Ismaël Condé : « La violence ne résout rien… »

CONAKRY-Une partie du Marché Madina située dans la commune de Matam a été le théâtre de violentes échauffourées les 12 et 13 septembre 2023.

Ces violences ont entrainé des cas de destructions de biens publics et privés. Le maire de Matam déplore ces violences tout en annonçant des actions pour endiguer ces remous occasionnés par une  campagne de dégagement des emprises.

Ismael Condé répond également aux accusations selon lesquelles la commune aurait indûment perçu de l’argent avec des femmes qui occupaient les emprises.

AFRICAGUINEE.COM : Une partie du Marché de Madina a connu des agitations les 12 et 14 septembre. Qu’est-ce qui est à l’origine de ces remous ?

ISMAEL CONDÉ : Il y a de cela un mois, nous avons entamé une vaste campagne de sensibilisation dans les cinq communes de Conakry avec pour but le dégagement des routes et des emprises afin de permettre aux citoyens de mieux circuler. Parce qu’il ne sert à rien de faire les voiries et que les gens ne puissent pas circuler. Donc, c’est ce problème épineux auquel nous sommes confrontés actuellement. L’Etat est en train d’investir des milliards de nos francs pour refaire nos voiries mais malheureusement ces voiries sont occupées aujourd’hui par les marchands. Ce qui cause problème. De notre côté, nous avons entamé un projet pour fluidifier la circulation sur la route du Niger, section Constantin-Mafanco pour un début. Nous avons constaté que ce tronçon est embouteillé au niveau de parties principales, au niveau du rond-point de Madina qu’on appelle communément Cocoboungni et au niveau du marché Avaria. Qu’est-ce qui occasionne l’embouteillage ? Ce sont les femmes vendeuses qui étalent carrément leurs marchandises en pleine chaussée, les taxis et minibus communément appelés Magbana qui stationnent sur la même chaussée, qui est attaquée dans tous les deux côtés.

Sauf que cette partie n’est pas faite pour ça, la chaussée est faite pour que les gens et les engins circulent normalement. Donc, il fallait enlever les femmes vendeuses sur la chaussée et trouver un lieu de stationnement des véhicules pour qu’on puisse circuler normalement.

C’est ainsi qu’on a essayé de faire une cohabitation pacifique entre ces femmes et les boutiquiers pour que chacun puisse avoir une portion de place sur l’espace publique puisque les commerçants ont leurs boutiques mais la devanture de leurs boutiques c’est l’espace publique. Donc, quand on a essayé cela, il y a eu des échauffourées. Mais hier (mardi 12 septembre 2023 ndlr), les représentants de la chambre du commerce étaient là, plus les représentantes des femmes et on est en train de trouvé un compromis afin qu’on puisse avoir une cohabitation pacifique entre les boutiquiers et les femmes vendeuses dans le but que la route du Niger puisse être libérée des tous les encombrants qui empêchent aujourd’hui les véhicules de circuler normalement.

On vous (la mairie) accuse d’avoir perçu de l’argent avec ces femmes déguerpies.  Vue que vous n’avez pas pu trouver un lieu où les installer vous vous êtes rabattus sur ces pauvres commerçants. Que répondez-vous ?

Non, c’est trop simple de dire que la Mairie a pris de l’argent avec ces femmes. La Mairie ne prend pas de l’argent à ces femmes, nous ne gérons pas la route, nous, nous gérons les marchés mais ce qu’on a constaté, les commerçants qui sont dans les boutiques installent eux-mêmes des gens devant leurs boutiques pour percevoir de l’argent. Ces commerçants considèrent la devanture de leurs boutiques comme une partie intégrante de leurs boutiques alors que ce n’est pas le cas. C’est ce qui fait qu’il y a des remous aujourd’hui parce que ces commerçants ne veulent pas que nous dégagions la devanture de leurs boutiques parce qu’ils estiment de façon erronée que c’est le prolongement de leurs boutiques. En plus, dans les quartiers aussi, les propriétaires des maisons qui ont baillé ces boutiques aux commerçants qui profitent de cet espace pour installer ces femmes afin de prendre de l’argent avec elles.

