Mamadi Doumbouya « candidat » aux prochaines élections ? « On attend le bon moment pour l’annoncer », prévient Dr Édouard Zotomou

CONAKRY-Que cache le glissement annoncé du chronogramme de la Transition ? Pourquoi la nouvelle Constitution n’est toujours pas disponible ? Que comptent faire les forces vives pour « contraindre » les autorités de la transition à tenir parole ? Qu’exigent-elles du CNRD pour aller au dialogue ?

Dans un entretien accordé à Africaguinee.com, Dr Édouard Zotomou Kpogomou, l’un des vice-présidents de l’ANAD, coalition membre des Forces vives de Guinée, livre son analyse. Bien que le Général Mamadi Doumbouya ait promis de ne pas être candidat aux futures élections, l’ancien candidat recalé de la présidentielle de 2020 croit plutôt au contraire. Dr. Zotomou craint un scenario à la tchadienne. Entretien exclusif.

AFRICAGUINEE.COM : Comment appréciez-vous l’ultime appel lancé aux forces vives par le gouvernement de venir autour de la table du dialogue ?

DR. ÉDOUARD ZOTOMOU KPOGHOMOU : On l’impression parfois c’est comme si c’était un jeu d’enfants. Parce que, quand vous dites qu’on a tendu encore la main, alors que vous savez que, ce que vous avez mis en place, n’est pas ce qui est nécessaire, n’est pas ce qui est en fait exigé, c’est comme si on n’était pas en train de prendre au sérieux ce qui doit être fait. C’est comme si on ignorait en fait les problèmes qui existent et qui sont connus. Au niveau de l’ANAD (alliance nationale pour l’alternance et la démocratie), au niveau même des Forces Vives, nous connaissons tous le problème qui existe ici. Quand on demande qu’un cadre de dialogue réel et inclusif soit créé et qu’on nous dise qu’on nous attend à la table, si on devait aller à cette table, on serait parti depuis longtemps.

Au départ, nous avions pensé qu’il y avait quand-même une bonne dose de bonne foi. Mais si c’est pour aller répéter la même chose, nous pensons vraiment que c’est une perte de temps. Pourquoi ? Parce que, s’il y a la volonté politique, comme le Premier ministre l’avait dit, au lieu d’appeler les gens pour les convaincre à accepter un glissement de calendrier, je crois qu’on devrait justement les appeler pour dire, discutons d’un autre cadre de dialogue. Ce serait une autre donnée… On ne peut pas être en contradiction avec nous-mêmes.

Contre le glissement annoncé du chronogramme de la transition, vous avez rendu public une déclaration dénonçant une « velléité tacite » du Général Mamadi Doumbouya de s’éterniser au pouvoir. Pourquoi ?

Justement, c’est ce que nous dénonçons. La réalité, nous disons plus haut ce que les gens disent plus bas. Quand on veut parler de retour à l’ordre constitutionnel, depuis combien de temps nous parlons d’esquisse de constitution ? Ou alors de première mouture de constitution… Ça a été promis combien de fois ? Plus de 4 ou 5 fois. A date, on n’a toujours pas ça. Je dois vous dire, au niveau de la commission loi du CNT, il y a des conseillers qui ne sont pas informés qu’au niveau du CNT, il y a des travaux d’élaboration d’une constitution (…) Vous ne pouvez pas y croire. Cela veut dire que tout est fait, et la réalité c’est que, on veut simplement attendre le bon moment pour annoncer la candidature de Mamadi Doumbouya. Et, c’est ce que nous, nous entrevoyons, à l’image de ce qui se passe au Tchad. Une constitution, ce n’est pas un document secret. Voilà un texte qui va régir la vie de la nation. On n’a pas besoin de cacher un document comme ça aux guinéens, à plus forte raison aux partis politiques. Mais nous, nous gardons en vue l’objectif final qui est pour nous le retour à l’ordre constitutionnel.

On a perdu tout ce temps pour ne pas sortir une constitution après plus de deux ans et demi. Cela veut dire qu’on n’a pas la volonté vraiment de faire quoi que ce soit. Et, ce n’est pas à ce moment-là qu’on va nous imposer quelque chose d’autre. Nous avons déjà annoncé les couleurs. En ce qui concerne les forces vives, nous ne sommes pas prêts à accepter une seule seconde après le 31 décembre 2024. Nous l’avons dit.

Vous avez « menacé » de vous faire entendre tout en appelant vos militants à se tenir prêts au cas où le CNRD ne respecterait pas le véritable calendrier de la transition. Qu’est-ce que vous comptez réellement faire ?

Nous allons utiliser tous les moyens légaux pour nous opposer à cela.

Dans vos différentes sorties médiatiques, vous ne cessez de dire que le CNRD n’a jamais voulu organiser un dialogue « structuré ». Pourquoi ?

Dès le départ, qu’est-ce que nous avons demandé ? Ce ne sont pas des exigences. Pour pouvoir dialoguer, d’abord il faut établir un cadre de confiance. Au moment où nous demandions à ce que le cadre de dialogue soit mis en place, c’est en ce moment qu’on était en train de torpiller ces efforts.

