Mamadou Sylla : « Quand le président Conté m’a sorti de prison en 2006… »

Mamadou Sylla, président de l'UDG

CONAKRY-Le 10 janvier 2006, (15 ans jour pour jour) démarrait en Guinée une grève aux allures de révolution ! Déclenchée par l'inter centrale syndicale Cntg-Ustg accompagnée par des partis politiques, cette grève avait fait vaciller le pouvoir de feu général Lansana Conté. Ce sont événements de Janvier-février 2007.  Au centre de cette grogne sociale qui avait envahi tout le pays, l’immixtion de l’exécutif dans les affaires judiciaires avec en toile de fond une misère exacerbée. La libération par Lansana Conté d’Elhadj Mamadou Sylla, -puissant homme d’affaires proche du président arrêté et détenu à la Maison centrale pendant 12 jours-, avait mis le feu aux poudres. La répression de la contestation qui s’était étendue jusqu’en février 2007 avait fait plus de cent morts. Les victimes de cette répression sanglante attendent toujours justice. L’actuel président du parti UDG fait des révélations sur ce pan de l’histoire récente de la Guinée. Dans son franc parler habituel, il dénonce celui qui, au fond, selon lui avait orchestré ces évènements en voulant organiser « une révolution de palais » en corrompant des juges et des syndicalistes. Des révélations…

AFRICAGUINEE.COM : Vous étiez au centre des événements de Janvier-février 2007. Quel est votre souvenir de cette grève générale qui avait failli emporter le pouvoir du feu général Lansana dont vous étiez très proche ?

MAMADOU SYLLA : La grève de Janvier-février 2007 c’était contre moi puisqu’on l’avait déclenché parce que le président m’avait sorti de prison. Mais le président Conté avait réparé un tort. On m’avait accusé et emprisonné à tort. En réalité, celui qui était derrière ça pensait faire une révolution de palais. Le président étant malade, il voulait prendre sa place. Il fallait passer par mon cadavre pour qu’il y parvienne. C’est pourquoi, ils ont voulu m’éliminer.

Pourtant vos détracteurs vous accusaient de devoir de l’argent à l’Etat guinéen.

On disait que je devais 15 milliards Gnf à l’État, à l’époque. Est-ce qu’on peut mettre Elhadj Mamadou Sylla en prison à cause de 15 milliards Gnf ? Alors que l’État me devait 22 millions Usd, à l’époque c’est plus de 200 milliards Gnf de nos jours que je réclamais à l’Etat. Ils disaient que je devais à l’Etat puisque la Banque centrale m’avait payé, mais est-ce que j’ai pris un fusil pour aller attaquer la Banque ? On dit que j’ai détourné des deniers publics. Qui peut-on reprocher d’avoir détourné des deniers publics ? C’est celui qui les gère. Moi, j’étais opérateur économique, président du patronat.  On dit aussi que j’ai fait un chèque sans provision alors qu’il était payé depuis plus de 5 ans. Si tu fais un chèque à quelqu’un si tu n’as suffisamment d’argent dans ton compte, la banque va mentionner « provision insuffisante » et quand il n’y a rien, on parle de « chèque sans provision ». En ce moment, l’intéressé peut porter plainte contre toi. Pour mon cas, l’argent était payé plus de 5 ans avant. Mais vous savez quand il y a la politique et de non-dit dans une affaire, quelqu’un qui n’est pas vraiment impliqué ne peut jamais connaître la réalité.

Quand le président Conté m’a sorti de prison, il avait dit que c’est l’État qui doit à Elhadj Sylla. Il avait parlé de tout ce que j’ai fourni comme effort de guerre pendant l’agression rebelle. Cela avait tellement fait de bruit que le ministre de finances d’alors, Ousmane Doré et un des ses conseillers, Mady Kaba, sont partis négocier avec le Fmi et la Banque mondiale. Ces instituons financières leur ont demandé d’aller régler le conflit entre l’Etat et Futurelec avant d’entamer une quelconque négociation. Ils sont revenus en Guinée, ils ont fait le compte rendu. Un appel d’offres a été lancé pour le recrutement d’un cabinet d’audit international. On a recruté le cabinet Ernest & Young. Les auditeurs sont venus. Quand j’ai dit que j’ai envoyé 10 véhicules, ils demandent le bateau qui a envoyé et les documents qui le prouvent. Ils vérifient au niveau de la douane, au port et ils ont remonté l’itinéraire pour savoir la destination exacte puisqu’on peut sortir les véhicules et les envoyer ailleurs. Ils ont suivi les traces jusqu’au camp en vérifiant les bons de livraison. Il y a certains militaires à l’époque qui occupent de poste de ministre dans le gouvernement actuel. Après l’audit, le cabinet Ernest & Young a ressorti 22 millions Usd que l’État me devait.

