Simandou (Forécariah) : les communautés plaident pour la justice et le respect des engagements

FORECARIAH – Alors que le projet Simandou avance à Forécariah, les populations de Maferinyah et Kaback dénoncent des « préjudices » non compensés et des engagements non tenus. À travers un rapport d’impact communautaire, elles interpellent entreprises, autorités et partenaires pour un développement plus juste et inclusif.
Ce méga projet intégré est présenté comme le plus grand en Afrique. Il vise l’exploitation d’un gisement de minerai de fer de classe mondiale destiné au marché international. Il est censé stimuler la croissance économique de la Guinée à travers des revenus pour l’État, la création d’emplois et le développement d’infrastructures sociales de base.
Mais sur le terrain, sa mise en œuvre soulève de nombreuses préoccupations. Le tracé du projet traverse des zones agricoles et des espaces de pêche, provoquant la perte de terres pour des agriculteurs, la pollution de cours d’eau.
Bien que des études d’impact environnemental et social (EIES) ainsi que des plans de gestion aient été élaborés, des manquements sont relevés. Le non-respect de certains engagements, l’insuffisance du suivi et des mécanismes de compensation jugés inadaptés aggravent la situation des communautés affectées.
Face à ces constats, une initiative communautaire a vu le jour en 2023 pour assurer un suivi citoyen de la mise en œuvre du projet. Elle vise notamment à permettre aux populations de défendre pacifiquement leurs droits, en favorisant le dialogue à travers des mécanismes locaux de règlement des conflits.
C’est dans ce cadre qu’un comité de suivi du projet Simandou a été mis en place dans la préfecture de Forécariah, avec un focus particulier sur les sous-préfectures de Maferinyah et Kaback, fortement touchées par les travaux de construction du port et d’une portion du chemin de fer.
Soutenu par l’ONG Action Mines Guinée, ce comité a publié, ce lundi 19 mai 2025, son cinquième rapport d’impact trimestriel. La cérémonie de présentation du rapport a mobilisé les citoyens et les autorités locales de la commune de Kaback.
Alkaly Bangoura, membre des comités communautaires de l’ONG Action Mines Guinée à Maferinyah et Kaback, a dressé un tableau préoccupant de la situation dans sa sous-préfecture :
« À Kaback, le port de pêche artisanale de Bakla est pratiquement à l’arrêt, obstrué par les boues rejetées dans la mer. Une plainte a été déposée depuis janvier 2025, mais elle est restée sans suite. À Sounganyah, une vaste plaine agricole est devenue inutilisable à cause de dépôts de boue. La terre est perdue, sans aucun dédommagement. Aucun plan de restauration n’est envisagé. À Kaléyiré, des fissures signalées depuis 2023 sur les murs de plusieurs habitations n’ont toujours pas été traitées. La responsabilité est rejetée, sans même qu’une expertise indépendante soit menée.
Le mécanisme actuel de gestion des plaintes est défaillant : il manque de réactivité, de transparence, et reste difficile d’accès pour les communautés. Ces situations constituent une violation de nos droits, pourtant protégés par les textes nationaux et les normes internationales qui encadrent l’activité minière.
Il s’agit notamment : du Code minier guinéen, notamment en ses articles les articles 106 et 142 qui imposent des plans de gestion environnementale et des contributions au développement local ; du Code de l’environnement, en son article 9, qui consacre les principes de précaution, du pollueur-payeur et de responsabilité environnementale ; de la Norme de Performance n°5 de la SFI, qui exige une compensation équitable et la restauration des moyens de subsistance après tout impact ou déplacement ; et enfin des Plans de Gestion Environnementale et Sociale (PGES) propres à l’entreprise.
L’application stricte de ces textes est indispensable pour la réussite du projet Simandou, au bénéfice de tous. Nous ne voulons pas d’affrontements », a-t-il déclaré.
Alkaly Bangoura insiste sur le fait que les communautés impactées n’exigent pas l’impossible, mais la reconnaissance de leurs droits et la prise en compte de leurs préoccupations.
« Nous voulons simplement que les préoccupations légitimes des populations soient prises en compte avec sérieux et respect »,a-t-il indiqué.
Monsieur Bangoura adresse une série de demandes précises aux entreprises impliquées, notamment WCS et ses sous-traitants :
- Retirer les boues accumulées dans le port de pêche artisanale de Bakia afin de permettre aux pêcheurs de reprendre leurs activités ;
- Réparer les préjudices agricoles subis à Sounganyah en engageant sans délai des mesures de compensation ;
- Mettre en place une mission conjointe à Kaléyiré pour évaluer objectivement les fissures signalées sur les habitations et définir des indemnités justes ;
. Renforcer la transparence dans le traitement des plaintes, en associant systématiquement le comité de suivi aux mécanismes de résolution.
Aux autorités locales, il demande :
- Un accompagnement actif dans le suivi des engagements pris par les entreprises
- Un soutien clair au comité de suivi, présenté non comme un frein au développement, mais comme un acteur citoyen opérant dans un cadre légal.
Appels à l’appui des ONG et réactions des autorités locales
Les communautés impactées appellent également les partenaires techniques et les ONG à maintenir leur accompagnement. Leurs attentes sont claires :
- Poursuivre le soutien aux communautés, notamment à travers la formation, l’accompagnement juridique et la médiation ;
- Relayer les préoccupations locales au niveau national, afin de favoriser une meilleure coordination entre les différents acteurs du projet.
Présent lors de la rencontre, Mamadouba Camara, conseiller communal de Kaback, a exprimé sa position avec fermeté mais ouverture :
« Nous croyons toujours au potentiel du projet Simandou, mais un grand projet n’a de valeur que s’il respecte ceux qui l’accueillent. Nous n’attendons pas de discours. Nous attendons des actes concrets, des réponses claires, des engagements tenus »,a-t-il lancé.
Il a rappelé que la préfecture de Forécariah n’est pas opposée au développement, mais exige un développement équilibré, inclusif et respectueux des ressources locales et des droits des habitants.
« Tant que nos préoccupations ne seront pas prises au sérieux, nous continuerons à faire notre travail : documenter, alerter, proposer et sensibiliser. La paix et le progrès durable ne se construisent pas dans le silence, mais dans la responsabilité partagée », a-t-il prévenu.
Par ailleurs, Mamadouba Camara a signalé un effort en cours, tout en pointant les lenteurs : « Les sociétés minières ont recensé 190 pirogues détruites par les navires. Elles prévoient d’indemniser les victimes. Le problème, c’est le retard dans l’exécution de ces indemnisations »,a-t-il conclu.
Mamadou Yaya Bah
De retour de Kaback Pour Africaguinee.com
Créé le 20 mai 2025 19:20Nous vous proposons aussi
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