Bradage des biens de l’Etat : le rapport « explosif » qui épingle plusieurs anciens dignitaires…

Image d’illustration

CONAKRY- C’est un dossier qui revient souvent dans les débats. Quels sont les cadres, les opérateurs économiques, les services de défense et de sécurité impliqués dans le démantèlement de rails du chemin de fer Conakry-Niger ? Et la famille du général Lansana Conté dans tout ça ? Africaguinee.com s’est procuré du rapport d’audit réalisé à cet effet en 2010, mais qui n’a jamais officiellement été publié. Le document est saisissant.

Lancée en 1902, la construction du chemin de fer Conakry-Kankan (1902-1914) longue de plus 600 kilomètres a été initiée par la puissance coloniale française pour faciliter l’écoulement des produits agricoles et miniers vers les côtes. Le chemin de fer est arrivé à Kankan, le 14 aout 1914. Le bilan fait état de 620 morts lors des travaux forcés.

Avant l’indépendance, la voie ferrée Conakry-Niger était gérée par la Régie des Chemins de Fer de l’Afrique Occidentale Française. En 1959, le président Ahmed Sékou Touré prend l’Ordonnance n° 32 du 02 juin 1959 créant l’Office Nationale des Chemins de Fer de Guinée (ONCFG). Sous le premier régime, la voie ferrée était considérée comme la colonne vertébrale économique de la Nation. Le dernier train quitta Kankan le 02 mai 1995 avec cinq wagons transportant des graines de coton à destination de Conakry et dura 30 jours. La voie ferrée a complètement disparu en 2007 avec le démantèlement des rails, traverses, boulons, éclisses, crapauds d’éclisses et certains ponts.

Sous la transition du Cndd, en 2009, capitaine Moussa Dadis Camara instruit via l'Ordre de Mission n° 005/CASSSE/CNDD/2009 du 15 septembre 2009 au Comité d’audit et de surveillance des secteurs stratégiques de l’économie (CASSSE) de faire un audit de la cession des actifs de l’Office Nationale des Chemins de Fer de Guinée (ONCFG).  Avec pour objectifs de : objectifs notamment de dévoiler le mécanisme qui a conduit au démantèlement du chemin de fer Conakry-Niger, identifier les responsabilités personnelles, directes et indirectes, et, enfin, d’identifier les exportateurs et les pays de destination. Les travaux avaient été supervisés par Ousmane Kaba, actuel leader du PADES.

Parmi les documents consultés par le comité d’audit figure le décret D/96/136/PRG/SGG le 23 octobre 1996 portant libéralisation de la commercialisation de la ferraille composite.

Au sens de ce Décret, précise le rapport d’audit, le terme « ferraille composite » désigne l’ensemble des métaux ferreux et des métaux non ferreux constitués notamment de rails usés, essieux de trains, traverses de chemins de fer, canons, vieux tracteurs, carcasses de véhicules, tôles légères, blocs de moteurs, rébus de garages et autres.

« Nous n’avons pas trouvé dans cette initiative présidentielle, durant nos investigations, une intention maligne cachée dans ce Décret ou une opération visant expressément la voie ferrée Conakry-Niger. Cependant, il semble que le Président de République, face à l’absence de moyens financiers pour la construction d’une base navale pour la Marine militaire dans l’ile de Tamara, aurait souhaité utiliser les produits éventuels générés par la vente des ferrailles pour sa réalisation. Le contact pris avec SODEFA n’ayant pas abouti, ce projet n’a jamais été mis en œuvre (…)

Entre 1996 et 2000, en raison de la diminution drastique du personnel de l’ONCFG (office national des chemins de fer de Guinée) opérée en 1996, la voie ferrée, désormais sans surveillance effective, a subi les assauts des riverains de la voie, notamment dans les préfectures de Kankan, Kouroussa et Dabola. Rails et traverses étaient régulièrement, mais ponctuellement, volés et vendus au Mali voisin où des fonderies étaient demanderesse de ferrailles », révèle le rapport consulté par Africaguinee.com.