De l’autre côté, la procédure judiciaire engagée contre moi, le tribunal a prononcé un non-lieu. Parce que l’accusation n’était pas fondée, il y avait les contrats de tous les matériels que j’ai fournis à l’Etat. Le contrat était signé par la même personne qui m’avait mis en prison.

Qu’est-ce qui vous liait au général Lansana Conté au point qu’il aille vous sortir de la prison ?

L’histoire est têtue. Je me suis connu avec le général Conté depuis 1970. A l’époque, il était le commandant de la zone militaire de Boké et il s’était confié  à mon père qui était un marabout comme l’était mon grand père.  Le camp était en face de notre maison, beaucoup de militaires logeaient chez nous. C’est à cette époque qu’on s’était lié d’amitié. Quand on s’est retrouvé en 1985 à Conakry après sa prise du pouvoir, il m’a dit que je connais ta famille et je me confie à toi. On s’est confié l’un et l’autre. Il avait promis que durant toute sa vie qu’il soit au pouvoir ou pas, rien ne va m’arriver de mal en Guinée.

Moi aussi, je lui ai promis que ma famille va toujours prier Dieu pour qu’il ne soit jamais honni. Voilà le pacte qui me liait au président Conté. Beaucoup de choses se sont passées, les évènements du 2 et 3 février, l’attaque d’Enco 5, mais il s’en était toujours sorti indemne. C’est pourquoi, aux dernières heures de sa vie, on montait et descendait ensemble. Il vient chez moi, on mange ensemble ou moi, chez lui. Parfois, on partait dans son champ à Bouramaya. Après tout ça, vous pensez qu’il allait me laisser en prison alors que j’étais accusé à tort.

Comment avait-il appris que vous étiez en prison ?

On m’avait mis en prison alors que le président Conté était dans son village à Bouramaya. C’est ce qui a fait que je suis resté 12 jours à la Maison centrale. Le jour où est rentré à Conakry, il est directement venu chez moi, ici, pour me saluer. Dès qu’il est arrivé, ma famille s’est mise à pleurer. Quand il a demandé ce qu’il y a, ils lui ont expliqué que je suis en prison. C’est ainsi qu’il a demandé à son chauffeur de le conduire directement à la Maison centrale pour me sortir de la prison.

Que s’était il passé après ?

Celui (Fodé Bangoura, Ndlr) qui m’avait mis en prison avait sauté par après. (…) Il y avait eu la grève pour dire qu’il faut que je me retourne en prison. Les événements ont évolué tel qu’on avait dit que le président était fatigué et qu’il fallait nommer un Premier ministre, chef du Gouvernement. Il y a 5 personnes dont les noms ont été cités, finalement c’est Lansana Kouyaté qui a été nommé.

Les événements de Janvier-février 2007 ont failli emporter le pouvoir de Conté. Qu’est-ce qui s’est réellement passé ?

Je vais te dire que la même personne qui m’avait mis en prison avait corrompu les juges, les procureurs, les juges d’instruction et le syndicat. Le monsieur m’a demandé de payer 1 milliards Gnf. Les gens sont intervenus pour dire qu’on ne doit pas faire ça à Sylla. De gens ont quitté dans son village pour lui demander d’arrêter, il n’a pas accepté. Il a dit que je dois payer 1 milliard pour qu’il sursoit à l’affaire, je lui avais dit que je ne paie pas ce que je ne dois pas. On s’était tiraillé longuement, finalement j’ai compris qu’il cherchait l’argent pour me combattre parce que je sais qui il est. Mes parents se sont impliqués et ont ordonné à ma société de payer le montant, je n’avais pas voulu payer, mais ils ont fait quand même pour que tout le monde soit en paix. On a retrouvé nulle part les traces de ce chèque. Il s’est servi de cet argent pour engager toutes les forces, syndicat, Société civile, dans la grève. Ils ont déclenché la grève, après tout le président est resté et on se fréquentait jusqu’à la fin.

Finalement, Hadja Raby Serah Diallo est devenue une grande amie à moi parce qu’elle a compris la réalité après. C’est une dame qui n’aime pas accuser de gens à tort.

A suivre…

 

Interview réalisée par Abdoul Malick Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel. (00224) 669 91 93 06

Créé le 10 janvier 2022 09:37

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