Retour des talibans en Afghanistan, cas du sahel : Qu’en pense Bah Oury ?

Bah Oury

CONAKRY-Comment expliquez le retour des talibans au pouvoir en Afghanistan ? Quelles conséquences cela peut-il y avoir sur la géopolitique internationale ? Faut-il craindre un scenario similaire au Mali où depuis environ dix ans des forces internationales combattent des terroristes ? Bah Oury livre son analyse dans cette seconde et dernière partie de l'interview qu'il nous a accordée.


 

AFRICAGUINEE.COM : Comment expliquez-vous le retour des talibans au Pouvoir en Afghanistan ?

BAH OURY : Il ne faudrait pas voir ce qui se passe aujourd’hui et oublier le long processus que ce pays a traversé. Parce qu’il faut cerner les causes réelles et profondes de la crise Afghane pour comprendre les réalités d’aujourd’hui. D’abord, il faut se rendre compte que ce pays a été en proie à une lutte de pouvoir à la fin des années 70 entre des factions qui se proclamaient Marxistes-léninistes et qui ont mis à bas le royaume d’Afghanistan (…). Parce que c’était un roi qui était à la tête de ce pays. Donc, cette élite Marxisante de type soviétique a voulu changer la société avec des méthodes qui ont cours dans la sphère soviétique de l’époque. La société afghane a rejeté cet état défait et, est rentrée profondément dans une dissidence avec l’émergence des seigneurs de guerre par-ci par -là, favoriser par un relief qui est particulièrement montagneux et inaccessible.  Donc, la montée en faction Marxisante a été obligée à un moment donné, d’appeler au secours l’Union Soviétique. Là aussi la révolte a pris une autre envergure à caractère nationale pour s’opposer à l’invasion de l’Afghanistan par l’Union Soviétique.

 Vous connaissez ce que cela a coûté d’abord aux populations afghanes et à la société soviétique qui a été profondément traumatisée par la crise afghane. Et cette crise a contribué à la dislocation nette à l’affaiblissement de l’union soviétique en tant que super puissance. Il est très important de rappeler ceci parce que de cette crise de l’invasion de l’Afghanistan par l’Union Soviétique, a emmené beaucoup d’adeptes d’un islamisme rigoureux à venir au secours d’une population afghane sous le couvert de la fraternité islamique pour s’opposer au communisme. C’est dans ce processus que Al-Qaïda et Oussama Ben Laden a vu le jour, aidé en partie par les services secrets pakistanais et aussi la CIA pour s’opposer à l’Union Soviétique et l’Arabie-Saoudite également. Donc, de fil à aiguille, vous voyez comment l’enchevêtrement de la géopolitique mondiale a été impactée par ce petit pays qui est l’Afghanistan jusqu’à aujourd’hui prendre une envergure quasi mondiale. L’Union Soviétique a été défaite et dans ce processus, les forces qui étaient venues combattre les communistes de l’Union Soviétique ont continué dans leur stratégie d’affirmation d’une identité religieuse, radicale et se sont mis à contester l’ordre tel qu’il était dans les pays notamment en Arabie-saoudite.

Et c’est comme ça que le visage d’une dynamique de résistance à caractère religieux a pris un tournant avec une vision terroriste. Le reste tout le monde le sait (…), le 11 septembre 2001, les conséquences de cela, l’intervention des forces de la communauté internationale conduite par les Etats-Unis d’Amérique. C’est maintenant, à ce niveau là que 20 ans après, on se rend compte qu’on revient quasiment à la case départ avec une société afghane qui n’est pas du tout prompte à accepter le joug d’une force externe à la société de ce pays. Bref, le processus qui permettra la normalisation de l’Afghanistan, peut-être est en cours de manière imperceptible. C’est le temps qui nous permettra de savoir est-ce que les 20 années de présence des Forces occidentales auront contribué à modifier en profondeur les rapports de force au sein de la société afghane. Actuellement ce sont les armes qui ont pris le dessus. Peut-être les dynamiques intellectuelles et spirituelles pourront être impactées autrement, mais attendons de voir la suite.

Au Mali, il y a environ une décennie que la communauté internationale combat ses forces asymétriques, le djihadisme. Est-ce qu’il faut craindre un tel scenario similaire ?

