Soro, Ouattara, la rébellion et la France : les révélations de Sékou Souapé…

Sékou Souapé

CONAKRY-Son amitié avec Guillaume Soro qu’il a d’ailleurs sauvé des mains du rebelle  Sam Bokary, est connue ! Sékou Souapé Kourouma qui a longtemps vécu en Côte d’Ivoire vient de s’exprimer sur les derniers développements de l’actualité politique dans ce pays frontalier à la Guinée. Dans cette interview accordée à notre rédaction, M. Kourouma lève un coin du voile de la crise ivoirienne des années 2000. Il  craint une nouvelle escalade dans ce pays. 

 

AFRICAGUINEE.COM : Les derniers développements de l’actualité politique en Côte d’Ivoire laisse planer beaucoup d’inquiétude. Guillaume Soro qui se trouve être l’un de vos proches avec qui vous avez eu à collaborer dans les années 2000 a été empêché de rentrer dans son pays. Aujourd’hui un mandat d’arrêt est émis contre lui suivi d’une accusation de déstabilisation et de détournement de deniers publics. Quelle est votre réaction ?

SEKOU SOUAPE KOUROUMA : Il faut dire que c’est regrettable. Le logiciel de gouvernance développé par le RDR en Côte d’Ivoire a, pour moi sapé tous les fondamentaux de la démocratie, l’Etat de droit dans ce pays. Ce qui a visiblement soumis le peuple de Côte d’Ivoire dans une sorte de tyrannie démocratique. Aujourd’hui il n’y a pas que Soro. C’est parce que Soro c’est la personnalité la plus visible de toute cette affaire, sinon il y a un certain nombre de personnalités politiques qui sont en prison, d’autres sont en cavale. Donc je pense que c’est un recul démocratique.

Guillaume Soro a un passé assez tumultueux  en Côte d’Ivoire. Il a d’abord  conduit la rébellion dans le nord avant d’être Premier Ministre puis Président de l’Assemblée Nationale. Le procureur a fourni un certain nombre d’éléments indiquant qu’il voulait réellement déstabiliser le pays. Vous n’y croyez pas ?

Le passé dont vous faites allusion, ceux qui sont au pouvoir ne sont pas loin de ce passé. Ils étaient ensemble hier. Même si certains étaient visibles et d’autres voilés mais le passé là est commun à eux.

Vous voulez dire qu’Ouattara était de mèche avec Soro ?

Je n’ai pas dit ça exactement, mais je dis que ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui ne sont pas loin de ce passé. C’est clair. C’est un passé commun. Depuis le début de cette situation, ils ont tous été impliqués d’une manière ou d’une autre. Donc pour moi, taxer Soro de ceci ou de cela, il ne faut pas faire de l’amalgame. C’est comme quand on parle d’un crime, il y a le mobile.  C’est important de chercher à savoir à qui ce crime-là a profité. Mais en tout cas dans ce cas précis, ce n’est pas Soro si c’est un crime. Ce qui s’est passé, le résultat a été qu’Alassane Ouattara soit mis au pouvoir en Côte d’Ivoire. Donc, quand vous faites  l’analyse de cette situation il faut comprendre. Quand vous prenez l’enregistrement, Me Bamba Lamine dit que ça date de 2017 et il y a des éléments qui manquent à cet enregistrement. Et Soro lui-même se serait expliqué avec le Président Ouattara à l’époque. En ce qui concerne les armes, moi j’ai vu les photos, mais  c’est lamentable. L’analyse des images que nous avons, ce ne sont pas des armes qui sont restées stockées longtemps dans un arsenal ou dans un magasin, ou enfouies dans le sol. Ce sont des armes visiblement qui étaient manipulées quelques moments avant, au vue l’état des armes. 

Dans une de vos sorties dans la presse, vous avez accusez le Président Ouattara d’être l’un des instigateurs du coup d’Etat qui a chassé Bédié. Pourriez-vous  développer un peu cette parenthèse ?

J’ai dit qu’on a dit qu’il y a l’enregistrement dans lequel monsieur Soro a tenu des propos mais on parle d’enregistrement. Alors qu’Alassane lui était sorti en son temps pour dire que « je frapperai ce pouvoir et  il tombera ». Et ce qui s’est passé après. Donc en terme démocratique, pour enlever un pouvoir ce n’est pas avec une frappe, mais lors d’une élection démocratique. Mais quand quelqu’un dit : « je vais frapper ce pouvoir et il tombera », il faut comprendre le message. Et c’est ce qui s’est passé le 24 décembre 1999.

Guillaume Soro est aujourd’hui à l’exil. Avez-vous  des craintes pour lui ?

Bien sûr, beaucoup de ses proches sont persécutés. Il y en a d’autres qui ont traversé les frontières mais ce qui est encourageant, c’est qu’il y a une explosion de la côte de popularité et même d’adhésion au parti de Guillaume Soro aujourd’hui en Côte d’Ivoire. 

Ne craignez-vous pas que la France exécute le mandat d’arrêt ? 

