Chérif Bah promet des « surprises » : « Le jour où on vérifiera la gestion d’Alpha Condé… »

Ibrahima Chérif Bah, vice président de l'UFDG

CONAKRY-Alors que le colonel Mamadi Doumbouya annonce un « audit des comptes publics », l’ancien Gouverneur de la Banque Centrale Ibrahima Chérif Bah, promet de grandes surprise le jour où « vérifiera la gestion du régime d’Alpha Condé ». Dans la seconde et dernière partie de l’interview qu’il nous a accordé, le vice-président de l’UFDG évoque la transition qui s’ouvre en Guinée et de l’espoir qu’elle suscite.

A la junte, l’opposant la conseille d’être rigoureuse mais juste, car, dit-il, c’est dans la rigueur que l’on peut construire des choses solides. Ibrahima Chérif Bah s’exprime aussi sur le « renouvellement de la classe politique » et le « recyclage », deux sujets qui alimentent le débat dans la cité. Aux guinéens, l’ancien prisonnier politique leur demande de tirer les leçons du passé et de construire la Nation ensemble. Entretien exclusif.

 

AFRICAGUINEE.COM : Une nouvelle page qui s’est ouverte le 05 septembre en Guinée avec l’arrivée du CNRD au Pouvoir. Comment appréciez les premiers gestes posés par le colonel Mamadi Doumbouya ?

IBRAHIMA CHÉRIF BAH : Dans mon raisonnement, il y a eu deux coups d’Etats et une libération. Alpha Condé a fait un premier coup d’Etat civil en mars 2020 en modifiant la constitution et en allant au référendum. C’est là d’ailleurs que les Organisations internationales et la CEDEAO ont été fautives. Elles n’ont rien fait pour l’empêcher. Le second coup d’Etat, c’est en octobre 2020 avec l’élection présidentielle. Je suis convaincu et je peux jurer la main sur le Saint Coran que Cellou Dalein Diallo l’a gagné à au moins 54%. Moi je suis témoin parce que j’ai fait la campagne en Basse-Guinée nord. De Dubreka jusqu’au nord de Boké, à la frontière avec la Guinée Bissau, les gens nous disaient : « vous venez nous voir, pour nous demander de voter pour Cellou, mais avant votre arrivée, notre Kountigui avait envoyé un message pour nous rappeler que conformément à la Loi, nous laissons Alpha Condé faire deux mandats. Cette fois-ci, nous essayons Cellou Dalein ». Je suis certains que le vote qui a eu lieu ici en Basse-Guinée nord était majoritairement en faveur de Cellou Dalein qui a gagné cette élection-là.

Ce second coup d’Etat que Alpha Condé a fait, c’est de s’allier avec une partie de l’armée, refuser les vrais résultats, et s’imposer avec la complicité de la CENI corrompue et bien entendu avec une Cour constitutionnelle putschiste et corrompue. Il s’est assis pour commencer un mandat illégal. Ce qui est donc arrivé le 05 septembre 2021, n’est pas un coup d’Etat en tant que tel, mais une libération. Ils ont mis fin à un pouvoir usurpé, détourné et volé. Les voix du peuple ont été détournées, Doumbouya et son équipe ont mis fin à cela. Donc, c’est une libération (…).

Le citoyen sait ce qu’il fait et il sait quand il y a un pouvoir équitable et juste. Nous pouvons fonctionner de manière paisible entre-nous citoyens sans heurts et sans triche. Donc, l’action du Colonel Doumbouya que je remercie avec mes collaborateurs, est salutaire. J’ai été le premier sur la liste des détenus politiques libérés. C’est un gros soulagement pour nous et tous les guinéens. Il a sorti les guinéens de la prison. 

Il a engagé des consultations nationales qui ont débouché sur l’élaboration de la charte de la transition. Quelle lecture faites-vous de ce texte ?

C’est très bien qu’après toutes ces concertations qu’on soit arrivé à cette charte-là. C’est une très bonne chose. Le constat majeur que j’ai fait, ce que la charte a mis l’homme au centre de tout. En parlant du fait que l’être humain doit être protégé, il ne doit pas être violenté, il est libre. Le citoyen peut aller partout sur le territoire national, son intégrité physique ainsi que son domicile restent inviolables. Et aussi que la justice va s’appliquer, ça c’est fondamental.

