Faut-il craindre une révision de la constitution en Guinée ?

Alpha Condé lors de la cérémonie de prestation de serment en 2015

Les avertissements du président de la cour constitutionnelle Kelefa Sall qui avait demandé au président réélu Alpha Condé de ne pas « succomber  à la mélodie des sirènes révisionnistes » sont mis à l’épreuve. Au fait, l’hebdomadaire  jeune Afrique, par la plume de son directeur de publication, vient de lancer le bal dans son éditorial Alpha Condé : l’homme pressé. Subtilement mais (très) méthodiquement François Soudan plante le décor et annonce les couleurs dans son portrait d’un président obsédé par son pays et en guerre contre le temps (sic).

Nous n’évoquerons pas les rapports tant controversés entre le journaliste et certains chefs d’États africains, mais  décortiquerons  ce qui apparaît comme des signaux d’alarme, si le président cédait à la tentation. Pour l’instant nous n’en sommes pas là et nous précisons que rien ne nous permet d’attribuer de telles intentions à Alpha Condé. Cependant, connaissant la proximité entre les deux hommes, on est tout de même en droit de s’interroger.

Commençons par la fin de l’éditorial ou de ce qui apparaît comme une storytelling en temps de campagne électorale, François Soudan écrit : « son deuxième mandat en principe le dernier prend (prendra NDLR) fin en octobre 2020 mais tout Conakry se pose déjà la question : voudra-t-il aller au-delà ? Mon souci, répond-il, c’est d’achever mes projets et d’appliquer mon programme. Pour le reste comme disait Karl Marx,  l’humanité ne se pose que les problèmes qu’elle est en mesure de résoudre. » L’ancien leader étudiant de la Fédération des étudiants d’Afrique Noire en France (FEANF) n’en dira pas plus. En d’autres termes, la question ne se pose pas encore. Suspens! Suspens!, mais rien d’alarmant a priori. Revenons à présent au fameux éditorial, de  M. Soudan il a procédé comme suit :

Primo faire le portrait ou décrire les qualités du  produit à vendre, dans cette rubrique on a eu droit entre autres : Alpha Condé, 78 ans, extrait de la carlingue son mètre quatre-vingt et sa carcasse, étonnamment souple, de bonze malinké et pour diluer ce qui peut être interprété comme un handicap (son âge et sa capacité physique) François Soudan vante son dynamisme et illustre ses propos en ces termes : « Mes pairs me demandent comment je fais pour tenir ce rythme », s’amuse-t‑il. Réponse : massages chinois et exercices physiques, chaque jour, avec un coach. Diététique au cordeau. Et gloup la pilule est avalée, c’est du travail de pro !

secundo afficher l’homme politique en homme providentiel qu’il faut pour « sauver » la Guinée. Une petite dose du culte de la personnalité et le tour est joué. Appréciez cet extrait svp : Même si Alpha II (en référence au second mandat NDLR), celui du second quinquennat, a appris – un peu – (il le précise bien) à déléguer, il reste le président de tout et de partout (sic). Quid des autres institutions républicaines ? à quoi servent le gouvernement et l’administration publique. Avons-nous encore besoin d’homme fort ou d’institutions fortes ? Mais il poursuit en ces termes  constamment en alerte, attentif au moindre détail, obsédé par les résultats (ca va de soi pour tout président et tant mieux pour la guinée). Dans une de ses explications François Soudan nous fait un petit rappel pour  conscientiser  les guinéens de  la baraka d’avoir un président comme le nôtre, lisez plutôt : Arrivé septuagénaire au pouvoir, après une vie de combats politiques (mythe du héros pour la conscience collective et la postérité), il sait que l’horloge tourne vite (…) Alpha Condé l’homme pressé court après le temps. Le seul hic, c’est que M. Soudan  ne précise pas que M. Alpha Condé entame sa 7e année de présidence. Ah j’oubliais encore une fois on nous réchauffe la fameuse excuse que tout le monde connait et au final ça devient redondant, n’est-ce pas ? Mais on s’en fout tant que ça marche et tenez-vous bien, parmi les raisons qui expliqueraient le bilan mitigé du professeur nous avons : Lorsqu’il accède au pouvoir à la fin de 2010, Condé hérite d’un pays en lambeaux  (carrément). Cette méthode consiste à faire table rase de ce qui existait une façon de dire qu’aujourd’hui est mieux qu’hier mais beaucoup moins que demain.il fallait y penser. D’où la réplique de Fodé Bangoura ancien haut dignitaire du régime Conté et actuel patron du PUP et les colères rouges de feu Jean-Marie Doré de son vivant. Après l’apocalypse, on nous explique que leurs malheurs sont dus successivement et par ordre chronologique à la tentative d’assassinat sur le président Condé en juillet 2011, à la grande faucheuse Ebola fin 2013 mais aussi, aux manifestations de l’opposition en 2013 et 2015, la chute des cours des minerais de fer et de bauxite, et pour couronner le tout dans une ferveur émotionnelle : le décès de l’homme qui a le plus compté dans sa vie, son frère Malick » Paix à son âme ! À l’en croire, c’est comme si le président de la république n’a aucune responsabilité, la faute c’est encore et toujours les autres, la nature et le surnaturel. Après tout Alpha Condé répète très souvent en public qu’il ne connaissait pas les guinéens, et c’est son défunt frère qui connaissait bien le peuple qu’il dirige. Pas étonnant il ne lit que des journaux étrangers en l’occurrence des quotidiens français d’ailleurs il le confirme souvent. Qui a dit que les médias est un outil d’aide à la décision ? mais en retour, les guinéens eux-mêmes connaissent-ils réellement leur dirigeant ? ah ma Guinée, le pays de tous les paradoxes.

