Des pieds du mont Loura aux Marines américaines : Le parcours inspirant du Sergent Daouda Diallo…

ETATS-UNIS- Sergent Daouda Diallo est cet autre jeune guinéen armé de courage qui rayonne à l’étranger. Natif de Mali une préfecture de la Moyenne Guinée, Daouda Diallo y a passé une partie de sa vie avant de rallier Conakry, la capitale pour continuer ses études. Diplômé en Histoire et Relations Internationales à l’université de Conakry, Daouda Diallo est un passionné par le métier de journalisme. Il rejoint le groupe « Hadafo Médias » en intégrant la radio « Sweet Fm » d’abord avant de devenir par la suite Journaliste Reporter d’images à Espace TV jusqu’en 2014, l’année à laquelle il a voyagé pour les Etats-Unis d’Amérique. Au pays de l’oncle Sam, Daouda Diallo ambitionne d’intégrer les forces armées américaines dans sa branche Mixte des Marines en 2017. En presque 5 ans seulement, il atteint le grade de Sergent. Aujourd’hui marié et père de deux enfants, il partage son parcours avec Africaguinee.com. Loin des yeux mais près du cœur, Daouda qui a déjà sa nationalité américaine reste nostalgique de son pays, la Guinée.

 

AFRICAGUINEE.COM : Vous êtes un Marines américain avec une origine guinéenne. Parlez-nous de votre parcours avant d’aller aux Etats-Unis. 

DAOUDA DIALLO : Merci Alpha Ousmane, merci à Africaguinee.com. Je suis né à Mali Yembering au pied du Mont Loura où j’ai passé mon enfance et une partie de mon adolescence. J’ai grandi dans le secteur Plateau qu’on appelle la cité des fonctionnaires, quartier Mali 1. J’ai commencé mes études à Mali, avant de rallier Conakry, la capitale pour finir une partie du collège et le lycée au Groupe Scolaire Koumandian Keita II et III. J’ai été diplômé en Histoire des Relations Internationales à l’Université de Sonfonia-Conakry. Je suis de la 2ème promotion du Système LMD.

A Conakry on vous a connu en tant que journaliste. Revenez un peu sur votre parcours. 

Évidemment, j’ai connu une vie professionnelle en journalisme en Guinée. Pour la petite histoire, le journalisme m’a tenu à cœur dès le début. J’ai grandi avec ce rêve. La première chance qui s’est offerte à moi, ma mère rapportait souvent des journaux papiers à la maison. Nous avions la chance de lire de temps en temps. Ensuite je ne manquais pas du tout les éditions de 19H45 et celles de 22heures à la radio nationale RTG. Ça c’est très tôt. En 2010, alors que j’étais à l’université encore, grâce à Lamine Guirassy qui a cru en moi très tôt, qui est devenu par la suite un grand frère, un jour il m’a proposé de venir travailler avec lui à la radio. En 2011 les portes ont été ouvertes pour moi déjà alors que c’était ma dernière année à l’université.

J’ai commencé par Sweet Fm en 2011 jusqu’en début d’année 2013. Il y a eu une refonte à la radio, c’était devenu plus culturel et puis il a sélectionné certains parmi nous pour aller à Espace TV. A la télé, je fais partie des premiers reporters d’images. A notre arrivée à Espace TV, il n’avait que Souleymane Bah, Mohamed Damaro Camara (actuel Red-chef Espace NDLR), Djibril Bah et Idrissa Barry. Nous sommes les tout premiers journaliste-reporters d’images d’Espace TV. Après un bref moment j’ai quitté l’équipe pour venir m’installer aux Etats-Unis.

Comment cette opportunité de voyage s’est-elle offerte à vous ?

L’opportunité est arrivée en 2 formes pour moi. En 2014 j’ai manifesté un besoin nécessaire de venir approfondir ma formation aux USA. Grace à Dieu, mon nom était déjà retenu pour cette formation, la procédure suivait son cours normal. Mon oncle se battait pour me faire venir aux Etats-Unis dans le cadre des études et d’un coup Dieu a facilité les choses avec le DV (diversity lottery) par le biais d’un ami Billo qui est un ange parmi tant. Je suis venu en 2014.

Changer de pays nécessite l’intégration et c’est plus difficile si vous quittez un pays francophone pour un pays anglophone. Comment vous avez fait vos premiers pas?  

