Son parcours avec le Syli, ses rapports avec Lansana Conté, le but de Diarra à la 90è en 2004 : Les confidences de Kémoko Camara…

CONAKRUY-Soixante-onze (71) matchs, 20 ans de carrière avec le Syli national de Guinée, Kémoko Camara, 48 ans, est sans doute l’une des figures sportives qui a marqué l’histoire contemporain du football de son pays. L’ancien gardien de but a ouvert son cœur à Africaguinee.com. Dans la seconde partie de l’interview qu’il nous a accordés, l’actuel entraineur de SOAR Academy relate quelques moments forts de sa carrière avec le Sily, ses rapports avec feu le Général Lansana Conté. L’ancien portier parle aussi de ses projets. Interview exclusive !!!

AFRICAGUINEE.COM : Vous avez été gardien de but du Syli national de Guinée durant plusieurs années.  Parlez-nous de vos débuts avec la sélection guinéenne ?

KÉMOKO CAMARA : J’ai commencé avec la sélection nationale en 1993, lorsque je jouais pour la SOGEAG. Je me rappelle à l’époque, c’est moi qui avais bloqué l’AS Kaloum. Ce jour Dieu était avec moi. Ils sont descendus en 2ème division et nous SOGEAG on est resté en 1ère division. Je suis parti comme ça avec Maitre Naby qui était entraineur à l’époque qui m’avait sélectionné 4ème gardien sur 5. C’est comme ça mes débuts avec le Syli national.

C’était donc le début d’une longue aventure. Racontez-nous la suite…

Pour moi, le Syli national a été une fierté. Jouer pour mon pays était une énorme fierté. A l’époque, j’avais dit à monsieur Kabassan qui était avec le Horoya qu’une fois je commencerai à jouer pour la Guinée, je resterai longtemps dans les buts. Et le bon Dieu a fait que je suis resté longtemps. Et je vous informe qu’à l’époque (1993) on nous payait dix (10) mille Gnf. C’est lors d’un match amical contre le Gabon qu’on m’a dit que c’est moi allait être le gardien de but titulaire. C’est comme ça que c’est parti avec la sélection.

Vous avez reçu beaucoup de critiques durant votre carrière. Comment avez-vous vécu mentalement ces moments ?

J’ai géré ces moments comme tout le monde. Je n’ai jamais fait la tête aux personnes qui me critiquaient. Il y avait même des journalistes qui me critiquaient mais j’étais ami avec eux et je n’ai jamais fait la tête. Je suis toujours tel que je suis. Au fait ma force je l’ai puisé avec trois (3) joueurs qui ont joué pour la nation et qui ont vraiment servi. Ce sont des légendes. C’était Chérif Souleymane, l’unique ballon d’or, qui a été humilié au stade en 1998, j’étais présent.  La façon aussi dont ils ont retiré le brassard à feu Mohamed Sylla alias ‘’Socrates’’, je l’ai vécu, la façon dont ils ont enlevé mon grand Fodé Laye dans les buts aussi j’ai vu. Donc, j’ai accumulé ces trois événements. Et, je me suis dit : ‘’là où ils n’ont pas raté ces trois légendes du football guinéen, ce n’est pas moi qui serai épargné’’.

Alors, c’est là que j’ai puisé ma force. Et à partir de là, j’étais fort mentalement et jusqu’à ma fin de carrière en sélection, je n’ai jamais fait la tête à quelqu’un à cause d’une critique. Quand on me critique, je fais toujours avec. Et quand on m’appelle je viens toujours. La preuve en est qu’on a changé plein d’entraineurs, mais à chaque fois qu’on envoyait un nouvel entraineur il me réclamait dans l’équipe. Les Guinéens ne se sont pas demandé la raison. Pourquoi à chaque fois qu’il y avait un nouvel entraineur (des entraineurs étrangers) ils appelaient Kémoko ? Tous ces entraineurs tenaient tous à moi alors que je ne connaissais personne d’entre eux.

En plus, pour vous faire une anecdote, le premier match de Kaba Diawara, c’était le premier match de Patrice Neveu. Moi j’étais venu en vacances, le bras plâtré. J’étais en boite de nuit avec des potes un vendredi quand il est venu me chercher. J’ai enlevé le plâtre pour aller jouer pour la nation et on avait gagné 2-1 contre la Tunisie. C’était le premier match de Kaba Diawara avec la sélection. Il avait fait un doublé. Il n’y a pas ce que les gens n’ont pas dit sur moi mais je m’emballais, je venais pour la nation, je faisais avec. C’était comme ça. Personne n’est parfait dans la vie, tout le monde fait des erreurs et si tu arrives à les gérer alors la vie continue. C’était comme ça avec la sélection.