Au mali en 2012, ce scenario était en voie d’être atteint, il a fallu la courageuse intervention du président Hollande pour stopper les forces Djihadistes, pour qu’elles ne prennent pas tout le sud du Mali. Donc, malheureusement de la même façon que les forces externes internationales, dès quelles interviennent dans un endroit, amène de par l’expérience que nous avons constaté, les gouvernants locaux à sombrer dans la corruption et la médiocrité. L’Afghanistan, l’élite au pouvoir qui étaient alliées aux forces occidentales a beaucoup plus profité des mannes financières au lieu d’organiser leur pays, de le reformer dans le sens de satisfaire une demande sociale et de gagner par conséquent la guerre autrement. Il a fallu que les Etats-Unis se retirent pour que du jour au lendemain, une armée qui a été batie pendant vingt ans avec de gros moyens, se disloque comme un château de cartes.

Au Mali également lorsque vous remarquez ce qui se passe, au lieu de s’atteler à l’indispensable nécessité de redressement national , les élites au pouvoir , qui sous le couvert de la présence des forces étrangères ont plus chercher à satisfaire les appétits d’ogres au lieu de s’intéresser à reformer la société malienne, à trouver les voies et moyens à corriger les disparités régionales, d’intégrer les populations dans une dynamique nationale de construction et de satisfaction des besoins de premières nécessités, ça été tout à fait le contraire. C’est comme une soldatesque qui se promène en pays conquis et considère ses propres citoyens comme étant des êtres corvéables à merci. Cela a fait émerger d’autres formes de résistance, d’autres luttes pour la survie. C’est la mauvaise gouvernance, l’incapacité des gouvernants locaux à intégrer l’ensemble de leur communauté nationale dans une vision intégrationniste qui a emmené des forces de caractère communautaire à émerger sous prétexte de protéger les leurs.

Lorsque vous protégez les vôtres avec une confusion idéologique pour le fait d’être salafiste est lié beaucoup plus à l’appartenance ethnique, cela a emmené des conséquences de dislocation des anciennes solidarités et unifier les communautés par exemple. Aujourd’hui, vous voyez ce qui se passe : instabilité politique, des gouvernants qui changent régulièrement, corruption à vue d’œil de manière éhontée. Avec ça, il est impossible de construire un sentiment national fort, de consolider les acquis de l’édification d’une administration au service du développement. Donc, ce n’est que des châteaux de cartes qui s’érigent à côté.  Le Mali est le ventre-mou dans le sahel. Maintenant la question sur la situation malienne, elle est différente relativement de pays comme le Niger ou comme le Burkina-Faso, qui ont l’air d’être beaucoup plus près de leurs populations et qui ont une intégration nationale beaucoup plus poussée. Je ne dis pas que c’est parfait, mais le vrai problème en d’autres termes, c’est le sud algérien et le Mali également.

Faut-il craindre que le jour où ces forces étrangères se retirent qu’il n’y ait un retour en force des Djihadistes ?

C’est difficile de dire comment les choses se feront exactement. Mais la situation de l’Afghanistan emmènera les forces étrangères à s’éloigner de plus en plus  d’une implication forte dans les conflits de nature asymétrique comme le sahel. Comme le dit le président BIDEN ‘’Nous avions des objectifs précis en Afghanistan, punir ceux qui sont les auteurs du 11 Septembre 2001 et aussi lutter contre les forces qui risqueraient de menacer les Etats-Unis d’Amérique à travers des actions terroristes’’.

La logique qui va se développer ce serait que les forces internationales vont avoir des attitudes et des dynamiques à caractères chirurgicales pour qu’avec des cibles limitées, ils ne vont pas chercher à dire que nous sommes là à remettre en selle un Etat pour qu’il fonctionne correctement. Les priorités seront de contrecarrer toute force susceptible de menacer leur territoire. Ce n’est pas le territoire malien ou sahélien qui leur importe, c’est tout ce qui est susceptible de menacer par exemple l’Europe doit être puni et étouffer à la racine.

Donc, ce sont des opérations chirurgicales. Il appartient aux gouvernements locaux, c’est-à-dire aux dirigeants africains de prendre en charge la question du développement, de la demande sociale et de la sécurité. De plus en plus, les forces internationales vont se retirer d’une vision planétaire, universaliste pour se contenter simplement de ce qui peut leur permettre d’assurer leur sécurité nationale. L’égoïsme étatique va se renforcer au détriment d’un sentiment internationaliste qui de plus en plus est en berne.

 

Bah Boubacar Loudah

Pour Africaguinee.com

Tél. : (00224) 655 311 113

Créé le 19 août 2021 13:56

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