Kindia : A la découverte de Kiria, village centenaire juché sur le mont Gangan…

KINDIA- Kiria est un secteur relevant du quartier Tafory Almamya dans la commune Urbaine de Kindia. Juché sur le mont Gangan, qui culmine à 1 117 mètres d’altitude, ce secteur est très spécial. Ses habitants vivent principalement de l’agriculture. Dans cette bourgade située dans une zone très enclavée, l’accès est très difficile. Le correspondant régional d’Africaguinee.com y a fait une immersion. Reportage exclusif.

Pour accéder Kiria, il faut arpenter à pied des sentiers tortueux qui au mont Gangan. Malgré leur proximité avec la commune Urbaine de Kindia et l’enclavement les habitants de la localité ne veulent guère abandonner la terre de leurs ancêtres. Pourtant, pour arriver à Kira, il faut s’armer de courage. Les citoyens demandent aux autorités de réaliser des ouvrages de franchissement leur permettant de bien mener leurs activités agricoles et commerciales. Dans notre périple pour accéder à ces localités qui surplombent la ville de Kindia, nous nous sommes fait accompagner par Aboubacar Sylla, notre guide.

Kiria attire la convoitise de nombreux touristes notamment les étrangers. A cause de son climat calme et doux, des élèves font également des excursions pendant des périodes bien choisies pour les jeux interclasses et autres activités récréatives organisées à la fin de chaque année.

Au cours de notre chemin nous rencontrons « Lesley from USA’’, une expatriée blanche. Elle est venue faire du tourisme dans cet endroit. Avec elle, nous formons une équipe à trois pour faire l’aventure ensemble sur le mont Gangan, qui est par ailleurs un site touristique hors pair.

Situé à quelques 7km de la ville de Kania, le mont Gangan surplombe la ville Kindia. Pour pouvoir accéder aux villages se trouvant sur cette montagne, il y a plusieurs voies à suivre. Sous les pieds du mont, il y a  un arbre traditionnel qu’on appelle « Ganganyi » qui aurait des vertus médicales. Le nom du mont ‘’Gangan’’ serait venu de cette appellation. Le mont Gangan, qui culmine à 1 117 mètres d’altitude, est l’un des points culminants du côté atlantique de la Guinée maritime.

Selon le moteur site de recherche Wikipédia, le mont Gangan a été le théâtre, à plusieurs reprises, d’événements dramatiques. En 2002, d’importants charniers ont été découverts au pied de la montagne : plusieurs centaines de personnes, dont des militaires, y étaient ensevelies, vraisemblablement exécutées à l’époque du régime de Sékou Touré, peut-être en 1985.

Pour accéder dans les villages qui abritent le mont il faut au moins 1h 30 mn de marche. Les voies sont caillouteuses avec des roches qui peuvent s’affaisser à tout moment. A Kiria, il n’y a pas d’infrastructures de base depuis que la localité a été fondée. La bourgade n’a connu qu’un seul projet de forage qui se trouve de nos jours dans un état de vétusté avancé. Pire, il n’y a pas d’école ni de dispensaire. Ici, la population est estimée à plus de 450 habitants dont la couche juvénile est la plus dominante.

Mamadou Soumah, un des sages et Chef secteur de cette localité, explique les difficultés qu’ils vivent. « Ici c’est Kiria mont Gangan. Notre premier souci, c’est comment surmonter cette montagne parce qu’il n´y’a pas de route. Toutes les petites infrastructures qui sont ici, c’est nous qui les avons mises en place et parfois certains étrangers qui nous viennent en aide. Sinon nous transportons tout sur la tête, du village pour la ville et de la ville pour le village. Alors transporter les colis sur la tête ne donne pas longue vie à quelqu’un, au contraire, ça l’use. Nous n’avons pas de centre de santé, ni d´écoles, pas d´eau potable, pas de mosquée digne de nom. S´il y avait les moyens, c’est une seule mosquée qu’on allait construire et tous les autres villages environnants allaient nous rejoindre pour prier ici », explique notre interlocuteur.

L’unique forage qu’on trouve dans la localité a été construit grâce au projet d’appui à la mise en œuvre des initiatives d’économie verte d’Enabel et éclosio à travers Guinée44. De nos jours, cet ouvrage ne donne pas une eau consommable aux populations. Un problème qui s’explique par le fait que l’embouchure de l’eau est parfois contaminée par la rouille sous forme de calcium de fer qui sort dans le robinet.

