Bah Oury s’exprime sur le drame à Kaloum : « Il ne faudrait pas que les preuves soient effacées dans la précipitation… »

Bah Oury, leader de l'UDRG

CONAKRY- L’explosion du dépôt national d’hydrocarbures de Kaloum dans la nuit du 17 au 18 décembre 2023 continue de susciter des réactions. Ce drame national a fait une vingtaine de morts, plus de 200 blessés, dans la commune de Kaloum. Dans cette interview, le président de l’UDRG (l’Union des Démocrates pour la Renaissance de la Guinée) aborde sans détour cette catastrophe nationale. L’ancien ministre de la réconciliation nationale propose aussi des pistes de solutions pour sortir de cette nouvelle épreuve tragique.

AFRICAGUINEE.COM : Le dépôt national de carburant est parti en fumée suite à un incendie dont l’origine n’est pas encore déterminée. Est-ce que ce drame était prévisible à votre avis ?

BAH OURY : Depuis de longues des années, il y avait eu des alertes au dépôt de carburant au niveau de Conakry. En 2017 par exemple, il y avait eu un début d’incendie qui a été vite étouffé. Ce jour-là, je crois qu’il y a eu deux victimes suite à cet incident. Mais il ne faut pas être un expert pour se rendre compte que ce dépôt de carburant au cœur de Conakry était un danger pour la sécurité civile et celle nationale. Et les autorités précédentes auraient dû envisager la délocalisation du dépôt depuis très longtemps. Malheureusement, l’atavisme a pris le dessus. On considère que ce qu’on a trouvé ne doit être pas changé même si cela présente des risques majeurs pour la sécurité nationale. Hélas, aujourd’hui on a enregistré cette catastrophe, j’espère et je souhaite que les autorités de la transition auront les capacités tant qu’organisationnelles qu’institutionnelles, techniques et financières pour pouvoir juguler les conséquences de ce désastre qui arrive à un très mauvais moment pour la Guinée toute entière.

Ce qui est arrivé est triste. Je présente mes sincères condoléances aux victimes et souhaite prompt rétablissement aux blessés. A ce stade, je voudrais qu’on laisse les enquêtes se faire, j’espère qu’il n’y aura que celles (victimes) qui sont déjà dénombrées. Nous réitérons d’ailleurs nos sincères condoléances et leur exprimons notre solidarité dans cette épreuve qui concerne toute la communauté nationale.

Ce drame a fait naitre une chaine de solidarité nationale ‘’inédite’’ alors qu’on croyait que les guinéens sont ‘’trop’’ divisés. Comment expliquez-vous cette union ?

Il faut reconnaitre que la société guinéenne est en évolution. Elle est dans une profonde mutation. Elle a fortement changé. Et, la divergence politique telle qu’elle s’exprime de la manière la plus exubérante au niveau de certaines sensibilités politiques n’est plus effective au sein des larges couches de la population guinéenne, qui sont solidaires par rapport aux difficultés que tout le monde endure et qui aspirent à un réel changement qui permettrait d’améliorer le sort de tous dans un pays réconcilié, stabilisé institutionnellement et politiquement.

C’est une réalité qu’il faut prendre en compte et ne pas voir la Guinée sous le prisme des divergences politiciennes qui s’expriment par-ci par-là. La Guinée est profondément unie et ceci a été démontré par l’élan de solidarité nationale qui s’est exprimé avec la capacité de résilience qui a été aussi constaté. C’est simplement certains secteurs relativement radicalisés qui se sont permis d’émettre des sons de cloche tout à fait différents. Mais c’est ainsi que va la vie, tout le monde ne peut pas être dans une même orientation.

Suite à ce drame, le président de la transition, colonel Mamadi Doumbouya s’est adressé à la Nation tout en décrétant un deuil national de trois jours. Quelle lecture faites-vous de son discours ?

Le discours d’adresse à la Nation du Président est dans les circonstances appropriées. La seule chose qu’on aurait pu dire, ce que ça aurait pu se faire peut-être 48 heures plutôt, ceci, pour couper court à toutes les spéculations indiquant qu’il y a eu un long moment de silence avant qu’il y ait de manière formelle, publique télévisée le discours du président de la transition.