Les matériaux volés étaient remplacés autant que faire se pouvait par l’ONCFG dont les agents, le long de la voie, n’ont jamais manqué de vigilance, au péril de leur vie, pour alerter la Direction générale mais aussi les autorités, tant civiles que militaires ou paramilitaires, des opérations criminelles en cours, précise la note. Entre 2000 et mi-2004, la rumeur du vol des rails s’amplifiant, des cercles mafieux, autour du PRG et de l’Etat-Major Général des Armées, s’emparèrent de l’idée et entreprirent de l’exploiter à leur bénéfice, sous le couvert imparable de la famille présidentielle et de la Haute Autorité Militaire.

Des démarcheurs étaient recrutés tout le long de la voie pour solliciter rails et traverses à la population riveraine. Des sociétés de transports munis de Laissez-passer et d’Ordres de Mission, protégées par des militaires et des gendarmes, assuraient la collecte, payaient rubis sur ongle et évacuaient les matériaux sur Conakry. Mais la vigilance des cheminots (Kindia, Mamou et Dabola) et de quelques autorités préfectorales et régionales (Mamou, Kankan) empêchaient la régularité de l’évacuation et des saisies audacieuses étaient opérées malgré les menaces de mort proférées contre eux par les accompagnateurs en tenue.

En 2005, des saisies importantes sont opérées à Kindia, Mamou, Dabola et Kankan et des plaintes sont déposées auprès des Services de Sécurité et des Tribunaux locaux par les cheminots. Contre toute attente, dans toutes ces Préfectures, les voleurs sont libérés et les cheminots condamnés, après des interventions téléphoniques venues de Conakry. Ces jugements ont été le facteur de déclenchement du démantèlement de masse de la voie ferrée dans ces zones (Kankan- Kouroussa, Dabola et Mamou).

C’est ainsi, souligne les enquêteurs : « les populations riveraines, informées de ces décisions et continuellement sollicités par les démarcheurs, locaux ou venus de Conakry, répondirent à la demande pressante et intéressante par une offre plus intensive. Pour pallier à ces interventions intempestives des cheminots, entre mi-2004 et 2005, une série de Laissez-passer (LP) issue du Secrétariat Général de la PRG, de la PRG (Famille Présidentielle), de l’Etat-major des Armées, d’Ordres de Mission d’Officiers Supérieurs de l’Armée et d’Ordonnances judiciaires de Tribunaux étaient mises à la disposition des collecteurs et des transporteurs ».

Le document accable plusieurs anciens dignitaires dont l'ancien ministre secrétaire général à la présidence, Fodé Bangoura, de l’Administration du territoire Naby Youssouf Kiridi Bangoura, des Transports, Alpha Ibrahima Keira, de la Sécurité, Moussa Sampil. Ainsi que le capitaine feu Ousmane Conté, fils du président Lansana Conté, l’ancien chef d’état-major des armées général Kerfalla Camara et de l’opérateur économique Alseny Barry.

Inventaire

Sur 148 mille 680 rails et 827 mille 500 traverses existant en 1995, l’inventaire de la voie en 2009 révèle 1.014 rails restant, soit 08 km, et 10.000 traverses, souligne le document. La valeur estimative des matériaux de la voie ferrée est d’environ 7 millions 318 mille 605 Usd.

A l’époque ministre des Transports, Aliou Condé s’était opposé au démantèlement des rails. En 2005, il avait introduit un projet de décret portant « interdiction de la vente, de l’achat et l’exportation de la ferraille » qui, contre toute attente, n’avait pas obtenu le soutien et l’appui de Fodé Bangoura, note le rapport d’audit.

Dossier à suivre…

 

Enquête réalisée par Abdoul Malick Diallo

Pour Africaguinee.com

Tél. : (00224) 669 91 93 06

Créé le 8 décembre 2021 12:19

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