« C’est Guinée44 qui nous a fait un coup de main en nous construisant une pompe mais ça fait longtemps. Il n’y a pas de maintenance, le caoutchouc qui est à terre est faible maintenant, il ne peut plus jouer son rôle, l’eau qui sort est inconsommable parfois, mais nous sommes obligés de la boire car il n’y a pas d’autre. Il arrive des jours où l’eau qui sort du forage est mélangée avec de la rouille, les femmes n´osent pas la toucher parce qu´en voyant cette eau on a l´impression que c’est du sang. Mais c’est l’unique forage qu’on a, aucune autorité n’est venue ici à ma connaissance pour réaliser autre infrastructure. Pourtant, à chaque élection nous votons parce nous nous pensons que si quelqu’un est élu c´est le président de tout le monde », explique M. Soumah. 

La vie à Kiria…

Karamoko Moussa Sylla, le 1er imam de l’une des quatre mosquées (Missidè) de Kiria explique comment était la vie d’avant et les difficultés du moment à Kiria :

« Nous sommes très contents de votre visite. Nous prions Dieu qu’il vous bénisse et nous accompagne tous. Nous sommes confrontés à beaucoup de difficultés dans notre localité. L’eau, la denrée vitale à l’existence de tout être vivant est un problème ici. Avoir de la nourriture est une autre difficulté. Avant, on vivait de la culture de banane, une activité qu’on faisait à l’alentour de la montagne, il y avait des plantations de banane qui étaient là. On vivait de ça et d’autres cultures de la terre qu’on réalisait pendant la saison pluvieuse. C’est ce qui nous permettait de nourrir nos familles. Après la récolte de bananes, nous les transportions sur la tête jusqu´en ville pour aller revendre. Travailler la terre et faire la plantation de bananes, c’était notre quotidien. Ici, nous ne pouvons pas faire l’élevage parce que notre localité ne nous le permet pas.

Nous n’avons jamais assisté à une catastrophe naturelle depuis la création de ces villages et nous prions Allah qu´il nous en garde. Nous ne craignons de rien. C’est ici le centre. Galéya, Fôfômèrè, Bonguiya, Yembédakha, Waliya toutes ces localités se trouvent sur cette montagne. Dans toutes ces localités c’est l’harmonie qui règne entre nous », explique l’imam.

De la fondation de Kiria

Et pour la petite histoire, Kiria est le nom supplétif de Bèfan Kiri, le fondateur de cette localité. Cela fait plus de 200 ans environs depuis qu’elle existe, selon un des sages de la localité. « Ceux qui ont découvert cette localité étaient des chasseurs. Mais c’est Bèfan Kiri qui a retrouvé la partie là, il s’y installa. Il avait un ami chasseur, ils ont continué à conquérir jusqu’à retrouver Galéya qui prendra finalement le nom de son ami Manga Galé, il a offert sa petite sœur à ce dernier. Après le mariage, il a donné à ce dernier un domaine cultivable dans la localité appelée Sifakha. Cette famille est restée là-bas. Après le passage de ces derniers, le nommé Fodé Mandjou est venu à sa place qui d´ailleurs est décédé après la deuxième guerre mondiale. L’installation d’une communauté dans une localité commence d’abord par un point d’eau », relate imam Karamoko Moussa Sylla.

La crainte d’un déguerpissement

Cette contrée n’a jamais connu un engin roulant depuis sa création. Tout se fait à la main ou la tête. Mais avec les efforts fournis par certains habitants, des maisons commencent à pousser de terre sous les pieds du mont, notamment dans le quartier Tafory Almamya en bas de la montagne. Mais avec la récupération des domaines spoliés de l’État, le déguerpissement a touché ces maisons. Les populations vivent dans l’inquiétude comme nous l’explique notre interlocuteur :

« Nous craignons un déguerpissement du côté de la Bibane là où nos parents ont construit. Parce que le gouvernement a récupéré pour en faire à un camp militaire. Nous demandons aux autorités de nous laisser là-bas parce que nous n’avons pas où aller, c’est là-bas que nous connaissons. Et, la force qu´on avait quand on venait s’installer ici, nous n´avons plus la même force, parce qu’au moment où nous construisions ces maisons à la Bibane, on avait ces plantations de bananes. Je pouvais faire une coupe de sept fruits de bananes pour aller revendre, en ce moment, le prix n´était pas comme ça et il faut transporter sur la tête. Mais même avec ça il faut une concentration pour pouvoir construire une maison pour le futur des enfants.