Pour mon cas j’ai eu la chance (…). Nous savons que beaucoup de personnes viennent ici sans aucune connaissance parentale, sans guide, sans hébergement. C’est la galère d’abord pour trouver où rester, pendant des mois ils se cherchent. Ma chance, quand je suis venu, une partie de la famille était déjà là notamment mon oncle. Donc j’avais où habiter,  j’avais même une voiture. Il m’a fallu juste passer mon permis de conduire. Pour mon cas toutes les conditions étaient réunies pour une intégration facile. La seule barrière, c’était la langue bien que j’avais déjà commencé à suivre des formations depuis la Guinée. Mais j’avoue que c’est différent. Il a fallu que je reparte à l’école pendant un an. Après, il y avait quelques opportunités.

Comment avez-vous intégré l’armée américaine ?

Je n’ai pas eu à tâtonner lorsque je suis arrivé aux USA, l’armée me passionnait depuis la Guinée. Je rappelle que le grand-frère Sergent First Class Kefing Kaba m’a beaucoup influencé dans ce cas. Nous l’avons toujours vu dans la tenue militaire américaine. C’est mon soutien de tous les jours. Pour la petite histoire, après l’obtention du Bac, cela a coïncidé à la prise du pouvoir par le Capitaine Dadis. Beaucoup de jeunes sont allés à la gendarmerie, à la police et dans l’armée, en ce moment le Bac était un critère crucial dans le recrutement, car au minimum il fallait avoir son Bac. Je voulais être gendarme et continuer mes études à l’université. Malheureusement mon père n’était pas du bord, lui-même avait la formation et a exercé un moment avant de raccrocher. Il n’était pas prêt à me laisser aller dans l’armée. Je me suis aligné derrière le papa, j’ai continué mes études.

A mon arrivée ici, les opportunités étaient là plus qu’en Guinée. Les USA comme on dit, c’est le pays de toutes les opportunités. Quand vous faites du sérieux, vous aurez votre compte. L’égalité de chances est réelle. Quand je suis venu, je voulais continuer mes études, étant donné que j’avais déjà mon diplôme universitaire guinéen je ne voulais pas reprendre à zéro pour un autre diplôme universitaire. Et vous savez ici les études universitaires ne sont pas gratuites. L’option de rejoindre l’armée s’est renforcée dans la tête. J’ai dit pourquoi pas aller dans l’armée où je pourrai faire les deux à la fois (avoir un métier et aller à l’école). Contrairement aux autres qui attendent que le recruteur sorte proposer aux uns et autres l’armée, je suis allé moi-même taper à la porte du recruteur pour lui dire je suis intéressé, c’est pourquoi je suis venu.

L’armée, ce sont plusieurs branches mon Sergent Diallo. Vous êtes de US MARINE CORPS que certains confondent à l’armée de mer US NAVY alors que c’est différent. C’est votre choix ou bien on vous a orienté selon votre aptitude ?

Beaucoup font l’amalgame ou mélangent tout alors que c’est précis. Vous le savez déjà, c’est au moins 6 branches les forces armées américaines. Nous avons United States Army (US ARMY), US Air force (USAF), US Coast Guard (USCG), US Navy (USN) et US Space force (USSF) qui est la plus jeune branche créée en 2019 ; contrairement US MARINE CORPS(USMC), les Marines, la branche à laquelle j’appartiens est une force mixte, qui fait pratiquement tout ce que les autres branches font. C’est la force d’intervention rapide américaine, on nous appelle « The Nation’s 9-1-1 ». Ils ont la responsabilité d’être la force de projection rapide, la force des opérations. C’est beaucoup plus de défis et de durs entrainements.  Donc moi j’ai choisi les Marines à cause du défi, du respect et les difficultés qu’ils endurent lors de la formation commune de base. Pour moi c’était un challenge. On nous appelle Marines tout court. C’est une unité mixte, une unité de force voilà.

En optant pour les  US MARINES Corps, saviez-vous déjà ce qui vous attendait ?

C’est vrai, quand j’ai marqué mon intérêt pour les Marines, après j’ai compris que c’était dur plus que dans les autres branches, de toute façon je voulais marquer une différence. Dans les Marines il n’y avait pas assez de guinéens à l’époque. Mais nous sommes très nombreux dans les forces armées américaines maintenant jusque dans les Rangers et même Delta force qui sont des unités spéciales. Je rends hommage au Sergent Mohamed Diallo dans les Marines, dans US Army Staff Sergent Bachir Diallo et Sergent First Class Baba DIAKITE, Lieutenant Mory Traoré. Je savais déjà le défi qui m’attendait dans cette branche. Dans la vie il faut savoir faire la différence de choix. En Guinée quand tu dis Marine c’est beaucoup plus l’armée de Mer contrairement à ici. L’armée de mère ici c’est les US Navy, mais au fond la Marine ici c’est une force mixte, vous retrouvez ce que font l’armées de terre, de mer, de l’air intégré. Ce sont les premiers à partir sur le terrain et les derniers à revenir. Ce sont seulement les Marines que le président américain peut envoyer en mission en temps de guerre pendant 3 mois sans l’aval du congrès américain. C’est tout un honneur pour moi d’appartenir à cette branche.

