Bah Oury : « Le colonel Doumbouya a tenu un discours de vérité… »
CONAKRY -Le président de la transition s’est exprimé à la tribune de l’organisation des Nations-Unies ce jeudi 21 septembre 2023. Si pour les uns, Colonel Mamadi Doumbouya a raté sa sortie, pour le président de l’UDRG, il s’agit plutôt d’un discours véridique, souverainiste et panafricaniste. Africaguinee.com l’a interrogé.
AFRICAGUINEE.COM : Quelle appréciation faites-vous du discours du président Doumbouya à la Tribune de l’ONU ?
BAH OURY : C’est un discours dont le contenu est globalement positif. C’est l’expression d’une nouvelle vision de l’Afrique par des leaders relativement jeunes, décomplexés et qui entendent imprimer leur marque dans l’évolution du continent africain. Ça c’est aspect important.
De l’autre côté, c’est un discours de vérité par rapport aux racines du mal qui gangrène les institutions africaines et qui explique la prolifération des coup d’Etats dans l’espace francophone. C’est donc un discours de vérité. C’est un discours empreint de courage, de dire les choses telles qu’elles sont sans vouloir les masquer. Dire que les coups d’États constituent une épidémie, c’est une manière de les désapprouver dans le fond. Mais il ne sert à rien de désapprouver une conséquence, il faut chercher les racines du mal pour s’enquérir de cela et apporter des corrections.
Sur le plan historique aussi, la lecture du président, elle est vraie. Depuis la conférence de la Baule, c’est-à-dire des nations souveraines, avec l’introduction du multipartisme intégral, le mode de gouvernance qui a été proposé a atteint ses limites à l’heure actuelle. Parce qu’au lieu d’aller dans le sens d’approfondissement de la démocratie, les élites qui ont gouverné avec ce mode de gouvernance ont appliqué les mêmes techniques que le parti unique. Ils l’ont fait en trichant, en falsifiant le processus électoral et en modifiant les Constitutions à leur guise et la confiscation et la conservation du pouvoir. Donc cela aussi a eu ses limites. C’est ce explique qu’il y ait des coups d’états par-ci par-là.
L’autre aspect important qu’il a évoqué dans son discours, c’est le fait de dire que des élites trichent, mentent et font du n’importe quoi pour confisquer le pouvoir. Par rapport à l’exercice actuel de la transition en Guinée, c’est une manière de montrer une grande sincérité de la part du colonel Doumbouya, dans sa volonté de respecter ses engagements. De ce point de vue, c’est quelque chose qui est un indicatif par rapport au déroulement de la transition en Guinée.
Le président accuse une certaine élite de tricher et mentir en vue de confisquer le pouvoir. Mais sauf qu’ils bénéficient généralement de l’appui de l’armée. N’est-ce pas une responsabilité partagée ?
De toutes les façons, les élites, ça touche aussi bien les civiles mais également les militaires. Mais je veux dire qu’un discours prononcé aux Nations-Unies, ce n’est pas une thèse politique qui est défendue devant un auditoire qui est chargé de décrypter mot à mot tout ce qui est contenu dedans.
Il faut donc qu’on reste aux orientations politiques, que le discours a dégagé au niveau de la tribune des Nations-Unies.
Beaucoup s’attendaient à ce que le colonel Doumbouya réitère sa volonté de quitter le pouvoir au délai imparti avec la CEDEAO. Tel n’a pas été le cas. Pourquoi selon vous ?
Je pense que c’est un choix délibéré. La question de la transition et son financement, c’est une question interne à la Guinée. Ce n’était peut-être pas le lieu, au niveau de la tribune des Nations-Unies, d’en faire cas, au risque d’apparaître comme manquant de sens de dignité et de responsabilité.
C’est une affaire guinéenne. Ça se fera chez nous ici, pas à la tribune des Nations-Unies. Il y a un esprit souverainiste dominant qui voudrait que certains de nos problèmes extérieurs, qu’on ne les déballe pas lorsqu’on est à l’étranger. C’est ici que ça va se faire.
Sauf que vous-même vous disiez dans nos colonnes que c’était une aubaine pour le président d’interpeller les dirigeants du monde par rapport aux 600 millions de dollars devant permettre le retour à l’ordre constitutionnel…
Il faut savoir qu’en Afrique aujourd’hui, il y a un sens, une certaine attitude, que certains appellent un orgueil national qui ne voudrait pas qu’on apparaisse comme des quémandeurs sur la scène internationale.
Je pense que les questions internes, peut-être en bilatérale, des rencontres avec d’autres dirigeants de ce monde, la question de financement a été peut-être évoquée. Mais au niveau du discours à la tribune, ce n’était pas lieu.
En remettant en cause la démocratie à l’occidentale qui selon lui a été imposée à l’Afrique, le colonel Doumbouya ne cache-t-il pas une volonté de confisquer le pouvoir ?
Ceux qui le pensent, j’ai envie de dire qu’ils comprennent mal le processus. C’est une mauvaise interprétation du discours du président Mamadi Doumbouya. Lorsque le président avance cette idée, cela veut dire qu’il y a une nécessité de repenser le mode de gouvernance en Afrique, de repenser la nature des Etats africains. C’est à cela que le discours appelle. Cela ne veut pas dire que c’est des velléités de confisquer les attributs du pouvoir, parce qu’il a dénoncé les élites qui mentent, trichent et remettent en cause leur engagement pour se maintenir au pouvoir.
Le colonel Doumbouya fait montre de solidarité aux autres putschistes du continent africain et surtout se présente comme panafricain. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
Il faut savoir que le président Doumbouya s’est démarqué des autres transitions en cours dans l’espace Cédéao. En l’état actuel, il faut avoir du respect vis-à-vis des États africains et ne pas les cataloguer en pro ou anti de ceci ou cela. De ce point de vue, c’est clair. Donc, tous ceux qui de manière nette s’assimilent à ça, c’est une forme de dénonciation qui est exprimée dans le discours de Mamadi Doumbouya à l’égard de ceux qui se rangent derrière des puissances pour pourfendre d’autres puissances.
Entretien réalisé par Siddy Koundara Diallo
Pour Africaguinee.com
Tel : (00224) 664 72 76 28
Créé le 22 septembre 2023 09:34Nous vous proposons aussi
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