Mohamed Tall réplique : « C’est plus facile de supprimer le CNRD… »

Mohamed Tall et Sidya Touré, leader de l'UFR

CONAKRY-A la suite de la manifestation interdite organisée par le front national pour la défense de la constitution, mouvement dissous par le CNRD, le ministre de l’administration du Territoire et de la décentralisation a haussé le ton. Dans une déclaration lue tard dans la nuit du jeudi 16 février, Mory Condé a menacé de suspendre ou de retirer l’agrément des associations et organisations politiques dont la responsabilité pénale sera établie par la justice.

Cette menace s’ajoute à des poursuites judiciaires déjà engagées contre des leaders politiques. Comment analyser cette situation ? Pour aborder cette question ainsi que d’autres, Africaguinee.com a interrogé Mohamed Tall, ex ministre et directeur de cabinet du leader de l’union des forces Républicaines, Sidya Touré.

AFRICAGUINEE.COM : Quelle analyse faites-vous sur les violences qui ont émaillé la manifestation du 16 février ?

MOHAMED TALL : C’est extrêmement regrettable. D’après des informations concordantes, nous avons enregistré deux cas de morts et beaucoup de blessés. Ce comportement de certains de nos agents des forces de sécurité est quelque chose d’inacceptable. Je trouve ça vraiment regrettable. La responsabilité de la hiérarchie et de ceux qui ont agi sur le terrain est totalement engagée. Le moment venu, ils seront forcément jugés comme l’est actuellement le régime du CNDD (Conseil National pour la Démocratie et le Développement) de Dadis Camara.

Ce qui me parait extraordinaire, c’est que les responsables actuels, les militaires, la junte guinéenne qui est aux affaires et qui organise le procès du CNDD ne soit pas capable de tirer les leçons de cette période-là. Ils font la même chose qui valent aujourd’hui ce procès à Dadis et compagnie.

Les parents de Ibrahima Diallo, une des victimes de la répression de la manifestation du 16 février
Les parents de Ibrahima Diallo, une des victimes de la répression de la manifestation du 16 février

En ce qui concerne la manifestation elle-même, c’est à l’appel du FNDC (front national pour la défense de la constitution), une structure de la société civile qui a le droit de veiller sur l’action publique, de lancer des alertes et de mobiliser les Guinéens lorsqu’il estime que la situation n’évolue pas correctement.

Aujourd’hui tout le monde est unanime pour reconnaître que le CNRD est en train d’instaurer une dictature, d’opprimer les Guinéens, de réduire les espaces de liberté, bafouer les droits. Et comme c’est le cas, il est du droit d’une structure comme celle du FNDC d’appeler les Guinéens à se mobiliser pour résister contre ça et c’est ce qui a été fait.

Une structure qui a été dissoute par autorités de la transition voulez-vous dire ?

Dissous par les autorités de transition, mais ça ne veut rien dire. Cette décision a été contestée aussi bien par la majorité des Guinéens que les Nations-Unies, les organisations de défense des droits de l’homme ont pris position également. On ne peut dissoudre une telle organisation.

Le FNDC a été créé en 2019 pour combattre le troisième mandat. A l’époque, c’est Alpha Condé qui était au pouvoir. C’était donc pour rempiler pour une troisième fois malgré cela il n’est pas allé jusqu’à dissoudre le front anti troisième mandat. Cette décision du CNRD est inacceptable et ça n’a aucun sens. La preuve en est que les Guinéens se sont mobilisés pour répondre à l’appel du FNDC.

A la suite de manifestation du 16 février, le ministre de l’administration du Territoire et de la Décentralisation a indiqué que des partis politiques responsables du désordre qui a été créé, que la justice va ouvrir une enquête et que si leur responsabilité est établie, ils pourraient être suspendus et voire même perdre leur agrément. Quelle est votre réaction ?

Le CNRD est malheureusement sur sa lancée qui consiste à faire taire les voix discordantes. Bref tout ce qui ne va pas dans le soutien aveuglé à leurs actions est aujourd’hui réprimé. Tout cela est assez curieux parce dans un régime de transition, comme c’est le cas actuellement en Guinée, on s’attend plutôt à ce qu’on dialogue avec les principaux acteurs. Particulièrement les acteurs politiques. Pourquoi ? Parce qu’on arrive par la force, sans aucune légitimité et donc forcément on devrait rechercher le consensus avec les principaux partis politiques. Le but d’un régime de transition, c’est d’organiser des élections et ceux qui compétissent, c’est quand-même les partis politiques.