On a toutes ces informations, mais la Mairie ne gère pas cela.  Tout ce qui nous intéresse aujourd’hui c’est comment il faut faire pour dégager la route afin que les gens puissent circuler normalement. On ne peut pas aller récupérer l’argent sur la route. Ce qui est dit là c’est une fuite en avant des gens parce qu’ils ne veulent pas être touchés.  C’est complètement faux de dire que la Mairie a pris de l’argent avec ces femmes. Hier, ces femmes étaient là et elles disent qu’on est en train de les aider pour trouver un lieu de recasement.

Dans notre pays on a oublié le développement de sa population, les infrastructures marchandes n’ont pas été construites depuis plus de 40 ans. Maintenant la population s’est agrandie mais malheureusement il n’y a pas des lieux où nous pouvons caser tout le monde. Donc, il y a un problème social qui se pose, il faut que l’Etat se réveille, il faut que nous construisions des marchés parce qu’on ne peut pas laisser ces femmes comme ça qui n’ont que cette activité seulement pour gagner leur pain quotidien. Ces femmes font partie du patrimoine de ce pays, il faut que nous pensions à elles. Depuis la construction du Marché de Madina en 1964 jusqu’aujourd’hui la population de Conakry a grandi de combien de pourcent ? A la construction de ce Marché, Conakry se limitait à Bonfi mais aujourd’hui Conakry est à la porte de Kindia jusqu’à présent le marché n’a pas été agrandi d’un m².  Donc, c’est normal que les femmes se déportent dans la rue. La responsabilité n’incombe pas seulement aux femmes, l’Etat aussi a ses responsabilités.

Est-ce que vous n’êtes pas en train de résoudre un problème tout en créant un autre en voulant installer coûte que coûte ces femmes devant ces boutiquiers qui manifestement ne sont pas favorables ?

Je comprends qu’ils ne sont pas favorables.  Sauf que ces mêmes boutiquiers installent des femmes devant leurs boutiques. Dans le marché de Madina toutes les devantures des boutiques sont occupées. Donc, on ne peut comprendre que ces boutiquiers installent eux-mêmes des gens sur la voie publique et ils interdisent la Mairie d’installer les gens. La voie publique n’appartient qu’à l’Etat. Je pouvais comprendre qu’ils nous disent « nous ne voulons personne devant nos boutiques parce que c’est une voie publique », mais ce n’est pas le cas, eux-mêmes ils installent des gens. C’est quelque chose qui est incompréhensible chez nous surtout que la partie où ils installent les gens n’appartient qu’à l’Etat.

Les commerçants disent également qu’ils sont asphyxiés par la Mairie à travers les taxes et impôts qu’on leur impose…

Nous n’imposons pas des taxes. Tout le monde paye les taxes. Mais quand on prend les patentes c’est la contribution de tout un chacun dans le développement économique. La plupart de ces commerçants ne tiennent pas de comptabilité. Donc, si quelqu’un ne tient pas de comptabilité il paie une contribution forfaitaire qui n’a rien avoir avec l’installation sur l’emprise. Donc il ne faut que les commerçants mélangent ce qu’ils paient en termes de TVA pour singulariser. Tout le monde paie ça et c’est la direction générale des impôts qui prélève cela, nous ne prélevons aucune taxe au niveau des commerçants parce qu’ils ne sont pas dans nos marchés, ils ne paient pas des taxes de marché. Les commerçants ne paient aucune taxe aux communes parce qu’ils ne sont pas dans les marchés qui sont gérés chez nous, ils sont dans les quartiers, dans les résidences qui ont été construits par des privés et ils paient la location à ces privés. Ils ne paient pas la location à la Mairie.

Quel bilan faites-vous des échauffourées ?