Moi je ne crois pas que la France ira jusqu’à ce niveau. Parce que les premières négociations lors des crises, c’était Ina Makosis. La France à l’époque dirigée par feu Jacques Chirac, madame Alio Mari   son ministre des armées, Dominique De Villepin, Ministre des affaires étrangères que nous avions reçus à Bouaké, ils savent très exactement ce qui s’est passé. J’étais présent. Ils savent tous les moyens qu’ils ont déployés pour acheminer la délégation des différents groupes rebelles à la négociation à Lomé, ensuite à Accra et en Afrique du Sud. Ils savent peut-être mieux que nous autres parce que même l’armée française a été déployée en Côte d’Ivoire sous le nom de la licorne. Donc on sait très bien le rôle que Soro a joué, que chacun des acteurs était amené à jouer dans ce conflit. Aujourd’hui je ne vois pas la France se retourner contre Soro. Parce que Soro a préservé beaucoup de choses y  compris les intérêts français tels que les unités de production de sucre, toutes les entreprises françaises ont été protégées à l’époque. Ils ont protégé les citoyens étrangers. Soro a joué un rôle positif dans cette crise.

Vous évoquez un aspect important, la question du jeu d’intérêt. Aujourd’hui si la France sent que son intérêt est avec Ouatara est-ce qu’elle ne pourrait pas envisager un retournement de veste? 

Je pense que tout un homme politique, quand on est un homme d’Etat les intérêts c’est avec le peuple, ce n’est pas avec des individus. Si vous vous arcboutez sur des individus, eux ils passent, mais le peuple demeure. Il faut voir aussi l’opinion aujourd’hui. Je pense que la démarche et la conduite de la politique française dans cette situation doit être basée sur ce que le peuple veut. Si le calcul est fait dans cet angle je pense qu’il aurait fait un bon choix. 

Vous étiez  à Bouaké en tant que quoi lorsque le ministre Dominique De Villepin est venu ? 

J’étais là en tant qu’ami de Soro. Mais en plus, j’avais plein d’amis. Même les Diakaridja, les Wattao…ce sont des amis. Il n’y a pas que Soro que je connais. 

Avez-vous eu des rapports avec IB (Ibrahim Coulibaly) qui a été assassiné dans des circonstances tragiques en 2011 ? 

Bien sûr que j’ai eu des rapports avec lui, peut-être même avant Soro. 

Que gardez-vous de lui comme souvenir ? 

C’est  quelqu’un qui était gentil, généreux. 

Beaucoup estiment aujourd’hui que Guillaume Soro avait préparé l’assassinat d’IB. Qu’en dites-vous ? 

Moi je pense que les gens racontent des histoires. Soro a dit lui-même que lorsque IB a trouvé la mort qu’il se trouvait au Burkina Faso et je n’ai pas vu quelqu’un qui a démenti ça.

Oui mais  on peut être loin et donner des ordres à ses hommes ?

Le chef suprême des armées en ce moment-là était Alassane Ouattara qui était à Abidjan. 

Est-ce qu’il ne faut pas craindre une nouvelle déstabilisation de la Côte d’Ivoire ? 

Je pense qu’on peut bien craindre une escalade parce qu’il ne faut pas limiter le problème entre Soro et Ouattara ou les acteurs. Mais il faut voir le positionnement du peuple. Il faut voir les perceptions du peuple ? Est-ce qu’il est content de la gouvernance actuelle et surtout de la tournure de la situation politique en Côte d’ivoire ? Je n’en suis pas certain. C’est plus fondamental parce que les individus peuvent même se réconcilier. Mais je pense qu’il faut savoir lire dans la pensée ou dans l’opinion que dégage le peuple. C’est le plus fondamental. 

Peut-on dire qu’Alassane Ouattara n’a pas été reconnaissant envers Guillaume Soro ? 

Bien sûr ! D’abord Alassane Ouattara était gouverneur de la BCAO (Banque Centrale de l'Afrique de l'Ouest, Ndlr) quand il a été appelé par le président Félix Houphouët Boigny pour présider la commission interministérielle qui devait proposer des solutions  à la crise économique et financière que traversait la Côte D’Ivoire à l’époque. Après qu’il ait rendu la copie, il a été appelé au Gouvernement en tant que  Premier Ministre. Il est resté trois ans  dans le Gouvernement en tant que Premier ministre et le président Félix Houphouët Boigny est décédé. Le président de l’Assemblée Nationale à l’époque qui était Henry Konan Bedié  a pris  le pouvoir. Alassane Ouattara est reparti. Depuis cette date,  il a fait  plusieurs tentatives pour se présenter d’abord député, ensuite autre chose. La constitution ivoirienne en son article 35  ne lui permettait pas parce qu’il était considéré comme un étranger, je ne sais pas si c’était à tort ou à raison. Il a fallu que les jeunes  se  révoltent  le 19 septembre 2002, je crois pour faire un coup d’Etat  qui s’est transformé en rébellion. Leurs différentes négociations  ont permis à Monsieur Ouattara d’être candidat et gagné les élections. Il faut reconnaitre l’apport  de Guillaume Soro dans son ascension.

 

Interview réalisée par Boubacar 1 Diallo

Pour Africaguinee.com

Tél. : (+224) 655 31 11 12

Créé le 1 janvier 2020 16:01

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