Ce qui fait que la visite que le Colonel Mamady Doumbouya a effectué au cimetière de Bambeto est fortement significative et indicative. Pour moi, cette visite va enclencher quelque chose plus tard que le ministre de la justice prochain va traiter. Si le chef de la junte vient s’incliner devant des morts, il est sensible à ce qui est arrivé là, les images d’ailleurs le prouvent avec un des militaires en bandoulière qui était en larmes. C’est émouvant. Ce qui veut dire que ceux qui ont fait ça devront payer. On attend que le prochain ministre de la justice enclenche les procédures pour déterminer qui a fait quoi et qui a tué qui. On ne peut pas laisser les crimes de sang impunis. Donc, la junte suscite beaucoup d’espoirs.

Certes il n’y a pas de document parfait mais la charte traite l’essentiel de nos préoccupations. J’ai compris qu’ils ont été très prudents sur la durée de la transition. Je comprends, ça permet d’éviter les erreurs du passé de chez nous et d’ailleurs. Je présume que les maliens vont devoir demander bientôt un délai additionnel, parce qu’ils ont perdu tellement de temps qu’ils ne peuvent pas s’entendre en 18 mois.

La charte indique que les forces vives vont s’entendre pour donner une date. Donc ici aussi, c’est à nous guinéens de déterminer une date qui ne soit pas trop longue ni trop courte mais qui soit raisonnable. Une date optimale dans laquelle on peut faire des tâches essentielles, quitte au prochain régime de continuer. Puisqu’on ne peut pas faire tout. Les consultations ont montré que ce pays a trop de problèmes non résolus dans tous les domaines. Aucune transition ne pourra régler tout cela. On prendrait bien un schéma dessiné par la junte, elle fait sa part de tâche, le programme est engagé, le gouvernement civil élu viendra après pour continuer. Cela nous empêchera de faire des recommencements permanents pour nous éviter de perdre du temps.

La question du rajeunissement de la classe politique et le recyclage alimente beaucoup les débats. Quelle est votre position ?

Le rajeunissement est un faux débat. On ne peut pas décréter en disant à des acteurs de voter pour tel ou tel candidat. On ne peut pas non plus affecter une localité pour dire : votez pour monsieur X. Les hommes politiques se battent sur le terrain, se font connaître, indiquent leur programme et on vote pour eux. Ce rajeunissement, c'est quelque chose de naturel. Les générations passent, elles se renouvellent. Ceux qui votent ne sont pas des moutons, ils savent que s'ils votent pour monsieur X, c'est parce qu'ils espèrent que ce dernier peut faire quelque chose pour eux.

D'ailleurs, croire que ceux qui sont vieux sont mauvais et que les jeunes sont bons, je m’inscris en faux à cela. Le jour où on vérifiera la gestion dans ce pays notamment le régime d'Alpha Condé qui vient de chuter, vous aurez des surprises sur ce que les jeunes auront fait comme dégâts.

Autre chose : la Chine populaire est l'un des pays qui a fait plus de progrès ces 50 dernières années. L'âge moyen de leurs dirigeants était de 80 ans presque. La classe des âges la plus vieille du monde, a réussi à faire du pays, le plus dynamique. C'était une vieille classe dirigeante, mais ils avaient réussi. Pour faire avancer un pays, c'est une question de vision et de conviction, ce n’est pas l'âge. La Chine devenue l’usine du monde est dirigée par des gens très âgés, mais en même temps c’est la deuxième puissance mondiale (…). Donc, il ne faut pas qu'on nous trompe. 

En ce qui concerne le recyclage, c'est autre chose. Quelqu'un qui a fait des fautes, qui a fait du mal, qui a promis quelque chose qu’il n’a pas tenu, quelqu’un qui a plongé le pays dans la misère, dans le chaos, ne peut pas être reconduit. O ne peut pas confier quelque chose à ce dernier.  

C’est votre première sortie médiatique depuis votre libération de prison. Quel message avez-vous à l’endroit de vos compatriotes ?

Aux guinéens, vous êtes chez vous. Chaque guinéen est chez soi en Guinée partout où il est. La notion d’inclusion veut dire qu’ensemble travaillons pour construire cette nation. Mais nous devons tirer les leçons du passé. Ce pays a trop souffert de ses dirigeants, de la nomenclature qui entoure ses dirigeants, pour profiter du peuple et de ses richesses. Nous souhaitons que nos dirigeants soient lucides et proactifs. Nous souhaitons que Dieu les guide sur le bon chemin.

Il faut qu’ils comprennent que les peuples préfèrent des dirigeants sévères mais justes à des dirigeants laxistes et complices. Car on sait que c’est dans la rigueur que l’on peut construire des choses solides. Nous souhaitons que l’équipe actuelle nous mette sur les rails pour que l’après transition puisse tenir les promesses. Ce sera une occasion une bonne fois pour toute pour la Guinée de s’en sortir.

 

Interview réalisée par Diallo Boubacar 1 &

Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 655 311 112

Créé le 4 octobre 2021 04:12

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