Variole du singe : Dr Ibrahima Bah dit tout… « interview »

CONAKRY- Identifiée pour la première fois chez l’être humain en 1970 en République démocratique du Congo (RDC), la variole du singe ou encore le Mpox est une maladie infectieuse émergente causée par un virus transmis par des animaux infectés, le plus souvent des rongeurs.

La Guinée a enregistré son premier cas de variole du singe le 02 septembre 2024. La préfecture de Macenta, berceau de cette épidémie est sous surveillance sanitaire accrue, de part des autorités compétentes.

Pour parler de cette maladie peu connue chez les Guinéens, Africaguinee.com est allé à la rencontre du Dr Ibrahima Bah, en service au CHU de Donka. Cet enseignant-chercheur et spécialiste des maladies infectieuses et tropicales dit tout sur la variole du singe : Causes, symptômes, mode de transmission, taux de mortalité, traitement. La variole du singe n’est pas fatale rassure-t-il. (Interview)

AFRICAGUINEE.COM : La Guinée a enregistré son 1^er cas confirmé de la variole du singe, déclarée urgence sanitaire mondiale par l’organisation mondiale de la Santé. Parlez-nous de cette maladie ?

DR. IBRAHIMA BAH : La variole du singe encore appelée Mpox est une maladie infectieuse virale rare, contagieuse à déclaration obligatoire. Cette maladie est due au virus orthopoxvirus simienne qui est un virus apparenté au virus de la variole.

Quels sont ses symptômes ?

Les symptômes de la variole du singe sont classés en deux phases : la phase prodromique. C’est une phase avant l’apparition des éléments dermatologiques. Donc la phase prodromique est caractérisée par un syndrome grippal marquée par une fièvre dont la température peut dépasser 38°C avec des frissons et des sueurs abondantes, une asthénie physique, des céphalées, des adénopathies, une odynophagie c’est-à-dire une douleur à la déglutition des aliments, des érosions buccales, des atteintes des muqueuses génitales à type de douleurs, des écoulements ou des brûlures mictionelles ou anales. Vous pouvez avoir aussi des douleurs digestives à type d’épreinte, ténesme, faux-besoin.

A cette phase de la maladie, seuls les arguments épidémiologiques peuvent permettre à l’agent de santé de penser à Mpox. Ces arguments épidémiologiques sont entre autres : une personne revenant d’une zone touchée par cette maladie, ou des personnes qui sont en contact avec des animaux (rongeurs, singes), la consommation de la viande de brousse, des contacts avec des parois infectés c’est-à-dire des lésions cutanées, des affaires personnelles du patient. Cette phase prodromique est caractérisée par ces symptômes.

La deuxième phase s’appelle la phase d’état. C’est à cette phase que vous avez les manifestations dermatologiques qui sont souvent évocatrices des macules à type des vésicules, parfois des pustules de grande taille, avec ombilication centrale, parfois vous pouvez avoir des lésions nécrotiques, des pseudos folliculites, des inflammations péri-lésionnelles pouvant atteindre tout le corps notamment les paumes et les plantes de pieds, le visage et le cuir chevelu.

Il survient en des poussées uniques en général, mais on a une possibilité́ de lésions d’âges différents. Ce qui fait qu’on peut confondre parfois la variole du singe à la varicelle parce que dans les lésions élémentaires de la varicelle vous avez des lésions d’âges différents et elle aussi est caractérisée par des douleurs lors de ces poussées éruptives.

Quel est le mode de transmission de la variole du singe ?

Le virus se transmet par tout contact direct avec la peau ou les muqueuses (bouche, rapports sexuels), et par les gouttelettes de salive, éternuements, postillons que le patient peut dégager. On peut également se contaminer au contact des croûtes tombées et de l’environnement du malade (la literie, les vêtements, les vaisselles, le linge, les bains…). C’est une zoonose donc on peut se contaminer aussi à travers des animaux infectés par le virus.

Qu’est-ce qu’il faut faire pour ne pas attraper la variole du singe ?