Toutefois, on nous indique que l’espoir est permis grâce à une croissance (toujours à venir) à deux chiffres, une opposition muselée (oups pardon elle collabore au nom de la paix civile et pour le bonheur des guinéens). Au fait, l’opposition stricto sensu existe-elle encore ? De toute évidence, tout laisse à croire que certains leaders rivalisent d’ardeur afin de déterminer lequel sera « la courtisane préférée du grand chef »  et en ligne de mire la succession, si succession il y a.  Alpha Condé a toujours une bonne longueur d’avance (il faut le reconnaitre) sur ses opposants toujours opposés. Cependant, nous raconte François Soudan, Alpha Condé a déjà une maitresse et devinez laquelle ! elle s’appelle la Guinée. Dans une envolée lyrique, il écrit : et surtout une passion qui le dévore et l’anime à la fois : Alpha Condé vit, respire, pense, transpire, rêve Guinée, il s’endort et se réveille avec à ses côtés cette maitresse aussi belle qu’exigeante, qui l’a toujours habité mais que désormais il incarne parfois jusqu’à l’excès.   Donc c’est un amour fusionnel ?  Quoiqu’il en soit la Guinée aspire à se trouver un nouveau maître dès Octobre 2020. Heureusement qu’il ne s’agit pas de mariage c’est juste sa maitresse. Mais attention monsieur Soudan ne nous fabriquez pas un dictateur. Laissez-le rentrer dans l’histoire par la grande porte. Car tous les dictateurs ont en commun de prétendre aimer à la folie sa nation au risque de finir fous du pouvoir. En tout cas la nuance est extrêmement faible, attention il y a potentiellement danger…

Tertio montrer en quoi l’homme providentiel est en fait un messie

Dans cette rubrique, le directeur de publication de jeune Afrique, comme à son habitude a mis en avant son réseau de puissants, amis du président (Kouchner, Blair, Soros et cie)  au chevet de la Guinée juste par philanthropie et grâce au charisme du chef (sic).

Enfin un autre indice qui nous laisse un peu perplexes, c’est la nouvelle orientation stratégique de la coopération vers la Chine et la Russie. Des pays disposant du droit de véto aux nations-unies et moins intéressés aux droits de l’homme. Ces rapprochements sont-ils fortuits ? On espère que oui, pourvu que la Guinée gagne. Le président Alpha Condé a tout de même pris soin de ménager nos cousins gaulois et son camarade Hollande dont on lui prête une certaine proximité mais avec prudence (nul ne sait qui dirigera la France en mai  prochain qui est fou ?). Dans un jeu d’équilibriste, il rapporte que le soldat Alpha comme il le qualifie a déclaré tant que Dieu et mon corps me porteront, je remonterai sans cesse au front mais jusqu’à quand ? et de rajouter que la Guinée n’est la chasse gardée de personne. Le bras de fer a-t-il commencé ? Sa prise de position contre les ONG occidentales qu’il accuse de ne s’en prendre qu’aux africains est-elle aussi un autre indice ? Quoi de mieux qu’un discours paternaliste, souverainiste et panafricaniste pour susciter l’adhésion des masses principalement des jeunes.

Pour finir, disons que François Soudan a certainement cerné le dénominateur commun chez certains dirigeants africains, c’est leur addiction aux éloges et aux hommages. Si on aurait un conseil à prodiguer sans paraître prétentieux, ok disons une suggestion à faire à notre koro national c’est de ne jamais écouter les oiseaux de malheur qui sillonnent l’Afrique à la quête d’un nouveau pigeon à plumer. Ce sont des gens qui n’hésiteront jamais à tourner leurs vestes au gré du vent et des intérêts. Ne jamais oublier que les chefs d’Etats passent, des éditoriaux changent mais JeuneAfrique demeure, du moins pour l’instant mais jusqu’à quand ?  

 

Aliou SOUARE

Pour Africaguinee.com

 

 

Créé le 21 novembre 2016 08:57

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