Il y a eu des échauffourées avant-hier et hier (mardi 12 septembre, ndlr), il y a eu des agents des forces de l’ordre qui ont été blessés, des véhicules et des matériels de travail des forces de l’ordre ont été complètement caillassés. Hier tous les responsables de la commune m’ont accompagné pour aller rendre visite aux agents blessés qui sont alités dans les centres de santé de la Commune de Matam. Nous ne pouvons pas laisser faire ça, ce n’est pas parce que quelqu’un n’est pas content, il va prendre les cailloux pour jeter, blesser les gens et caillasser des véhicules des forces de défense et de sécurité. Quand cela arrive c’est une action de justice qui entre en jeu. Le procureur a été saisi et les personnes qui ont été interpellées seront mises devant leurs responsabilités.

Une enquête indépendante sera faite et les gens qui seront reconnus coupables seront condamnés à la hauteur de ce que dit la loi a prévu. Quand il y a des troubles à l’ordre public comme ça qui vont jusqu’à l’agression des agents des forces de l’ordre, c’est la justice qui est saisie d’enquêter de manière indépendante. Ce volet n’est plus géré par la commune, il est géré entre la police et la justice et la justice fera son travail.

Est-ce que vous n’avez pas manqué de pédagogie dans la résolution de cette problématique ?

Non, pas du tout. On a passé plusieurs semaines de sensibilisation, tout le monde nous a vu ici avec des véhicules sonorisés accompagnés des comédiens. On a sillonné pendant deux semaines les routes des nos différents quartiers pour leur dire que nous allons commencer à faire le dégagement des routes. En plus, après ces deux semaines de sensibilisation nous sommes allés vers eux pour leur dire ‘’demain nous allons commencer à enlever les tables et autres qui obstruent la route’’. Cela a été fait partout, à Madina, à Avaria, à la gare routière mais pourquoi à Cocoboungni ils refusent.

Hier les représentants des commerçants étaient là, on a discuté, on a été sur le terrain et on a trouvé un compromis, au lieu de jeter les cailloux, on pouvait commencer par ça. Si nous, nous avons manqué de pédagogie ok on l’admet mais cela ne leur donne pas le droit de jeter des cailloux, de caillasser les véhicules des forces de l’ordre et les blessés. Si à chaque fois quelqu’un n’est pas content il doit manifester par la violence alors qu’est-ce qui reste à l’Etat ? il faut que chacun prenne sa responsabilité dans une société, même si vous n’êtes pas d’accord sur une situation donnée, il y a des voies de recours et on peut toujours discuter entre nous pour trouver un compromis. Mais la violence n’est pas la solution et elle ne sera jamais la solution.

Quelle va être la prochaine étape ?

Hier les représentants des commerçants étaient là, nous avons mis en place des commissions qui iront sensibiliser les commerçants pour qu’ils respectent la limite qu’on leur a octroyé pour exposer leurs marchandises. Cette équipe de sensibilisation devrait être composée de représentants des commerçants, de représentants de la Mairie, de représentants du quartier. Mais j’ai été surpris quand j’ai appelé ce matin les représentants des commerçants qui se trouve être le président de la chambre du commerce de Matam qui m’a dit qu’il a eu un décès ce matin c’est pourquoi il n’a pas pu venir.

Cette sensibilisation devrait débuter aujourd’hui, malheureusement pour un cas social la sensibilisation n’a pas pu avoir lieu et les gens ont encore occupé toutes les emprises, c’est comme si rien n’a été fait. Et quand on va intervenir encore ils vont dire que le Maire devait revenir sur la négociation. Quand on intervient on dit que la Mairie utilise la violence et quand on met des commissions pour aller travailler sur le terrain, on ne voit personne. Donc, à un moment donné nous on est obligé de prendre notre responsabilité.

Oumar Bady Diallo

Pour Africaguinee.com

Créé le 14 septembre 2023 15:18

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