Racontez-vous vos pires moments avec le Syli National ?

Personnellement, je n’ai pas eu de pires moments en sélection. Rien ! Que dalle.

Une de vos actions contre le Mali en 2004 revient souvent quand on parle de Kémoko Camara. Je rappelle que cette action avait coûté à la Guinée sa qualification. A la 90ème minute, vous encaissez un but de Mahamadou Diarra. Environ 20 ans après racontez-nous ce qui s’était réellement passé…

Ce jour… je vous dirai tout d’abord, que depuis que j’ai commencé à jouer au football en Guinée, j’ai deux bons matchs en souvenir pour moi. Le premier c’était contre le Maroc en Guinée ici et contre le Mali en coupe d’Afrique. Le but est arrivé…c’est le football.

Je vais vous dire qu’avant que ce soit moi, le monsieur (Mahamadou Diarra) qui m’avait marqué à la CAN, il avait d’abord marqué Van Der Sar (gardien hollandais et de Manchester United ndlr), le même but et Oliver Kann pareil (gardien allemand et du Bayern Munich ndlr) et le mec il est resté… ça m’est arrivé certes, mais le football c’est comme ça. Il faut faire avec, personne n’est parfait dans la vie, tout le monde fait des erreurs.

La seule chose qui m’embête si tu fais des erreurs c’est si tu n’arrives pas à les surmonter. Parce que là, derrière tu vas te faire du mal. Après ce match, quand on nous a éliminé à la CAN, je suis rentré en Israël. Et après, le même mois, j’ai joué la finale avec mon club et j’ai pris le trophée de la coupe d’Israël. En plus on m’a nommé meilleur gardien du championnat et meilleur gardien de l’année.

Des rumeurs très répandues disaient que suite à cette erreur le président feu Général Lansana Conté avait dit :  ‘’C’est Kémoko Camara qui va me tuer un jour…’’. Est-ce que vous avez eu à échanger avec le président Général Lansana Conté sur cet épisode de votre carrière ?

Je vais vous dire, ce que les gens ne savent pas. Des fois lorsqu’on était à Novotel, puisque le Palais n’était pas loin de notre hôtel, je venais à pied pour voir le président Conté et manger avec lui. Ce que les gens disaient que c’est moi qui allais tuer le président était inventé de toutes pièces par nous Guinéens. Moi ça me faisait marrer des fois. On me disait ça et j’en rigolais.

Vous avez été nommé encore entraineur des gardiens de but de Syli. Mais lorsqu’on disait que c’est vous qui étiez l’entraineur, certains le prenaient avec ironie. Ça ne vous affectait pas ?

Pour moi ça se passe très bien. C’est normal !  Ça ne fait rien. Certains Guinéens voudraient voir un étranger à la place d’un Guinéen. Et c’est là le problème chez nous, on ne s’aime pas entre nous, on préfère avoir un étranger qui vient s’imposer chez nous parce qu’on ne veut pas voir la tête de nos frères guinéens. Ça, c’est une erreur. A un moment donné, il faut donner la force à nos frères Guinéens.

Je vais vous donner un exemple pour vous dire que ça se passe hyper bien. Il y avait un gardien qui conduisait le bus de SOAR Accademy, il avait fait 4 saisons avec le club mais il n’avait jamais joué. Mais j’étais le seul à lui faire jouer au championnat guinéen. Et, sur les 5 matchs qu’il a joués, il m’a fait gagner 4 matchs et 1 match nul. Avant, personne n’avait eu confiance en ce monsieur. Quelqu’un qu’on prenait comme chauffeur de bus, je l’ai fait jouer au championnat et c’est comme ça qu’on peut trouver des grands gardiens. Déjà mentalement il est costaud.

Quel était votre secret avec l’équipe nationale ?

Il n’y avait rien que le travail. J’avais un entraineur qu’on appelait Samba ‘’Corda’’, à chaque fois que je venais en Guinée ou avant de partir en Europe, je m’entrainais trois fois par jour avec ce monsieur. Et à l’époque, on n’avait pas de gazon ni de synthétique mais je me battais pour la sélection guinéenne et pour mon club. Mon secret a été le travail rien que le travail.

