Crise de carburant : Le calvaire des citoyens à Conakry… « reportage »

CONAKRY-Une crise sans précédent de carburant frappe la Guinée depuis l’explosion du principal dépôt des produits pétroliers, dans la nuit du 17 au 18 décembre 2023. Cette grave pénurie impacte tous les services. Pour amoindrir les effets induits de la crise, le gouvernement a décidé de rationner le service dans les stations-services à 25 litres par véhicules et 5 litres par moto. En revanche, il est interdit de servir le carburant dans des jerrycans.

A Conakry, certains citoyens passent la nuit dans les services-services dans l’espoir de trouver quelques litres. Des files indiennes sont formées à des kilomètres un peu partout devant les stations. Dans la nuit du mardi 9 janvier 2024, nos reporters ont sillonné quelques essenceries de la capitale. Le calvaire est à son summum. Certains motocyclistes que nous avons interrogés confient avoir fait 24 heures sans trouver une goutte de carburant. D’autres dénoncent le fossé entre le discours officiel et la réalité sur le terrain.

Massaboi Massagui Guilavogui témoigne : « Je suis arrivé ici à 22heures dans la nuit du lundi à mardi 10 janvier. A mon arrivée, on ne servait plus l’essence. On nous a fait croire qu’ils allaient reprendre. Ils ont servi le gasoil jusqu’à 04h du matin. Par la suite, il y a eu de rupture. Ils ont repris pour continuer jusqu’à 18heures (mardi 9 janvier 2024). Là, il est 22h, même un litre je n’en ai pas eu. Je suis là depuis 24heures. Tous ces automobilistes et motards que vous voyez arrêtés, personne n’a eu un litre. Ce qu’on ne comprend pas, lorsque des personnalités arrivent, on les sert.

Nous on nous dit qu’il n’y a pas d’essence. C’est paradoxal. Il y a le carburant mais on refuse de nous servir. On nous dit que cette station va servir 24h/24, or ça fait près de deux jours que j’ai quitté ma famille, je suis là, même un litre je n’en ai pas alors qu’on vit du quotidien », dénonce ce motocycliste croisé dans une station à Sangoyah Pharmacie qui recommande à la SONAP (Société nationale des pétroles) de dépêcher des superviseurs pour veiller au respect des consigne.

Trouvé assis sur sa moto, Mohamed Mansaré dénonce le fossé entre les annonces du Gouvernement et la réalité sur le terrain. « Le Gouvernement dit que la vente du carburant c’est H24, mais ce n’est pas ce qui se passe. Hier, je suis arrivé ici à 21h, mais ils ont arrêté de servir les motards à 22h. Le lendemain, ils servaient du gasoil jusqu’à 18h. C’est déplorable. Entre les discours et ce qui se passe sur le terrain, il y a tout un fossé », fustige ce jeune motard rencontré à la Station Tannerie.

Toujours sur l’autoroute Fidel Castro, notre journaliste a rencontré un autre jeune à la quête de l’essence dans une autre station. Visiblement très remonté par le retard qu’il a accusé sans avoir du carburant ce jeune n’exclut pas de se faire entendre par une manifestation.

« Depuis 15 heures nous sommes là, en quête de l’essence. Ils ont envoyé les forces de sécurité pour fermer la station. Ils nous ont dit qu’ils partent à la prière mais depuis qu’ils ont fini de prier ils refusent de reprendre le service. On en a marre de cette crise de carburant. Que les autorités se déploient pour que nous puissions sortir de cette crise là. Sinon, avec cette allure, nous risquons de nous faire entendre à travers des manifestations. Je dirai aux autorités de nous aider. Je suis un élève, nous ne partons pas à l’école », cet autre jeune motard.

De l’autoroute, nous nous rabattons sur la dorsale nord. Il est 23h 56’ GMT, nous voilà à la station Total de Kipé en face du Lycée Français. Nous rencontrons Mamadou Alimou Barry, à bout de ses forces. Étreint par la fatigue, il confie avoir passé une salle soirée pour avoir du carburant.

« J’ai commencé à faire la queue au niveau de la station Shell de Nongo Taady mais malheureusement ces gens-là aussi ont fermé la station sans même nous informer, on est resté là-bas sans même savoir qu’elle avait fermé. Après on est venu ici encore. Personnellement, je suis arrivé ici depuis 21h mais quand même ici on a l’espoir d’avoir du carburant parce que ça bouge un peu. Nous rencontrons assez des problèmes, mais pour moi le plus grand problème c’est le retard.

Nous demandons aux autorités de nous aider à débloquer cette situation parce que les Guinéens souffrent énormément actuellement. Imagez dans toute la capitale Conakry, il n’y a que quelques stations qui servent du carburant alors que la population est estimée à des millions à Conakry ici. Il y a des embouteillages dans les toutes stations. C’est très difficile actuellement pour nous et nous demandons autorités de nous aider à sortir dans cette galère », lance ce motard.

Nous poursuivons notre périple. A la station Total qui se trouve au niveau du Carrefour Kobayah. Là les nerfs se sont vite échauffés, obligeants les gérant à arrêter le service. Nous avons interrogé un jeune, visiblement très frustré par l’indiscipline de certains motards.

« A cause de l’indiscipline et de l’incivisme de certaines personnes, ils ont arrêté de servir du carburant ici. Un jeune motard qui sorti de nulle part a foncé directement sans suivre la ligne. Lorsqu’on lui a dit de sortir suivre la queue, il a refusé du coup tous les autres motards ont foncé pour rentrer dans la station. C’est ainsi que les pompistes se sont fâchés et ils ont arrêté le service. Moi je suis là depuis 17h et il est 23h, maintenant je suis obligé de laisser ma voiture ici pour rentrer et revenir à l’aube », nous a confié cet automobiliste.

Sur les lieux, un autre jeune motard ajoute : « Mon tour était arrivé au moment où ils ont arrêté de pomper. Imaginez depuis 16h j’étais sur la ligne et dès qu’on mon tour arrive on arrête de travailler à cause d’un soulard. C’est vraiment malheureux pour nous Guinéens c’est pourquoi nous allons toujours continuer à souffrir », fustige cet autre jeune.

Oumar Bady Diallo et Sayon Camara

Pour Africaguinee.com

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Créé le 10 janvier 2024 15:09