Guirassy ouvre son cœur à Africaguinee : « La Guinée a besoin de paix, il faut amorcer le dialogue… »

Lamine Guirassy

CONAKRY-Lamine Guirassy ne fait dans la langue de bois. Le PDG du Groupe Hadafo Media vient de lancer un message aux acteurs politiques guinéens alors que l'élection présidentielle du 18 octobre suscite des inquiétudes. Dans cette interview, Lamine Guirassy parle également de la nouvelle rentrée d'Espace, de nouveaux défis mais aussi des démissions que son groupe a enregistré ces derniers temps. Avec lui, il a aussi été question de la Haute Autorité de la Communication (HAC) qui vient d'être installée avec à sa tête Boubacar Yacine Diallo. Interview.  

AFRICAGUINEE.COM : Vous allez reprendre du service dans quelques heures. Pour entamer dites-nous comment les vacances se sont-elles déroulées chez Lamine Guirassy ?

LAMINE GUIRASSY : Les vacances se sont très bien passées, j’étais là tout le mois de juillet, c’est seulement en août que je suis parti voir les enfants, la famille à Paris. Après je suis rentré. Dans l’ensemble ça s’est très bien passé.

Au-delà de la famille, qu'avez-vous fait pour préparer la nouvelle rentrée ?

On s’est dit que cette année c’est une année charnière. C'est une année électorale, les auditeurs et les téléspectateurs attendent beaucoup de Hadafo Média. On s’est dit qu’il fallait vraiment faire en sorte que nous puissions répondre à leurs attentes. Beaucoup de choses étaient un tout petit peu en suspend chez nous. La radio s’est démarquée dès le premier signal d’Espace, on s’est dit qu’il fallait revenir avec une émission qu’on avait dans les archives ici qu’on appelait ‘’Condé et Compagnie’’ à l’époque qui était présenté par monsieur Yéro Condé paix à son âme. Avec Ahmed Kourouma, ça fait deux ans qu’il voulait rejoindre l’équipe d’Espace et ça s’est concrétisé cette année. Bonus on s’est dit qu’il allait être aussi dans les ‘’Grandes Gueules’’ avec toujours cette idée de penser à une année électorale. On s’est dit pourquoi ne pas voir ceux qui, à mon sens connaissent un tout petit peu la politique guinéenne. Nous avons pensé à Thiagu’el qui a émis le souhait de rejoindre l’équipe. Il sera là avec une chronique qui va être à l’antenne dans la matinale.

Dans l’ensemble, politiquement parlant c’est ce que nous avons préparé comme nouveauté sinon les éditions culturelles comme à l’accoutumée seront toujours à l’antenne. Il y a l’extension aussi de la radio à l’intérieur du pays, je pense que c’était important pour nous quand on donne des délais qu’on les respecte avec le lancement d’Espace. Pour cette rentrée, voilà, c’est un peu ça.

Dans le cadre de cette politique d'extension, vous nous annonciez récemment le lancement d'une antenne à Dakar. Où en est-on ?

Ça avance, nous on a fait la demande. On nous a prévenus que le dossier a été accepté. Donc on attend jusqu’à présent la fréquence. Si tout va bien normalement, en novembre on va partir à Dakar. Il reste de finaliser un certain nombre de choses. On ne peut pas aller plus vite que la musique. La particularité de cette antenne du côté de Dakar, c’est surtout que ce n’est pas la Radio Espace Guinée mais plutôt la Radio Espace Sénégal. Pour nous c’est important. Je pense que le savoir-faire que nous avons essayé de faire en Guinée, on va exporter ça dans le contient. Pour moi, c’est la plus grande fierté qu’on peut avoir.

C’est aussi un autre défi…

C’est clair !  Nous partons sur un terrain où il y a beaucoup de médias déjà. Qu’est-ce qui va différencier radio Espace Sénégal avec ceux qui sont déjà sur place, je sais que la langue nationale est beaucoup plus prisée sur les ondes du côté du Sénégal. Quand on part sur le continent il y a beaucoup de nos compatriotes qui vivent du côté de Dakar. Pour nous, on ne peut pas rester indifférent, laisser cette communauté sans avoir une antenne Espace du côté du Sénégal.

