Agression mortelle de Mamoudou Brry : témoignage exclusif d’un proche du jeune guinéen…

Mamadou Barry, jeune guinéen mortellement agressé à Rouen

ROUEN-Dans quelles circonstances l’enseignant-chercheur guinéen, Docteur Mamoudou Barry a été tué ? Que révèlent les premières enquêtes ? Kalil Keita, un des meilleurs amis de Mamoudou Barry fait partie des derniers à avoir échangé avec la victime. Encore sous le coup de l’émotion, il a accepté de parler. Son récit est insoutenable ! 

 

AFRICAGUINEE.COM : Vous êtes l’un des premiers proches de Mamoudou Barry à arriver sur le lieu de son agression. Qu’est-ce qui s’est passé ?

KALIL KEITA : Mamoudou et moi étions convenus qu’on va regarder le match de la finale de la CAN (Coupe d’Afrique des Nations, Ndlr) ensemble chez moi. Il m’avait envoyé un message pour cela. On s’appelait affectueusement « Grand, petit, camarade ». Alors, il m’a envoyé un message en me disant : « Madiou (qui était venu de Conakry assister à la soutenance de Mamoudou le 27 juin) et moi, on passe chez toi ce soir, on va suivre le match ». Je lui réponds en lui disant : « camarade, avec grand plaisir ». Vendredi, il m’envoie un autre message pour dire « camarade, c’est confirmé on arrive vers 20h ». Il était dans son appartement avec son ami Madiou avec sa fille. Sa femme Diaraye était allée au travail. Vers 19h, sa femme l’appelle en lui demandant de venir la chercher parce qu’elle devait également faire des courses (…). Mamoudou laisse sa fille Fatou de deux ans avec Madiou et part chercher sa femme. 

Pendant ce temps, de mon côté, je suis allé nous acheter à manger parce que la soirée s’annonçait très amicale, le lendemain Madiou devait voyager sur Conakry. Alors Mamoudou qui est allé chercher sa femme, rencontre sur le chemin du retour l’agresseur qui était au niveau d’un arrêt de bus. Mamoudou roulait tout doucement les vitres descendues.  L’individu les (Mamoudou et sa femme, ndlr) as pointés du doigt en leur disant : « Vous les noirs, on va nous niquer ce soir, vous êtes des sales races, on va niquer vos mères ».Mamoudou était choqué au regard des propos à la fois violents et racistes. Il dit à sa femme qu’il descend pour avoir des explications. Diaraye lui dit « Non, laisse tomber, c’est des gens qui provoquent ». Mamoudou répond que c’est trop direct et trop violent. Alors il descend pour raisonner l’individu et demander des explications. L’agresseur répète les mêmes mots, les mêmes injures avec la même violence. Mamoudou lui dit « pourquoi vous nous insultez ». Il n’a même pas terminé la phrase, l’individu a commencé à lui donner des coups de points. Pour respecter son intimité, je ne peux pas tout décrire. 

L’arrêt de bus est équipé de caméras de surveillance. Ce qu’on voit dans les images, Mamoudou tombe sur le quatrième coup. Sa nuque cogne le trottoir. Sa femme Diaraye était là impuissante et pleurait. Elle dit à l’agresseur : « tu as tué mon mari, tu as tué mon mari ». Ce dernier répète les mêmes mots, les mêmes injures racistes à l’encontre de Diaraye en lui disant si tu ne fais pas attention, je te mets par terre toi aussi. L’individu était là tranquille, la casquette renversée, les deux mains dans la poche, il a continué son chemin. Pendant ce temps, Mamoudou était couché à même le sol. Quelques personnes sont venues lui porter secours. Face au déluge de violence, Diaraye a sorti son téléphone pour m’appeler directement et me disait en pleurant : « Kalil yo vient, Mamoudou est mort ». Elle ne faisait que répéter ça au bout du fil. J’ai essayé de la raisonner en lui faisant comprendre qu’à peine une heure, j’étais avec son mari au téléphone. Puisque dans ma tête, Mamoudou n’est pas avec Diaraye. J’ai dit à Diaraye « calme-toi, tu fais un cauchemar, Mamoudou n’a rien ». Mais elle pleurait en me priant de venir. 

