Bah Oury : «Je suis profondément triste pour le Sénégal…»

Bah Oury, leader de l'UDRG

CONAKRY- C’est un homme politique « attristé » par la situation actuelle du Sénégal qui s’est confié à Africaguinee.com, ce vendredi 2 juin 2023. Jadis considéré comme un havre de stabilité démocratique et sociale, dans une région en transe, le pays de la Terranga plonge dans la violence et l’incertitude. Ce jeudi 1er juin 2023, neuf personnes y ont été tuées dans des heurts survenus suite à la condamnation de Ousmane Sonko à deux prison ferme pour « corruption de jeunesse ». Ces violences d’une rare intensité surviennent à quelques mois de l’élection présidentielle alors que Macky Sall n’a pas encore dit si oui ou non il se portera candidat.

En Guinée, les évènements en cours sont observés de très près. Comment expliquer ces violences ? Quelles pistes de solutions ? Africaguinee.com a interrogé, BAH Oury, acteur politique et président de l’UDRG (Union des Démocrates pour la Renaissance de la Guinée). Il livre son analyse.

AFRICAGUINEE.COM :  Quelle analyse faites-vous des violences en cours au Sénégal   ?

BAH OURY : Je suis triste de constater que pour des rivalités politiques et politiciennes qu’on puisse encore dénombrer beaucoup de morts au Sénégal, pays réputé pour la qualité de ses institutions étatiques, des racines profondes d’un savoir qui est marqué par la tolérance, et une certaine capacité de mettre l’intérêt national au-dessus de toutes autres considérations. C’est dommage qu’il en soit ainsi. Mais peut-être avec le temps, les évolutions, rien n’est définitivement acquis, il faut toujours se battre pour raffermir les valeurs fondamentales qui caractérisent et qui ont toujours caractérisé l’esprit politique au Sénégal.

Ce cycle de violences devient récurrent alors que le pays se dirige à une élection présidentielle en 2024. N’est-ce pas des signes qui font craindre le pire ?

Le contexte international est particulièrement difficile. Le contexte régional avec des mentalités qui ont négativement impacté des pays comme le Mali, Burkina pour ne citer que ceux-là font qu’il faut être extrêmement prudent, attentif à toute forme d’actions politiques susceptibles de dégénérer en violence. Il faut en faire l’analyse et essayer de prévenir pour ne pas se retrouver dans un effet de domino dans une région complètement déstabilisée.

La classe politique du Sénégal, toute tendance confondue devrait avoir cette attitude qui a caractérisé pratiquement les anciens, pratiquement le président Senghor. Je regrette et je suis profondément triste pour le Sénégal et le peuple sénégalais.  Cela est d’autant plus préoccupant que ces violences interviennent dans un contexte qui n’est pas du tout favorable à une certaine forme d’apaisement du fait de beaucoup de facteurs liés à la question judiciaire, des prochaines élections. C’est dommage. Mais je m’abstiens d’aller en profondeur sur ces questions puisque je ne veux pas m’immiscer dans les affaires intérieures du Sénégal.

Est-ce que selon vous, ces violences sont aussi l’expression d’une certaine colère, liée à l’ambigüité qu’entretient le président Macky Sall sur son avenir politique ?

Toute période électorale, quel que soit le nombre de mandat qui est en jeu est sujette de tension. Je pense qu’actuellement cela peut être un facteur qu’il ne faut pas négliger non plus.

Durant ces dernières années de gestion de Macky Sall, des leaders politiques présentés comme ses véritables challengers ont eu des soucis avec la justice. Il y a eu par le passé le fils de Abdoulaye Wade, Karim Wade, après Khalifa SALL et maintenant Ousmane Sonko. Comment comprenez-vous  cela ?

Par rapport à cette question je dis NO Comment. Mais au-delà du Sénégal, sur le plan international, dans des pays africains et même européens y compris des pays de l’Amérique Latine, la question de la judiciarisation des activités politiques est un fait marquant. Parce que les valeurs traditionnelles qui caractérisaient la politique d’avant sont en train d’être battues en brèche.

Aujourd’hui il n’y a plus de secret, la transparence est une réalité quotidienne avec la multiplication de l’interférence des réseaux sociaux dans la sphère politique tout comme privée. D’où la nécessité pour tout homme politique, femme politique de faire preuve d’exemplarité parce que sinon, pour un rien, surtout lorsqu’on est un opposant, pour des faits qui sont liés à une vie privée, on peut se retrouver dans les mailles de la justice pour se voir incriminé ou perdre la possibilité de gagner son combat. C’est une réalité mondiale, il faut en tirer les leçons, mais il faut aussi de part et d’autre que la justice aussi soit professionnelle, exemplaire et que toute personne ou citoyen qui se retrouve dans des situations où il est interpellé par la justice, puisse bénéficier de la présomption d’innocence.

Quelle devrait être l’attitude la CEDEAO face à cette autre crise ?

La frontière entre les problèmes intérieurs d’un pays et les problèmes qui peuvent impacter la stabilité de ce pays est assez mince. C’est la raison pour laquelle il faut se réinventer, se réinterroger et il faut édicter de nouvelles règles dans le jeu politique qui devrait être plus exigeante, d’une certaine forme d’exemplarité, de vertu pour ne pas que des questions d’égos entre individus ou des ambitions personnelles d’individus puissent amener à la dislocation du tissu social et amener des problèmes d’instabilité.

Regardez ce qui se passe au Soudan actuellement, entre les deux Généraux, c’est des situations qui peuvent dégénérer, déstabiliser toute une région du fait simplement des rivalités entre deux individus. Donc, il faudrait que les institutions africaines, notamment la CEDEAO (Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest) doivent aller en profondeur, dans cette approche qui doit permettre de régénérer et une autre façon de faire la politique surtout dans un contexte de fragilité généralisée.

Quelle solution préconiseriez-vous par rapport à ce qui se passe au Sénégal ?

Il m’est difficile de donner une leçon ou bien de faire quoi que ce soit parce qu’en tant qu’acteur politique guinéen, je dois être tenu à la réserve par rapport à des appréciations singulières sur la situation politique intérieure d’un pays frère. L’essentiel pour nous, ce que ce pays retrouve sa stabilité et que la situation s’apaise. Nous profitons pour présenter nos condoléances à toutes les familles éplorées.

Avez-vous alors un appel à lancer à l’endroit des acteurs (Sénégalais) mais aussi aux Guinéens qui y résident ?

Partout, que tous les acteurs, que ça soit au Sénégal ou ailleurs fassent preuve de retenue, de responsabilité et essayer de prendre le temps car le temps est le principal remède à toute forme soit d’injustice, soit de recherche de solutions. Prendre le temps de vivre, de gérer et de digérer certaines situations, de surmonter des épreuves, avec le temps on peut trouver des solutions à des problèmes qui paraissaient insolubles. Il faut miser sur le temps, un certain empressement, une certaine impatience peut amener à perdre l’essentiel alors qu’il y avait encore de l’espoir pour les années à venir.

A nos compatriotes Guinéens qui se trouvent au Sénégal, tout ce que je peux leur demander, c’est d’être en réserve par rapport à la situation politique intérieure du Sénégal. Quelle que soit leur relation et leur ancienneté au pays, il faut se garder, de manière ostentatoire d’y être mêlé.

Interview réalisée par Siddy Koundara Diallo

Pour Africaguinee.com

Tel : (00224) 664 72 76 28

Créé le 2 juin 2023 17:08

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