Daouda Diallo et notre reporter Alpha Ousmane Bah

Comment vous avez vécu les premières heures de formation au sein de l’armée ?

Rien n’est facile partout ; mais l’armée c’est autre chose, ce sont des épreuves physiques à tout moment, l’endurance, la résilience mais surtout le courage. Il y a quelque chose de très important qu’il faut souligner, une fois que le contrat est signé, tu as du temps pour te préparer. Ton recruteur est ton préparateur physique, moral et mental, il fera tout pour que tu réussisses à 100%, car si tu échoues, c’est son échec. On nous donnait des aperçus sur les entrainements qui nous attendent. Avant le centre de formation tu es suffisamment prêt physiquement, déjà c’est le mental qui fonctionne. Il faut être mentalement fort. Moi, j’ai rejoint à 28 ans, mes muscles et mes os étaient déjà murs (rires). C’est la plus jeune branche, c’est-à-dire c’est la branche où il y a beaucoup plus de jeunes. Contrairement aux autres branches où l’âge limite pour intégrer varie entre 32 à 42 ans, l’âge limite pour intégrer les Marines c’est 28 ans. Et moi c’est à cet âge que j’ai intégré l’armée. J’avais déjà fait une partie de ma vie.

A mon arrivée, le challenge était là. Heureusement j’étais prêt mentalement car je savais vraiment pourquoi j’étais là et ce que je voulais faire. C’est vrai c’était difficile vraiment, l’épreuve a été difficile pour moi. Comme on dit c’est le mental qui doit être fort. De ce côté j’étais prêt (…). J’ai tenu face à toutes les épreuves. Si le mental n’est pas fort on te casse.

Il vous a fallu combien de temps de formation avant l’intégration « définitive » ?

Je suis allé à l’entrainement en septembre 2017. La première phase a pris fin en décembre de la même année. En 3 mois j’ai franchi l’étape. Nous avons eu 13 semaines d’entrainement intenses. Nous sommes repartis pour un autre mois. La particularité des Marines, même si tu es cuisinier tu dois avoir les basiques de l’infanterie. Après cette période, nous sommes partis pour la formation professionnelle, parce que la particularité ici, tout militaire américain a une spécialité. Ici l’armée ce n’est pas le port d’arme seulement pour la défense et la sécurité. Tu dois être au service de l’armée dans un domaine donné. Nous avons des ingénieurs militaires, des informaticiens, des spécialistes en télécoms et réseaux, des administrateurs, des médecins, des transporteurs, des mécaniciens. C’est tous les corps de métiers réunis. A ce niveau mon recruteur a choisi pour moi, on m’a mis dans le domaine de transport logistique, ils m’ont mis là où ils ont besoin de moi. Je suis spécialiste en transport d’engins lourds ; les HUMMER, les voitures, les camions, remorques et autres. Aujourd’hui je suis recruteur dans les Marines pour les 3 prochaines années.

L’armée américaine a une particularité, au-delà de la discipline il faut une certaine performance, des objectifs à atteindre pour se maintenir. Comment vous avez fait pour réussir cet exploit ?

Oui la première des choses, c’est la discipline comme on le dit souvent. Comme vous le savez déjà, les contrats de performance sont là, les objectifs à atteindre c’est tous les jours, les évaluations et les montées comme en classe. Pour mon cas en 4 ans j’ai atteint le grade de Sergent et je suis Recruteur comme le grand frère Mohamed Kefing Kaba. C’est une performance notoire. Sinon il y a des soldats qui passent 6 à 7 ans sans avoir le grade de sergent. En 2 ans j’ai été caporal, c’est une bénédiction, en 4 ans j’ai mon grade de sergent. Chez nous les Marines il est difficile de monter en grade car c’est compétitif vue notre effectif qui est trop minime comparativement autres branches de l’armée où tu peux être Sergent en 3 ans seulement. Dans notre corps aussi on peut l’être mais ça demande beaucoup plus de performance et d’aptitudes. Il faut être hyper performant d’ailleurs. Dès le début je me suis dit mon objectif ce n’est pas de gravir les échelons plus vite mais de comprendre profondément ce que je suis en train d’apprendre. Mais tout est conditionné par la performance, le physique il compte beaucoup.