Ce drame ne sera pas sans conséquences à court, moyen ou long terme selon certains observateurs. A quoi faut-il s’attendre selon vous ?

Déjà on constate que sur le plan économique beaucoup d’entreprises ont été impactées surtout les entreprises qui sont installées dans Kaloum. Le carburant est une denrée essentielle pour maintenir l’activité économique et sociale de tout un pays. Donc, dans le contexte actuel il faudra juguler les déficits en carburant, les dysfonctionnements que cela va créer pour permettre tant bien que mal de maintenir le niveau des activités de l’économie nationale sans pour autant impacter plus profondément les citoyens de notre pays. De ce point de vue, il faut souligner et saluer la solidarité effective qui a été constatée avec la coopération et l’aide que nous avons reçue de nos pays limitrophes. Je pense que de ce point de vue-là, ce sont des facteurs qui permettront d’atténuer l’ampleur de la crise dans laquelle la Guinée est plongée actuellement.

Qu’est-ce qu’il faut craindre dans la gestion de cette crise ?

La seule chose qu’on peut dire dans le contexte actuel, c’est de demander dans le contexte d’une épreuve de tragique nationale, que tous les secteurs de la société fassent preuve de responsabilité et de retenue. C’est une situation qui doit beaucoup créer un élan national vers l’apaisement, une dynamique de complémentarité pour nous permettre ensemble de faire face à la situation difficile dans laquelle notre pays est plongé. Si cela est, je pense que la Guinée va s’en sortir avec beaucoup plus de force, de facilité d’une situation qui est présentée comme particulièrement difficile.

Certains acteurs politiques réclament des enquêtes indépendantes pour faire toute la lumière sur ce drame. Partagez-vous leur position ?

Ça, il faut le dire. La société guinéenne de pétrole certainement est assurée. Et donc, le sinistre doit être constaté sur le plan judiciaire pour enclencher les procédures de réparation ou d’indemnisation. De ce point de vue, les victimes doivent faire constater par voie d’huissier les dégâts dont ils ont été victimes. Il ne faudrait pas que les preuves soient dans une certaine mesure effacées dans la précipitation parce que le jour où il faudra procéder à des indemnisations éventuelles, il va de soi que des éléments de preuves seront démontrées. Donc, que tout le monde fasse constater par voie d’huissier des dégâts et que l’ensemble des victimes s’organise dans le cadre d’une partie civile pour faire face aux procédures de plainte collective pour demander réparation ou indemnisation parce que dans une large mesure, la société guinéenne des pétroles est sans doute propriétaire des dépôts, qui a mis du carburant, a contracté des assurances et doit utiliser pour que les choses soient faites dans les normes internationales.

Sur le plan politique, craignez-vous que cet incendie au dépôt d’hydrocarbures puisse être un facteur de retard du retour à l’ordre constitutionnel ?

De ce point de vue je pense qu’il ne faudrait pas commencer à spéculer. La situation est difficile mais elle n’est pas irrémédiable, tout au contraire. La Guinée certainement bénéficiera de la coopération internationale et les apports des pays amis et frères, et des organisations multilatérales. Je pense que l’un n’excluant pas l’autre, il est bon dans un contexte où la situation nécessite un réaménagement dans le cadre du chronogramme, des activités à mener, il va de soi qu’il faut remédier un certain nombre d’activités qui était déjà planifié à l’aune de cette situation qui est particulièrement difficile, aussi bien institutionnellement qu’économiquement pour notre pays.

Votre mot de la fin ?

Les Nations se consolident dans des épreuves. C’est une épreuve supplémentaire qui survient à un moment où socialement, économiquement, les guinéens sont particulièrement affectés par des situations de difficultés récurrentes. C’est le moment de prendre conscience de la nécessite d’impulser une dynamique de solidarité, d’entente et de coopération entre tous les guinéens pour qu’ensemble nous puissions faire face et juguler les difficultés qui assaillent notre pays. C’est comme cela que nous allons traverser avec brio et efficacité cette situation qui nous est tombée sur la tête.

Interview réalisée par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 664 72 76 28

Créé le 25 décembre 2023 07:44

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