Femme modèle : Le parcours inspirant de Marie Claire Tolno… « chauffeur »

Marie Claire Tolno

N’ZÉRÉKORÉ- Mère de deux enfants (tous à l’université), Marie Claire Tolno exerce le métier de chauffeur à Nzérékoré. C’est l’unique, sinon l’une des rares femmes chauffeur dans la région forestière. Son courage, sa persévérance forcent l’admiration. Aujourd’hui elle est employée de l'Unicef (fonds des nations-unies pour l’enfance). Africaguinee.com l’a rencontré. Elle retrace son parcours et livre un message aux filles.

AFRICAGUINEE.COM : C’est rare de voir une femme chauffeur.  Pourquoi avoir choisi ce métier ?

MARIE CLAIRE TOLNO : J'ai fait l'école primaire à Kissidougou dans les années « 77-78 ». En 1982, j'ai été admise pour le collège. J'ai étudié jusqu'au bac. J'ai échoué une fois. Entretemps, j'ai vu un appel d'offre pour un recrutement de mécaniciens. Déjà en 11ème année (en 1990), j'étais déjà fiancée. Et en 12ème année, je suis entrée en couple. Donc, quand j'ai vu l'offre, j'en ai parlé à mon mari qui m'a dit qu'il ne trouvait pas d’objection. L'appel d'offre avait été lancé par Supertramp. A l'époque c'était une école française. Le centre de formation était à Conakry dans le quartier Hamdallaye. Donc, j'ai fait le test. J’ai été admise. C’est comme ça que j’ai commencé les études de mécanique. 

N'avez-vous pas été victime de moqueries à vos débuts ?

Si, les gens se moquaient de moi. A l’époque, tout le monde voulait aller à l'université. Même mes petits frères me disaient : moi je ne peux pas étudier jusqu’en terminale et puis aller faire la mécanique. Mais je dois dire que mon mari m'avait beaucoup encouragé. Quand il partait à l'université Gamal, il m'accompagnait à l'école. C'est mon mari qui m'a beaucoup encouragé puisqu'il avait connu d’autres pays où il a vu des femmes qui conduisaient. Il m’a soutenu. Vu que mon physique aussi me permettait, à l'école je jouais au football depuis mon enfance, tout ça a concouru à me faciliter les choses. Même dans ma petite enfance, je ramassais des petites boîtes que je découpais pour faire des autos. Donc, le rêve a commencé depuis mon enfance. C'est comme ça, j'ai fait 4 ans de formation.

Étiez-vous la seule femme dans ce centre de formation ?

Quand je suis allée pour la formation, je n'étais pas là seule femme. J'ai trouvé Fanta et Mao mais je ne sais pas ce qu’elles sont devenues. Ça fait très longtemps. Seulement, je suis en contact avec mes frères qui sont très contents de moi. Puisqu'il y a beaucoup de femmes qui sont passées dans le centre, mais aucune n'a persévéré ou a atteint mon niveau. 

Aviez-vous travaillé pour d'autres institutions avant que vous ne soyez à l’Unicef ?

J'ai eu chance de commencer à conduire pour des ONG, puis pour des institutions comme le HCR (en 2005). Après le HCR, j'ai continué avec une autre organisation où j'étais chauffeur et mécanicienne aussi. Après je me suis rendue à Conakry où j'ai postulé dans une autre ONG qu'on appelait CCF. J'ai travaillé là-bas pendant un moment. Depuis 2009, je travaille à l'UNICEF.

Quelles sont les difficultés que vous avez rencontré dans l'exercice de ce métier ?

Dans tous les métiers, il y a des difficultés. Il faut faire avec, il faut se battre. Tu ne vas pas dire : je suis une femme au milieu des hommes, je dois être épargnée des difficultés. Il faut se battre. Mais aujourd'hui quand même je dis Dieu merci. Parce qu'il y a tant de femmes qui m'ont vu conduire, qui sont venues vers moi, auxquelles j'ai appris à conduire. Certaines font aussi la mécanique. Parce que conduire seulement n'est pas un métier. Normalement, il faut faire la mécanique. Tout le monde peut conduire, mais le vrai problème c'est la mécanique. Et même dans les institutions actuellement, pour demander un chauffeur, il faut savoir lire, écrire, et savoir faire la mécanique. 

Comment conciliez-vous votre vie de couple avec un tel travail qui requiert assez de déplacements ?

Vous savez, chaque homme a ses principes. Mon mari a accepté, donc je n'ai pas eu de problèmes, même dans l'éducation des enfants. J'ai deux enfants qui sont tous grands et qui sont déjà à l'université. J'ai aussi des enfants adoptifs qui vivent avec moi. Les enfants de mes frères et sœurs qui étudient avec moi. Mais avec leur éducation, ça va, bien que je voyage beaucoup. 

Comment vous vous sentez aujourd'hui avec ce métier ?

Je suis aujourd'hui très fière. Parce que toute personne qui me voit dans le véhicule, me complimente. Généralement, même avec mes amis, mes collègues, j'ai le soutien de tout le monde. 

Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans l'exercice de votre métier ?

Dans ce métier, ce sont les enfants qui m'ont beaucoup marqué. Quand je pars dans des communautés et que je gare le véhicule, je vois des enfants qui viennent vers moi. Il y'en a qui viennent me dire :  Tantie Marie, il faut nous apprendre à conduire. Quand ils voient l'état du véhicule garé, pour eux, moi femme, je ne peux pas faire bouger ce véhicule. Donc, quand je vois des enfants comme ça, ça m'encourage de plus à apprendre encore et à partager. 

De nos jours, vous êtes une référence pour plusieurs jeunes filles à N’Zérékoré. Quel message avez-vous à l'endroit de toutes ces filles qui vous admirent ?

Quand j'étais venue ici, je ne voyais pas de femmes qui conduisaient. Mais après une année, deux années, il y a des filles qui venaient vers moi. Il y'avait des femmes qui me demandaient de leur apprendre la conduite.

Le conseil que je donne aux femmes par rapport au métier surtout la mécanique, il faut que la femme elle-même sachent que le métier que je fais là, me plaît. Il faut avoir juste l'amour de ce que tu fais. On est dans un milieu dominé par des hommes. Donc si tu n'es pas concentrée, tu ne peux pas avancer. La mécanique est très bonne pour la femme. Ça te donne la force et tout. Il ne faut pas toujours dire qu'il faut faire un travail de bureau. Il faut que les filles prennent le courage. Il ne s'agit pas simplement d'aller à l'université.

Moi par exemple même si tu me dis aujourd'hui de rester au bureau, je ne peux pas. Parce que je veux travailler avec la communauté, être en contact avec elle. Il n'y a rien de mystère dans la mécanique ou dans la conduite. Donc, mon message envers les femmes, elles peuvent faire ce que les hommes font. Mais tout métier, c'est l'école d'abord. Si tout le monde a la chance de partir à l'école, c'est facile d'apprendre un métier. Même pour préparer, il faut aller à l'école. 

Interview réalisée par Paul Foromo SAKOUVOGUI

Correspondant régional d'Africaguinee.com 

A Nzérékoré.

Tél : (00224) 628 80 17 43

Créé le 4 mars 2022 15:09

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