Qu’est-ce qui vous revient en tête lorsque vous repensez à votre carrière avec l’équipe nationale ?

Ça me donne des frissons ! Ça me rappelle plein de choses, des joies, des bonheurs et avec tous ces joueurs que j’ai côtoyés, d’ailleurs avec qui je continue à parler, soit au téléphone pour ceux qui ne sont pas en Guinée pour revivre le passé. Beaucoup de mes coéquipiers sont rentrés en Guinée, maintenant on est nombreux ici. On se retrouve chaque dimanche pour jouer et à chaque fois qu’on joue entre nous, ça me rappelle toujours la sélection à l’époque quand on était jeunes, franchement ça me manque.

Dans une équipe, chaque joueur a un complice (meilleur ami) sur et en dehors du terrain. Quel était le vôtre ?

Mon meilleur ami au sein de la sélection, c’était feu Momo Wandel Soumah à qui j’ai donné le nom de mon premier garçon. Momo Wandel était mon meilleur ami, que ce soit sur le terrain et en dehors du foot. On s’échangeait même des habits. Excusez-vous moi du terme mais on s’échangeait même des caleçons. C’est vous dire combien on était complices.

Dans quelle circonstance avez-vous raccroché les crampons ? 

Avant même que je ne raccroche les crampons, les gens disaient ‘’il est vieux, il faut qu’il parte à la retraite’’. Dans ma tête je me suis dit : « non, je ne pars pas à la retraite parce que des gens parlent ».  J’ai continué à jouer. Alors quand je suis revenu à ma forme normale, je suis revenu en sélection encore. Avant de prendre ma retraite en 2013, j’avais joué deux matchs. Pour preuve quand je suis allé avec la sélection à Marseille pour jouer, à notre retour tout le monde disait ‘’waouh il est là encore’’. C’est ainsi que j’ai fait stop à la sélection. C’est au moment où les gens parlaient de moi, c’est là que j’ai décidé d’arrêter. Je n’ai pas arrêté parce que les gens ont parlé (critiquaient ndlr) avant, mais c’est quand je me suis senti encore prêt à rejouer et que les gens avaient confiance en moi pour rejouer, alors c’est en ce moment-là que j’ai pris ma retraite.

En dehors du Syli, parlez-nous de votre carrière dans les différents clubs ?

En dehors de Syli, j’avais commencé avec l’Olympique de Conakry avec le feu Naby Dias qui a formé cinq générations. J’ai commencé avec l’Olympique de Conakry en 1992 avec Bouba Sampil qui était notre président, on était en 2ème division mais à notre 2ème année, on est monté en 1ère division. Ensuite je suis reparti avec SOGEAG et c’est là que c’est parti pour la sélection. Après SOGEAG, je suis parti avec l’AS Kaloum où j’ai joué la finale de la coupe de la CAF en 1995 contre l’Etoile de Sahel de Tunisie. Après je suis allé en Europe précisément en Belgique où j’ai joué trois saisons.

Qu’est-ce que vous faites dans la vie actuellement ?

Je suis toujours dans le milieu footballistique. Je suis entraineur de SOAR Academy qui était en compétition africaine mais on a perdu tous nos quatre matchs. Mais c’est notre première expérience. Je félicite les enfants qui ont pu tenir pendant un mois et demi à l’extérieur. En plus, je suis en train de mettre un projet en place, une école de foot qui ne formera que des gardiens de but et je suis rentré en Guinée pour ça.

Avez-vous des enfants qui ont opté pour le foot ?

Mon fils a déjà joué pour le Syli National et il continue avec le Syli. Il est gardien de but, c’est Mohamed Camara, il va jouer pour la sélection, il est guinéen et il est fière de cela. Il a déjà représenté la Guinée avec les U17 qui sont allés à la coupe du monde et la coupe d’Afrique avec Souleymane Camara ABD. J’ai un autre fils qui joue le football américain et qui se trouve en ce moment en France mais qui va partir aux USA.

Votre mot de la fin…

Je demande à ce qu’on vienne soutenir la Guinée. Même s’il y a mille problèmes, il n’y a que le football qui peut nous réunir. Je suis fier d’être Guinéen et soyons fiers d’être Guinéens.

Interview réalisée par Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 666 134 023

Créé le 28 décembre 2023 12:57

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