Conakry : « Les inondations sont dues à l’urbanisation anarchique… », selon l’architecte Boubacar Bah

CONAKRY- C’est devenu un véritable casse-tête. En Guinée, à chaque saison pluvieuse, Conakry et ses environs connaissent des cas des inondations. Ces catastrophes entrainent des pertes en vie humaine par endroits et des dégâts matériels. Loin d’être une fatalité, ces inondations ont bien une origine, selon les spécialistes. Ils pointent l’urbanisation anarchique.  Pour parler de ce problématique, Africaguinee.com est allé à la rencontre de Boubacar BAH, le président de l’ordre national des architectes de Guinée. Interview.

AFRICAGUINEE.COM : Comment expliquez-vous en tant qu’architecte ces cas d’inondations à Conakry et environs ?

BOUBACAR BAH : Il y a plus de trois ans avant, j’avais déjà parlé de ce sujet, notamment l’anarchie dans la construction spécifiquement dans la ville de Conakry. Je disais que l’inondation était l’une des conséquences de l’urbanisation anarchique. Malheureusement on est en train d’assister à ces drames douloureux. L’urbanisation anarchique, qu’est-ce que cela signifie ? Ça veut dire que toutes les constructions qui se font, dans la leur majorité, ne se font pas suivant un plan préétabli. Ça veut dire qu’il faut d’abord que la ville soit planifiée, qu’on fasse un plan urbanistique, ensuite les architectes viennent projeter les habitations, les immeubles en fonction des prévisions préétablies par l’urbanisme, et aussi l’autorisation de permis de construire par les autorités, notamment par le l’Urbanisme et de l’Aménagement du territoire.

Malheureusement ce n’est pas le cas, partout il y a un site qui est libre, il est vendu par parcelles et on y construit sans chercher à savoir si c’est une zone où il est permis de construire une habitation ou pas. C’est pourquoi certains sont allés jusqu’à construire sur les lits des marigots. On est allé jusqu’à remblayer les bras de mer pour y construire, c’est le cas notamment de Yattaya Basfonds, Kobaya et Sonfonia, tous ces sites, c’est des bras de mer qu’on a remblayé pour construire des habitations. Donc, tout naturellement, avec une pluie forte c’est l’inondation. Il n’y aucun plan d’aménagement.

Ces inondations que nous vivons maintenant-là sont les conséquences directes de cette urbanisation anarchique. Malheureusement pour le cas de Coyah, il y a eu mort d’hommes, c’est triste. Mais c’est par la faute de l’action humaine, et on aurait pu l’éviter en quoi faisant ? En mettant les architectes à l’œuvre pour travailler parce que ça relève de leur compétence. On ne peut pas construire une ville en ne se basant que sur le lotissement, c’est impossible. Il faut que la ville soit planifiée au prima bord, et dans cette planification on sait où il faut construire les immeubles d’habitations collectives, les villas individuelles, les équipements sportifs et culturels, situer les zones industrielles. Si cela est fait, on procède à la mise en œuvre, et, cette mise en œuvre suit ces différents plans. En faisant cela, il n’y pas de raison de tomber sur ces catastrophes pareilles.

A vous entendre, c’est comme si tout est mélangé à Conakry…

Absolument, c’est pourquoi d’ailleurs je parle d’urbanisation anarchique. Par exemple si on par la zone industrielle de Kagbelen, il y a des habitations à l’alentour. Avec cela il y a la pollution et tout le problème de santé publique que cela génère. C’est de l’urbanisation anarchique, ça été fait sans respecter aucun plan. Des immeubles d’habitations se retrouvent dans des zones industrielles, tout est mélangé, c’est des problèmes de santé publique et d’autres conséquences de ce genre.

Existe-t-il un plan d’urbanisation mis en place par les régimes qui sont succédés ?

Il y a un schéma directeur qui existait mais qui est déjà caduque depuis des années. C’est maintenant qu’ils sont en train de d’actualiser le schéma directeur de la ville de Conakry, incluant le Grand Conakry, notamment les villes de Coyah, Dubréka, mais ça aussi ce n’est pas validé. Est-ce qu’ils tiennent compte de toutes ces problématiques dont je viens de parler ? Ce n’est pas évident. Est-ce que ce plan, ce schéma intègre les villes, en suivant les réalités ?  Est-ce que ça suffit ? Je ne pense pas. Il faut une politique urbaine plus audacieuse qui tienne compte des villes de l’intérieur, les capitales régionales, donc toutes ces villes pour régler le problème de Conakry. On ne peut pas régler le problème de sitôt. C’est impossible.