Où en êtes-vous avec la construction de votre nouveau siège à Conakry ?

Ça a avancé. Aujourd’hui on a terminé la partie studio de l’immeuble parce que c’est deux immeubles. Un immeuble à 7 étages et l’autre à deux étages, les deux étages c’est terminé complétement. Nous allons y mettre tous nos studios Espace radio, Espace TV, Kalac Radio, Kalac TV. Je pense qu’on ne peut pas bâtir tout ça et rester encore dans des maisons de location. Je rappelle à l’intérieur du pays qu’à part Labé d’ailleurs aussi où nous construisons, tous nos médias sont dans leurs propres installations. Pour nous c’est important.

Cette rentrée intervient dans un contexte où vous avez enregistré beaucoup de départs ces dernières semaines. Comment est-ce que vous allez combler ces vides ?

Il n’y a pas de vide. Les ‘’Grandes Gueules’’ c’est d’abord une équipe, c’est plus de dix personnes et chaque chroniqueur est doublé. On était déjà préparé par le départ d’Aboubacar Diallo parce qu’il a formulé sa demande de partir en décembre 2019. Comme je l’ai dit il fallait attendre à ce que la presse puisse être chamboulée cette année. Surtout je parle de la presse indépendante. Et Espace étant dans la ligne de mire un tout petit peu des gouvernants, évidement il fallait pourquoi pas venir faire un peu le marché ici. Donc on était préparé. Ce qui fait que tout de suite, on a réorganisé l’équipe pour démarrer dès lundi. Ça va dépendre évidement de la performance de ce que les auditeurs et les téléspectateurs vont entendre. Il y a d’autres qui étaient là avant, il y a Ahmed Camara qui était là, il y a Bantanco qui était là, il y a Abdourahmane Diallo qui était là. Donc je pense qu’il ne faut pas se focaliser sur l’individualité.

Comme je l’ai dit les ‘’Grandes Gueules’’ c’est une équipe, c’est la 13ème saison à Hadafo Média. Moi je prends tout ça avec beaucoup de philosophie parce que je pense que c’est des gens qui ont apporté ce qu’ils pouvaient apporter à cette émission et aussi à la boite. Je l’ai toujours dit et je les remercie d’ailleurs de passage pour tout ce qu’ils ont apporté à cette boite. D’autres partent, d’autres reviennent. Ça serait trop tôt de dire que la saison n’a pas été une bonne saison. Donc on démarre une nouvelle saison avec une nouvelle dynamique Dieu seul sait qu’on en a besoin. Le plus important, comme on le fait souvent à Hadafo Média, c’est de se remettre en question et je pense que c’est très important. Donc de ce fait, le plus important c’est de se préparer conséquemment et voir dans quel contexte on peut tenir encore le cap pour les années à venir.

Dans votre intervention vous avez dit que Hadafo Média était dans la ligne de mire du pouvoir. Dites-nous comment ?

Ça ce n’est pas un secret pour quelqu’un. Il vous souviendra que nous avons eu pas mal de soucis à un moment donné avec le gouvernement, moi je me souviens qu’on a fermé Espace pendant 10 jours, on n’a pas trop compris qu’est-ce qui s’est passé et pourquoi ? Et après pourquoi on est dans la ligne mire ? C'est parce que c’est une radio indépendante, ce n’est pas une radio qui est contrôlée par le pouvoir. Donc il faut s’attendre à ce que qu’on puisse éventuellement voir dans quel contexte, je ne vais dire déstabiliser, mais c’est tout comme. Plusieurs moyens existent pour essayer de mettre un tout petit peu des personnes en échec. Mais le plus important comme je le dis tantôt quand on est préparé on résiste. Je l'ai toujours dit, je ne suis pas un patron, je suis un ouvrier. Donc nous existons en Guinée depuis 13 ans, nous sommes là tous les jours à 4h du matin, on ferme plus tard à 23h. Donc de ce fait je me dis, c’est une belle leçon de la vie en même temps c’est une remise en question.