Alors, quelle lecture peut-on avoir lorsqu’on voit une junte militaire qui est supposée être là pour un court moment s’attaquer à ce point-là les partis politiques jusqu’à vouloir les éliminer complètement ?  Faire table rase de la classe politique signifierait que la junte a l’intention de confisquer le pouvoir. De plus en plus la preuve est faite que cette junte n’a pas l’intention de quitter sinon je me demande pourquoi elle continue à s’acharner contre la classe politique.

Mory Condé, ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation
Mory Condé, ministre de l’administration du territoire et de la décentralisation

De la même manière que la dissolution du FNDC n’a absolument pas eu d’effets, je ne crois pas que ce soit bon pour le CNRD d’aller dans le sens de dissoudre, suspendre ou retirer l’agrément d’un parti. Tout ça-là n’a aucun sens. Ce qui serait plutôt intelligent de la part du CNRD, c’est d’ouvrir le dialogue comme on les invite à le faire ainsi que la CEDEAO et d’autres entités. Nous-mêmes en tant qu’acteurs politiques on n’a cessé d’appeler le CNRD à ouvrir le dialogue car c’est la voix de sortie de crise. Toute autre option ne ferait qu’alimenter la crise et je crois qu’on n’a pas besoin de ça.

Est-ce l’UFR se sent concernée par cette menace ?

Je ne sais pas. Ce n’est pas l’UFR qui menace, c’est Mory Condé. Allez lui demander quels sont les partis concernés. Mais ce qui est évident, l’UFR n’approuve pas la façon dont la transition est gérée. Et comme la logique consiste à faire taire tous ceux qui n’approuvent pas, alors, tirez la conclusion vous-même.

Qu’est-ce qu’il faut pour sortir de la crise, selon vous ?

Partout il y a des tensions, des désaccords profonds dans un pays, de quelque nature qu’ils soient, la voie royale pour une sortie de crise, c’est de dialoguer. C’est comme ça que ça se fait partout où il y a conflit. S’il y a une contestation de quelle que raison que ce soit, dans un pays géré normalement, le réflexe des dirigeants ce n’est pas de réprimer, faire taire ou emprisonner les gens. C’est de les inviter pour discuter, pour que chacun comprenne et essaie de faire un minimum de concession pour avancer ensemble.

Les gens du CNRD sont guinéens mais nous aussi nous le sommes. Ils ne peuvent pas nous éliminer de la carte du pays. Ce n’est pas possible. Pour l’instant, ils sont au pouvoir on est obligés de tenir compte de cette réalité. S’acharner contre une partie des Guinéens comme ils le font, je dois rappeler qu’ils ne sont pas là pour ça.

Leur principale mission c’est d’organiser les élections et quitter. Il ne faudrait pas qu’on oublie le discours tenu par Mamadi Doumbouya à sa prise de pouvoir le 05 septembre 2021. Il nous avait promis beaucoup de changements, mais aujourd’hui il est en train de totalement dévier. On ne le reconnaît pas dans ses promesses du 05 septembre dans ses actions. Il est temps pour lui de revenir à ses engagements de départ.

Il avait dit qu’on ne va plus refaire les erreurs du passé. Mais aujourd’hui, de journalistes sont menacés, de acteurs de la société civile, dès que tu parles on t’envoie directement à la maison centrale. Des organisations de la société civile sont dissoutes et maintenant c’est les partis politiques qu’on veut dissoudre, ça ne veut absolument rien dire.

Colonel Mamadi Doumbouya, président de la Transtion
Colonel Mamadi Doumbouya, président de la Transition

Quel est l’objectif visé par le CNRD ? Éliminer toutes les voix discordantes ? Mais depuis Lansana Conté on a eu droit à une certaine liberté, les Guinéens ne vont pas s’asseoir et voir une junte militaire venue au pouvoir par la force, retirer tout ça. Comme le disait un des journalistes, est-ce que Doumbouya lui-même son action du 05 septembre était légale ? Il faut arrêter un peu et qu’on soit raisonnable.

En tout cas, à ce que je sache, les Guinéens ne se laisseront pas, ce n’est pas une affaire des politiques. Il y a des citoyens qui se reconnaissent dans un certain nombre d’entités, (société civile ou partis politiques), on ne peut pas supprimer ça, ce n’est pas possible. C’est plus facile de supprimer le CNRD que de supprimer des partis politiques qui sont sur le terrain depuis plus de 20 ans et ont certaine légitimité ou l’écrasante majorité. Donc, ça ne s’efface pas par un décret ou une déclaration au lendemain d’une manifestation assez gênante.

Interview réalisée par Siddy Koundara Diallo 

Pour Africaguinee.com 

Tel: (00224) 664 72 76 28 

Créé le 18 février 2023 14:55

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