Sur le coup, une dame a repris le téléphone des mains de Diaraye pour me saluer. Elle me dit : « vous connaissez la victime ? ». Je demande quelle victime. La dame me dit que le mari de cette femme a été agressé, il faut que vous veniez tout de suite. J’étais paniqué. Mais j’ai fait demi-tour pour arriver sur les lieux. J’ai trouvé la scène de crime dans un état indescriptible. Les secours étaient déjà sur les lieux. Ils n’ont pas accepté que je voie Mamoudou qui était déjà dans leur véhicule. Je commence à consoler Diaraye. 

Entre le lieu du crime et chez Mamoudou, c’est quelque pattées. Je suis allé vite trouver Madiou pour lui expliquer ce qui s’est passé. Il n’en revenait pas. Il rigolait même parce que pour lui ce n’était pas possible. J’explique à Madiou qu’il nous ait arrivé quelque chose de très grave (…), il a compris que ce n’était pas une blague. On est allé ensemble, on a amené Mamoudou aux urgences. De 21 heures à 4heures du matin, on était là assis dans l’attente de nouvelles. L’attente était devenue interminable. A 4heures du matin, les médecins sont venus en groupe. Ils nous ont dit : « A qui doit-on nous adresser ? » La femme qui parlait commence à tourner en rond. Je dis madame : « je suis quelqu’un de très direct. N’hésitez pas, dites-moi ce qu’il y a puisqu’on a attendu pendant huit heures ». Alors elle m’a dit que Mamoudou ne pouvait pas s’en sortir. Je suis tombé sur le coup, ils m’ont relevé, je suis retombé de nouveau (…). Il avait des branchements partout, il était dans un coma artificiel avec des lésions cérébrales. 

 Où en est-on avec les enquêtes ? 

La phase judiciaire suit son cours normal. La police a pris à bras le corps l’affaire. Le ministre de l’intérieur a même fait un tweet. Personnellement, je travaille avec la police. L’agresseur doit être arrêté très prochainement, je pense qu’il a même été identifié. C’est un individu de type maghrébin. Je déplore toutefois cette forme de récupération qui dit que c’est un algérien. Il faut qu’on arrête. On ne sait pas encore. Qu’est-ce qui prouve que c’est un algérien ? Il n’est pas encore arrêté. Il faut qu’on arrête de dire ça. C’est extrêmement important. J’aurais même appris que des compatriotes à Conakry et un peu partout se mobilisent pour manifester devant des ambassades d’Algérie. Mais non ! Il faut arrêter ! Il faut arrêter ! Ne créons pas ce clivage. Ce n’est pas un problème communautaire. On saura davantage dès lors que la police aura mis main sur lui. Mais pour l’instant on ne peut pas attribuer la nationalité de l’agresseur à un pays quelconque. C’est important. 

Est-ce qu’il y a un programme pour le rapatriement du corps ? 

Je crois qu’on en saura davantage dans trois à quatre jours. Ils nous ont dit que la police criminelle va faire son travail, et dans quelques jours, ils vont libérer le corps. On a déjà mis en ligne une cagnotte de collecte de fonds. La communauté s’est fortement mobilisée. Qu’il s’agisse de la communauté guinéenne, de la communauté universitaire, des étudiants tout azimut. Le corps sera rapatrié en Guinée avec toute la dignité qui sied. Des prières seront dites ici et en Guinée bien évidemment. Une marche blanche sera organisée ce vendredi à 15heures. D’autres actions sont en cours d’élaboration.

 

Entretien réalisé par Diallo Boubacar 1

Pour Africaguinee.com

Tél. : (00224) 655 311 112

Créé le 22 juillet 2019 11:04

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