Maintenant, si par la force on vient te retirer là-bas, c’est quelque chose d’inquiétant pour toi et tes enfants car tu risques d’être un sans-abri. Et si cela arrivait, on ne le souhaite pas, c’est ta vie toute entière qui est détruite, c’est comme si ta venue sur terre n’a servi à rien. Cet endroit a été fondé par nos parents, si on se fait déguerpir là-bas et qu´on nous oblige à retourner encore ici, dans la brousse sur la montagne, ce serait vraiment le retour à la vie difficile, bref à la case départ. C’est pourquoi nous demandons au gouvernement de nous laisser là-bas pour qu’on puisse venir sur la montagne pour juste cultiver et avoir quoi mettre sous la dent », lance un des sages de la localité.

Des initiatives sans soutien

Fatou Camara est la représentante des femmes dans le secteur Kiria. Elle aussi énumère quelques difficultés que la gent féminine fait face dans cette localité : « Vous avez-vous-mêmes fait le constat, nous avons un problème de route, c’est une grande difficulté. Ici, si une femme est enceinte et que son état est avancé nous craignons car si elle ne parvient pas à accoucher sur place, nous sommes tenues obliger de la mettre dans un filet et la faire descendre de la montagne avec prudence pour un centre hospitalier. Cela se fait avec le soutien de nos jeunes. Mais c’est très difficile et la femme, avant d’arriver là-bas aussi il faut craindre le pire. Tout cela à cause du manque de route », explique cette dame.

En période de la saison sèche, le problème d’eau est un véritable casse-tête pour les femmes. « Nous voulons travailler comme les autres dans les bas-fonds mais il y’a pas d´eau. Nos enfants, s’il faut les scolariser, il faut attendre qu’ils aient un âge supplémentaire aux autres qui se trouvent en ville et dans ces conditions, ils ont parfois honte d´être parmi leurs camarades, ce qui fait que certains abandonnent l’école. Il y a également le phénomène d’insécurité car parfois nous sommes victimes d’attaques des bandits sur la route. Avec la vente de bois que nous faisons, nous réalisons des gains de 10 000 Gnf pour pouvoir s’en sortir », témoigne cette mère de famille. 

La route, un besoin primordial

Pour Ibrahima Sory Camara, président de la jeunesse de Kiria, leur localité a besoin de beaucoup de choses, mais la principale préoccupation c’est d’abord la route pour son désenclavement :

« Nous avons commencé les activités de la route avec des moyens rudimentaires mais par manque de soutiens nous avons arrêté. Nous n’avons pas voulu marcher sur les traces de nos parents qui ont tant souffert par manque de route mais hélas, nous ne pouvons pas avec les maigres moyens de bord dont nous disposons. Jusqu’à l’année dernière nous étions là-dessus, mais on a momentanément arrêté.  Nous n’avons pas d’école alors que plus de cent enfants ont atteint l’âge d’être scolarisés ici », déplore le premier responsable des jeunes de Kiria.

Les citoyens se disent aussi victimes d’attaques dans la brousse par des bandits. C’est une autre inquiétude pour eux.

« Nous interpellons le gouvernement. Nos enfants quittent ici pour aller étudier jusqu’en bas de la montagne sous le soleil. Donc nous voulons une école chez nous. Aussi, nous n´avons pas un lieu où la jeunesse peut se retrouver. En ce qui concerne l’eau potable, vous avez vu la source d’eau, c’est grâce au concours de la jeunesse et l’appui des femmes nous nous sommes fixés des cautions pour acheter des sacs de ciment et faire cette partie notre adduction d´eau, parce que si tu entends l´humain c’est l’eau. Ici, notre survie était la plantation de bananes mais une maladie inconnue de nous est venue ravager toutes ces plantations et nous avons cherché à la connaître en vain. Nous voulons toujours reprendre cette activité. Si nous ne gagnons pas les forages mais qu’on nous aide à avoir les tuyaux pour nous tourner vers les bas-fonds. Le problème de route, avec le concours du gouvernement nous pensons à le faire. Chaque jour nous recevons les visiteurs surtout des élèves », ajoute Ibrahima Sory Camara.

Sur le chemin de retour, nous avons tenté de faire connaissance de la route que les habitants sollicitent pour la construction.  Mais en découvrant cette piste, notre espoir s’est envolé.  Le seul moyen que l´on peut imaginer pour le moment, c’est d’aider les citoyens de cette localité à pouvoir reprendre la culture de la banane, une activité qui leur permettait de mieux vivre.

Reportage réalisé par Chérif Keita

De retour sur le mont Gangan

Pour Africaguinee.com

Créé le 20 mars 2024 11:55

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