciré Camara partage la même chambre avec une de ses amies. Elle voit le problème ailleurs : « Quand tu es une jeune fille, les propriétaires de maisons te demandent si tu es mariée. Si tu n’es pas mariée, ils refusent de te loger. Pourtant, ils doivent comprendre qu’il y a des filles qui sont sérieuses, qui se débrouillent un peu et qui ont besoin d’un endroit où rester », nous explique-t-elle. L’autre problème confie la jeune fille, « quand tu trouves une maison, les propriétaires te demandent jusqu’à trois ans de caution en plus qu’il faut payer les démarcheurs qui t’ont aidé. Les temps sont durs, on ne peut payer toute cette somme et pouvoir subvenir à ses autres besoins », crie-t-elle.

Du rôle de l’Etat…

« L’Etat a complètement abandonné les citoyens à eux-mêmes face à la crise de logement. L’Etat s’il ne peut pas construire des logements sociaux, il doit réglementer le secteur en faisant en sorte que les propriétaires n’exigent pas des prix trop exorbitants », conseille Maciré Camara.  

Un vieil homme que nous avons trouvé au milieu d’un groupe de démarcheurs, à Bamabéto, nous a expliqué qu’il exerce ce business depuis sept ans. Il admet que l’Etat ne porte aucun regard sur leur activité. Il a révélé qu’à Bambéto, une quarantaine de démarcheurs était recensée dans un passé récent. Peut-être que le nombre a augmenté, dit-il, puisque le chômage ne fait que gagner du terrain dans le pays.

Contrairement à M. Gandho, il signale qu’il fait cette activité malgré lui. « Honnêtement, je fais  cette activité  malgré moi. Dès fois on peut rester tout le mois sans toucher une peccadille. C’est parce que je n’ai rien d’autres affaire que j’exerce cette activité », relate le vieux adossé sur le tronc d’un manguier.

A Bambéto, il y a une règle qui est fixée par les démarcheurs. Si un client arrive, on lui fait couper un ticket à 20.000 francs. Ce ticket est valable pour une semaine. 10.000 francs revient à celui qui l’a amené, 5000 francs revient au bureau, explique M. Safayou.

Plusieurs parlementaires interpelés sur la problématique liée aux difficultés que rencontrent les citoyens de Conakry, pour obtenir un logement, nous ont confié que la question n’est pas à l’ordre du jour au parlement. Certains nous ont dit d’ailleurs qu’ils ne savent même pas s’il y a une commission qui s’intéresse à ces problèmes. 

En attendant, les pauvres citoyens peuvent se consoler d’une simple promesse faite par le Premier ministre Mamady Youla lors de son passage à l’assemblée nationale.

« Nous veillerons à améliorer l’Habitat précaire et son financement. C’est pourquoi, le gouvernement procédera : à l'assainissement des quartiers insalubres de Conakry et des capitales régionales;  au désenclavement des quartiers défavorisés de Conakry ; nous nous engageons à promouvoir la construction de l’habitat neuf et son financement, cela à travers la réalisation des études pour la mise valeur du site de Kassonyah (Coyah) dans le cadre du programme de construction de 40 000 logements » , avait promis Mamady Youla dans les divers de son allocution le mercredi 04 mai 2016.

Un reportage de Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 655 31 11 12

Créé le 23 mai 2016 10:22

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