Je rappelle que plus de trois millions de guinéens vivent à Conakry, c’est impossible. Cette situation peut forcément entrainer une urbanisation anarchique, parce que chaque citoyen doit se loger avec sa famille, étant donné que l’Etat est lent, il n’y a pas une politique conséquente de production de logement, c’est pourquoi chacun va construire là où il trouve de la place parfois sans permis et comme il veut. Cela va engendrer une urbanisation anarchique avec les conséquences qui peuvent en découler. Les autres problèmes, l’embouteillage, l’insécurité, l’insalubrité, tous ces facteurs sont les conséquences de l’urbanisation anarchique.

Vous avez tantôt indiqué que l’actuel schéma directeur de la ville de Conakry est caduc. L’ordre des architectes de Guinée a-t-il fait des propositions pour l’amender auprès des autorités ?

Un schéma directeur est forcément élaboré sous la direction de l’Etat. L’ancien est caduc, il n’a pas été respecté. Maintenant les autorités sont en train d’élaborer un nouveau schéma directeur qui intègre le Grand Conakry avec les villes de (Coyah, Dubréka etc). C’est un travail qui n’est pas encore fini et entre temps l’anarchie continue, ça risque de devenir un problème perpétuel. Donc il faut aller vite et bien parce que pendant que ce schéma est en train d’être élaboré, les populations sont en train de construire, voyez-vous.

Est-ce que vous êtes tout de même associés à ce travail ?

Non ! Nous ne sommes pas associés dans la conception proprement dite. C’est quand il y a validation qu’on nous invite. Sinon comment on peut nous inviter à valider un projet auquel on n’a pas été associés directement ? Ce n’est pas possible.

A votre avis, quel est le plan d’urbanisme le mieux adapté pour la ville de CONAKRY ?

A mon avis il faut une volonté politique très audacieuse. Parce que Conakry est devenue aujourd’hui une problématique pour tout le pays. On assiste à l’apparition d’une mégapole dans un petit pays géographiquement parlant d’un peu plus de 245.000 kilomètres carrés. On assiste à une mégapole de plus 3 à 4 millions d’habitants. Ce n’est pas bien. Je dis toujours qu’on ne peut pas régler le problème de Conakry en occultant les capitales régionales.

Il faut qu’on s’appuie sur les capitales régionales, en les équipant pour que les gens qui quittent les villages ou villes de l’intérieur, que tous ne viennent pas à Conakry. Pour qu’au moins lorsqu’il y a exode, que ça se limite aussi au niveau des capitales régionales, les gens qui y arrivent se liment à ces villes pour leurs services. Mais si tous les citoyens doivent tous les coins du pays pour venir Conakry, non seulement ça n’apporte pas le développement, mais aussi ça va créer forcément l’urbanisation anarchique de la ville.

Donc il faut qu’on s’appuie sur les capitales régionales, les modéliser, les équiper pour qu’elles puissent contenir les populations à leur niveau. Ce n’est pas tout le monde qui est à l’aise à Conakry. Si les capitales régionales sont bien équipées, les gens s’y replieront. Toutes ces capitales ont des pays des limitrophes comme le Mali, Côte d’Ivoire, Sénégal etc. Si quelqu’un peut trouver ce ‘’tout’’ ce qu’il cherche dans une ville comme Nzérékoré, vous pensez qu’il viendrait jusqu’à Conakry, non. Mais s’il n’y a rien qui puisse le retenir, sans doute il ira chercher ailleurs. Malheureusement presque tout concentré ici à Conakry

On ne peut donc pas élaborer un schéma directeur de la ville de Conakry sans tenir compte des régions. Cela veut dire qu’il faut revoir le schéma national de l’aménagement du territoire. Et à ce niveau il y a la capitale Conakry, les capitales régionales qui ont un grand rôle à jouer. C’est en cela qu’on pourrait avoir un schéma directeur national globalisé qui va réduire de manière simultanée l’urbanisation anarchique pour toutes les villes de l’intérieur du pays.

A suivre…

Interview réalisée par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 664 72 76 28

Créé le 9 août 2023 10:54

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