Il y a des gens qu’on élimine en cours, le contrat c’est 4 ans, à la fin de chaque échéance tu peux renouveler si tu veux, à défaut tu sors. Beaucoup sont éliminés avant même la fin du contrat. Si tu te laisses grossir et que cela affecte ta performance physique, tu es remercié, c’est la radiation. Vous pouvez être performant mais si tu es indiscipliné, c’est aussi la radiation comme prendre le volant alors que vous avez pris l’alcool, ou de la drogue, tout ça vous conduit à la radiation au sein de l’armée. Le contrôle est strict, il faut te conformer.

Par exemple, même en dehors de l’armée, dans ta vie familiale, si vous abusez de quelqu’un, vous êtes jeté en prison puis radié après avoir purgé votre peine. Dans ma maison avec ma femme, si nous sommes accusés de violence domestique, ça me coûtera ma place au sein de l’armée. A défaut de la radiation, on peut te rétrograder et te restreindre de tout mouvement de 45 à 60 jours, c’est une sorte de prison à ciel ouvert, tu n’iras nulle part en dehors du travail et de la maison. Donc en un mot la discipline est la clé.

Depuis votre engagement dans l’armée américaine, avez-vous effectué des missions en dehors des Etats-Unis ?

Je suis désolé Alpha Ousmane de ne pas vous donner une réponse pour cette question. C’est un angle où je ne pourrais rien dire. Ce que je dis ici ce n’est pas au nom de l’institution du département de la défense mais en mon nom personnel. J’espère que tu me comprendras pour des raisons internes.

De 2017 à 2024, c’est 7 ans déjà dans l’armée. Contrairement chez nous où tous les 4 ans on renouvelle le contrat ou l’engagement dans l’armée américaine, vous comptez arrêter un jour ou l’armée vous tient à cœur pour la vie désormais ?

Bon, c’est prématuré de dire quoi que ça soit, les décisions et les choix viennent avec le temps. Chaque matin a ses réalités. On essaye de faire les choses sans précipitation. Ce n’est pas le moment de dire que je ferai 20 ou 30 ans de carrière. Pour le moment je renouvelle 4 ans, 4 ans. J’évolue comme ça, nous sommes des humains, on peut changer d’avis à tout moment, tout est possible un bon matin. Peut-être le jour où je ne trouve plus mon compte dedans, je peux dire adieu. Je peux me tourner vers autre chose.

En dépit de la nationalité américaine, est-ce qu’il vous arrive de penser toujours à la Guinée, à ce que nous vivons ici. Un retour à la source un jour aux pieds du Mont Loura ?

Je pense à la Guinée chaque jour, je suis peiné pour toutes les situations difficiles vécues en Guinée. De là où je suis, je refuse de me débarrasser de mes origines guinéennes. Dans mon Garage, j’ai fixé quelque part le drapeau guinéen. Les compatriotes guinéens qui ont l’occasion de passer à mon lieu de travail voient le tricolore national guinéen. C’est une fierté que je garde toujours en moi. Je suis encore guinéen. Ce qui est plus important pour moi. Mes racines y sont attachées. Quand la Guinée a des soucis je suis profondément affecté et si la Guinée se hisse au premier rang aussi dans un quelconque domaine sachez que je me sens marqué en tant que fils du terroir.

J’invite les Guinéens à la compréhension, à l’entente. L’orgueil ne sert à rien sauf dans un sens négatif. Nous avons besoin d’humilité, pour ce faire il faut l’acceptation et la compréhension, pour sortir des situations difficiles surtout aimer son prochain et l’aider. Nous devons savoir aucun guinéen ne peut surmonter tout à lui seul. C’est soit on monte ensemble ou on perd ensemble. Personne ne peut prétendre aider la Guinée, alors qu’il nage dans le beurre et que la majorité des Guinéens sombre dans la pauvreté, c’est impossible. Il faut un partage judicieux des biens et ressources du pays. La compréhension est indispensable entre les composantes politique, sociale et économique. Surtout il faut prôner le mérite dans la promotion, comme on le dit l’homme qu’il faut à la place qu’il faut. L’égalité de chance doit être de mise.

La Guinée a toutes les chances pour se développer. C’est vrai comme vous le dites, je suis là avec ma petite famille, ma femme et mes enfants, nous avons la nationalité américaine, cela ne veut pas dire que nous avons tourné le dos à la Guinée. Le peul dit : « Ɓernde dogitay ka woowi » littéralement ; « le cœur ne quitte pas là où il est habitué ». Je souhaite que la Guinée prospère, je le dis souvent dans mes prières. Un jour ou l’autre je voudrais rentrer dans le village de mes ancêtres.

 

Interview réalisée par Alpha Ousmane Bah

Pour Africaguinee.com

Tel : (+224) 664 93 45 45

Créé le 13 février 2024 13:16

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