Quand vous devez aller discuter, vous devez dialoguer. Ceux qui vont dialoguer sont persécutés ou emprisonnés, alors comment est-ce que vous et moi allons-nous asseoir autour d’une table, quand il n’y a pas de confiance ? Comment est-ce que moi je peux venir m’asseoir autour d’une table, discuter de quelque chose, peut-être que ça ne va pas vous plaire, mais au sortir de là, vous n’avez pas la garantie que vous allez rentrer chez vous, dans ces conditions, qu’est-ce que vous allez faire ? Vous avez toutes les raisons de ne pas y aller. C’est la première des choses.

La deuxième des choses, c’est que, quand vous dites que vous allez dialoguer, il y a un canevas. Le canevas est décrit dans la charte de la transition. Elle (la charte) de la transition dit clairement que pour pouvoir discuter de cette transition et de sa durée, ce sont les forces vives et le CNRD qui doivent se rencontrer. Vous laissez ça de côté et vous allez prendre un cadre de concertation, et vous trouvez des gens pour faire des tournées, juste des occasions pour sortir de l’argent, allez le dilapider alors que vous pouvez vous rencontrer sans tambour ni trompette. Si vous n’appliquez pas la charte, cela veut dire que vous-même, vous ne croyez pas à ce que vous avez mis dans la charte. Et cette charte, je dois l’ajouter, n’a pas été concoctée avec l’accord de toutes les formations politiques, non. Elle a été déjà faite au moment où on faisait semblant d’associer les formations politiques pour son élaboration.

La raison est simple, c’est parce que toutes les propositions qui avaient été faites par nous (partis politiques), aucun de ces éléments apportés ne s’est retrouvé dans la charte. Ensuite, nous sommes en train de dire que, il faut que l’on soit d’accord sur la configuration réelle de la transition. La transition, c’est une anomalie. Et cette anomalie, c’est pour pouvoir corriger tous les maux qu’ils (CNRD) avaient égrainés, et qui les ont poussés à prendre le pouvoir. Mais, on n’arrive pas à résoudre le problème simplement parce qu’on s’est départis de ces moyens. On a empiré ce que les gens faisaient et qu’on reprochait au professeur Alpha Condé.

A date, quels sont vos préalables non négociables pour vous « forces vives » ?

Ce qui est sûr, le glissement du calendrier, c’est quelque chose de non négociable pour les forces vives.

Il y a aussi l’organisation des élections. Il est exclu que l’organisation de ces élections-là soit confiée au ministère de l’Administration du Territoire et de la Décentralisation (MATD), parce qu’on sait que, c’est le prolongement du CNRD. Et dans ces conditions, ce qu’ils sont en train de cacher, c’est en ce moment que ça va sortir. Quand il y a un candidat qui sortira, si ce n’est pas le général Mamadi Doumbouya, lui-même, c’est quelqu’un qu’ils vont pistonner qui sera candidat.

Dans ces conditions, le MATD n’aura d’autre travail, il y a le principe de redevabilité de toute façon […] Ce qui fera en sorte que, ceux qu’ils vont pistonner seront forcément ceux-là que le ministère de l’Administration du Territoire va supporter. Regardez le Sénégal, ils ont un organe indépendant de gestion des élections. Ce n’est pas le ministère de l’Administration du territoire. C’est pourquoi nous avons dit que ce pays (Sénégal) est un cas d’école pour nous.

Le troisième élément, c’est au niveau de ce projet de constitution, parce qu’on ne peut pas parler de vote sans parler de constitution, sans qu’il y ait un fichier électoral. Et nous, nous avons dit étant donné le temps imparti, nous sommes maintenant pratiquement à huit mois de la fin de l’année et de la fin de la transition, nous avons dit qu’il y a des éléments, s’il y a la bonne volonté, qui sont en place.

On peut les utiliser, il suffit qu’on s’entende dessus. Jean Marie Doré avait organisé des élections en moins de 10 mois. Je crois que c’était pendant la transition de Sékouba Konaté. Il y a un fichier électoral. Il a été toiletté par l’OIF (organisation internationale de la francophonie). On a éjecté près de 2 500.000 votants fictifs. Ce fichier est là, il suffit de le mettre à jour, exclure ceux qui sont morts, et inclure les gens qui ont maintenant atteint l’âge de voter. Ceci est un travail qui peut se faire en moins de deux mois. Parallèlement, il y a la constitution de 2010. Nous avons dit qu’on n’a pas besoin de réinventer la roue. La constitution de 2010 avait été acceptée pratiquement par toutes les parties. Donc, il y a un consensus autour de cette constitution. Nous ne disons pas que c’est la meilleure des constitutions, mais c’est un excellent texte. On n’a pas besoin de réécrire la constitution. On peut l’amender.

Aux États-Unis, leur constitution existe depuis 1788. Ils ne l’ont jamais changée, mais ils ont apporté des amendements, peut-être une vingtaine… On peut faire la même chose.

Entretien réalisé par Dansa Camara

Pour Africaguinee.com

Créé le 12 avril 2024 10:01

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