Comment expliquez-vous cette vague de départ ?

C’est parce qu'il y a la création de nouveaux médias. Il y a des médias qui vont arriver. Après le reste comment je peux expliquer ? Je n’ai pas des explications à vous donner si ce n'est que les personnes qui sont parties peuvent nous donner des explications sur le pourquoi. Qu’est-ce qui a motivé leur décision ? Moi je ne peux pas parler à leur place.

Il y a eu des fuites comme quoi il y aurait un malaise ou que certains n’étaient pas bien payé…

Je pense que vous devriez vous rapprocher de ces personnes-là pour leur poser des questions et savoir ce qu’il en ait. Comme vous dites qu’il y a eu des fuites, qu’il y a eu un malaise, quel malaise ? Espace c'est quand même plus de 100 personnes. Tout ce que je vous dis et tout ce qui est en train de se passer était bien millimétré depuis peut-être 2018. Ça ne fait pas plaisir de perdre des journalistes, je pense qu’il faut rester dans la droite ligne à se dire qu'on on travaille, c’est d’abord la passion qui nous motive. Si ces gens-là sont restés jusqu’à 8 ans dans la boite, je parle d’Aboubacar évidemment. Maintenant qu'ils ont souhaité de partir, tout ce que je peux leur souhaiter c’est bonne chance et que si je peux être utile à distance pour ces collaborateurs-là je serais toujours là.

Comment voyez-vous l'arrivée de Djoma qui recrute à tout de champ surtout des anciens journalistes de votre groupe ?

Je pense que les gens font des comparaisons stériles, Espace c’est quand même 2007-2020 ce n’est pas quatorze jours, c’est beaucoup d'années de travail. Cette radio aujourd’hui, c'est dans la tête et le cœur des guinéens. Comment on perçoit tout ça ? On se dit c’est la complémentarité. Il y a des choses que nous ne faisons pas, il y a d’autres médias qui font cela. Le reste on démarre une saison je pense que ça serait très trop tôt de faire un commentaire dessus. Mais quand média nait, c’est le premier qu’on vise. Donc pour nous, ce n’est pas une première qu’Espace soit visé directement en disant qu'on veut sa place, c’est tout à fait normal, c’est une compétition. A la fin on verra, on fera un sondage pour classer les médias les plus écoutés en Guinée et les médias dont les guinéens ont plus confiance. Donc, pour moi c’est trop tôt. On démarre une saison le lundi et on verra la suite.

Comment voyez-vous l’arrivée d'ABoubacar Yacine Diallo à la tête de HAC ?

Pour moi c’est un espoir. Yacine c’est quand même un grand professionnel, plus de 40 ans dans le milieu je pense qu’on doit être fier parce que quand il échoue c'est toute la corporation qui échoue. Donc si on peut l’aider à mettre de l’ordre dans notre milieu ça serait super intéressant. Les craintes c'est qu’avant le Président était élu du côté de la HAC là il est nommé. C’est peut-être là-bas où on peut se poser des questions, mais encore une fois pour moi Boubacar Yacine, c’est un monsieur que je respecte énormément. Pour moi lorsque j’ai appris qu’il est le nouveau patron de la HAC, je me suis dit enfin !

C’est dire que l’espoir est permis. Donc ce serait très tôt pour moi de me prononcer de ce qui peut advenir demain ou pour dire que peut-être les médias vont être muselés. Mais le point qu’il faut souligner, c’est de dire ok. Il y a des nouveaux arrivés dans notre milieu. Quand les politiques se mêlent dans ce que nous faisons, ça devient très complexe parce que c’est la division, parce que c’est l’argent qui coule à flot et c’est là-bas où ça devient un peu compliqué. Moi c’est un peu mon inquiétude. Mais encore une fois, je pense que c’est le professionnalisme qui va primer. A la fin du compte, que le meilleur gagne.