Pour ne pas attraper la variole du singe, il faut le respect des règles élémentaires de l’hygiène c’est-à-dire, le lavage des mains, la vaccination lorsque nous sommes dans une zone d’épidémie.

Peut-on guérir de la variole du singe ?

Oui, la plupart des patients guérissent dans l’intervalle de 2 à 4 semaines en l’absence de complications.

Quel est son taux de mortalité ?

Il faut noter que la variole du singe est moins grave que la variole proprement dite. Et selon les données disponibles, nous avons une mortalité qui varie entre 0,1 % et 10 %. Il est important de noter que les taux de mortalité peuvent varier dans différents contextes en raison de plusieurs facteurs, tels que l’accès aux soins de santé et une immunodépression, notamment due à une infection au VIH non diagnostiquée ou à un stade avancé peuvent faire des formes graves et qui peuvent entraîner le décès de ces patients.

Quel est la cause de la variole du singe ?

La cause réelle de la variole du singe c’est quand on rentre en contact avec le Virus de monkeypox et surtout quand on ne respecte pas les mesures de prévention.

Comment peut-on traiter la variole du singe ?

Comme toutes les infections virales, on a rarement des traitements étiologiques, ce sont des traitements symptomatiques que nous faisons quand on reçoit les patients. Généralement les patients viennent pour la fièvre, l’asthénie et nous donnons des médicaments en fonction de ces symptômes. Mais pour des cas graves, il y a un traitement antirétroviral qui a été mis au point pour traiter la variole (le técovirimat) qui a été approuvé en janvier 2022 par l’Agence européenne des médicaments (EMA).

Donc le vaccin contre la variole est disponible ?

Oui nous disposons d’un vaccin qui est très efficace et la RD Congo qui est l’épicentre de cette maladie vient de recevoir ses premiers vaccins contre la variole du singe. Le vaccin Imvanex qui a déjà une Autorisation de Mise sur la Marché (AMM) depuis 2013 dans la prévention contre la variole chez les adultes a également obtenu depuis le 25 juillet 2022 une Autorisation de Mise sur la Marché (AMM) dans la prévention et contre la variole du singe.

Quel est le lien entre la variole du singe et Ebola ?

Ils sont tous des virus et ils sont tous des zoonoses et il peut y avoir des liens au niveau des symptômes et au niveau du mode de transmission, ils sont pareils parce que ce sont des contacts directs bien qu’Ebola soit plus contagieux que la variole du singe.

Quels conseils pouvez-vous donner aux personnes atteintes de cette maladie ?

C’est de demander aux patients de très rapidement consulter une structure sanitaire parce qu’autant la prise en charge est rapide plus on a une chance de ne pas développer la forme grave. De respecter les règles élémentaires d’hygiène et les gestes barrières. Il faut s’abstenir des rapports sexuels pendant toute la durée d’isolement. On ne sait pas combien de temps le virus persiste dans le sperme et les sécrétions génitales, ni si ces liquides biologiques peuvent transmettre la maladie. Par ailleurs, la guérison des atteintes muqueuses, notamment oro-pharyngées et rectales, n’est pas facile à affirmer, contrairement aux atteintes cutanées. En conséquence et par précaution, il est recommandé d’utiliser un préservatif lors des rapports sexuels de tous types jusqu’à 8 semaines après la fin de la période de contagiosité.

Au niveau local est-ce qu’il y a un traitement contre la variole du singe parce qu’on entend souvent des gens dire ‘’si vous utilisez les feuilles, les écorces ou les racines de tel ou tel arbres’’ vous pourriez guérir de cette maladie ?

Nous luttons contre ça. C’est ce qu’on appelle l’automédication. C’est vrai que la médecine traditionnelle est là mais il n’y a pas de traitement validé dans notre pays pour dire que cette plante peut guérir la variole du singe. D’ailleurs le plus souvent la variole du singe est bénigne, donc même sans traitement, vous pouvez guérir.

Donc la variole du singe n’est pas fatale ?

Non la variole du singe n’est pas fatale. Non seulement on peut la traiter mais aussi l’organisme parvient à l’éliminer sans même la traiter.