Est-ce qu’il est dans un environnement favorable qui lui permettrait vraiment de régulariser les choses au sein de notre milieu ?

Je suis quelqu’un qui est positif, je pense qu’il faut garder espoir. La HAC, une fois de plus, le président Yacine a pris fonction il n’y a pas même pas un mois. Donc pour moi c’est prématuré de me prononcer sur ce qu’on peut avoir comme appréhension, je ne fonctionne pas comme ça. Je pense qu’il faut donner la chance à cette HAC de faire ses preuves. Pour moi c’est trop tôt de trier la sonnette d'alarmes.

Le président Alpha Condé a déposé sa candidature pour un 3ème mandat et la participation de Cellou fait beaucoup de débat. Comment vous appréhendez cette actualité ?

C’est trop politique. Moi je dirais que la Guinée a besoin de paix. La grosse question qu’il faille être posée c’est de savoir est-ce que la date de 18 est tenable ? Je pense que non. Il faut amorcer le dialogue, j’apprends que l’UFR ne va pas participer à ces élections, hier j’entendais que le PEDN aussi n’y va pas. Pourtant c’est des guinéens. S’ils n'y vont pas, c’est parce que tout n’est pas clair. Maintenant est-ce dans ces conditions-là, il y a la possibilité de tenir des élections sans les ténors ? C’est l’autre grosse question qu’il faille se poser.

Je comprends que le Président Cellou soit dans un dilemme avec ce qui se passe, si déjà les autres n’y vont pas est-ce qu’il faut prendre le risque de participer à ces élections. Je ne suis pas un marabout mais pourquoi pas entrevoir un tout petit peu le dialogue pour voir comment est-ce que les chose peuvent rentrer dans l’ordre. Parce que le pays n’a pas besoin d’instabilité, on voit ce qui se passe du côté de la Côte d’Ivoire, nos voisins du Libéria et de la Sierra Léone, c’est des pays qui ont connu la guerre qu’on n’a jamais connu. C’est vrai ça donne à réfléchir. Raison pour laquelle d’ailleurs nous, on a pensé cette saison de faire focus sur cette année électorale parce que nous les médias, la population a besoin de nous pour donner les vraies informations. Parce que c’est une année aussi des fake news et il faut faire très attention.

Beaucoup de jeunes guinéens vous prennent comme un modèle. Un message à leur endroit ?

Le message, c’est de leur dire de rester eux-mêmes. Tout fini par finir, je parle en connaissance de cause. Parce que c'est une année assez complexe. Donc beaucoup de manipulations. Je pense qu’il faut avoir une conviction parce que c’est ça aussi le jeu des politiques : nous mélanger pour essayer de tirer l’essentiel. Je pense qu’il faut être très intelligent et de se ressaisir parce que nous n’avons qu’une Guinée. Nous n’avons qu’un seul pays et si on se réfère à tous ces ténors, je parle de ces politiques, ils ont tous plus de 60 ans aujourd’hui. Donc moi j’ai mes 43 ans, je me dis encore on a peut-être plus de temps à vivre que ces papas. Donc c’est de se ressaisir et surtout prendre la nation comme notre bien commun.

Votre dernier message…

Le dernier message s’adresse à nos téléspectateurs et nos auditeurs. C’est de leur dire de continuer à nous suivre. Je pense qu’il y eu plusieurs médias en terre guinéenne. Depuis 13 ans maintenant, on a toujours prôné la diversité, à être du côté des plus faibles et que de ce fait nous entamons une nouvelle saison, nous allons faire ce qui est de notre pouvoir pour leur donner satisfaction et surtout ne pas les décevoir. Parce que pour nous, l’ADN d’Espace c’est les vrais gens. Je pense que les vrais gens on ne doit pas les décevoir, on ne peut pas les abandonner et on va continuer dans cette dynamique-là. Et grand merci à vous, à vos lecteurs et tous à ceux qui suivent Africaguinee.com.

Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Créé le 7 septembre 2020 10:02

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