Récit émouvant de KTSD, mariée à l’âge de 12 ans avec…un inconnu

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LABE- Son histoire est un cas d’école ! Mariée à l’âge de 12 ans avec un inconnu, mademoiselle KTSD a vécu l’enfer pendant plus d’un an. Elle qui était très brillante à l’école, a été obligée d’abandonner ses cours. La violence, l’humiliation, cette jeune fille a connu tout dans son foyer. 

Son histoire, elle nous la raconte dans cette interview. Aujourd’hui, elle a retrouvé le sourire ; Mais elle garde encore en mémoire l’enfer qu’elle a vécu depuis son village jusqu’en Côte d’Ivoire. 

 

AFRICAGUINEE.COM : Vous avez été victime de mariage précoce. Expliquez-nous comment tout cela est arrivé…

KTSD : Merci d’avoir pris le temps de m’écouter ! Mon histoire a commencé lors d’un concours de lecture coranique où j’ai été première dans mon village. C’est là que les  parents de mon ex-mari m’ont remarqué sans que je ne me rende compte. Deux jours après, mon père m’a envoyé faire des achats dans une boutique du village. Sur le chemin, j’ai rencontré une femme (la coépouse à ma belle-mère, Ndlr) qui portait un sceau d’eau. Par politesse, j’ai pris le sceau pour déposer chez elle. Les jours qui ont suivi, les parents du jeune sont venus dans ma famille alors que j’étais à l’école. C’était en 2012,  j’avais 11 ans et demi. Je faisais la 5ème année (CM1, Ndlr). À mon retour à la maison ce jour, mon père m’a fait savoir qu’il y a des prétendants me concernant. Il s’agissait du fils de son meilleur ami au village. J’ai dit à mon père que ma préoccupation c’est d’abord les études. Il a dit qu’on verra alors si la dernière décision me revenait. Nous n’avons plus abordé le sujet. Malgré tout, je voyais des sages venir avec des colas mais mon esprit était ailleurs pensant que ça ne me concernait nullement pas. Je continuais tranquillement mes cours en franco-arabe. 

C’était sans savoir qu’on m’a donné en mariage. Quelques mois plus tard, mon père m’a appelé pour me dire que je suis désormais la femme de quelqu’un en présence des sages et imams de notre village. Surprise, je suis restée longtemps silencieuse en train de pleurer. C’est quand les visiteurs sont partis que j’ai pu adresser un mot à mon père marquant mon désaccord. Je lui ai dit encore que je veux étudier d’abord.  Quand il a compris que je ne suis pas du tout d’accord, pour m’obliger à accepter il a menacé de renvoyer ma mère. Parce que selon lui, elle serait complice. 

J’ai tenté deux fois de quitter la famille pour aller vers une destination inconnue, mais ma mère me rattrapait pour me ramener à la maison. Elle-même m’a dit un bon matin : « est-ce que tu es prête à être à l’origine de mon divorce avec ton père ? ». Elle m’a dit ça en pleurant. Son visage coulait de larmes. Voyant ma maman dans cet état, j’ai obtempéré. J’ai accepté. Le mariage a été célébré un jeudi en 2013. Je faisais  maintenant la 6ème année(CM2). Après le mariage je vivais dans ma belle-famille. C’était un moment difficile pour moi de vivre en dehors de ma famille biologique. Au lendemain même du mariage, le vendredi je suis allée à l’école tellement que j’aimais les études. J’ai surpris plus d’un  quand les gens m’ont vu à l’école le lendemain de mon mariage. Les maitres ont sorti tous les enfants pour me saluer. On disait madame est venue, la nouvelle mariée est venue (elle verse des chaudes larmes NDLR). 

Votre mari n’était pas présent au mariage ? 

Il était absent. C’est deux mois après le mariage qu’on me dit que le moment est arrivé de rejoindre mon mari en Côte d’Ivoire. Je ne voulais pas. Je suis allée demander  à mon père qu’on me laisse faire la 6ème  jusqu’à l’examen. Mon père m’a répondu qu’il n’a plus à décider de mon sort. C’est à mon mari de gérer maintenant parce qu’il m’a donné en mariage. La belle-famille aussi s’est opposée à la poursuite de mes cours, leur objectif c’était de m’envoyer chez mon mari. J’ai pleuré de toutes mes forces mais personne n’a voulu être de mon côté. Je suis allée dire au revoir à mes maitres d’école qui m’ont prodigué des conseils, d’être courageuse, de rester moi-même.

Le vieux avec lequel je devrais partir en Côte d’Ivoire est venu me prendre, nous sommes venus à Labé où nous avons passé trois semaines avant de bouger pour la Côte d’Ivoire. On m’a débarqué chez la grande sœur de mon mari  dans la sous-préfecture  de Bonoua qui relève de la région de Sud-Comoé  qui fait frontière avec le Ghana. Trois jours après mon mari est venu me prendre pour m’envoyer chez lui dans la ville d’Adiaké, à 33 km de Bonoua dans la région de Sud-Comoé.

Aviez-vous connu votre conjoint avant votre mariage ou échanger avec lui sur les préparatifs de la cérémonie ?

Ce n’est pas un mariage comme vous le pensez en ville ici. C’est un mariage où on ne fait que l’essentiel, et c’est moins de 10 personnes qui se retrouvent pour nouer tout. Après quelques femmes de la belle-famille viennent vous chercher. Je précise que c’est un mari que je n’ai  pas vu et connu auparavant. Même lors des démarches du mariage, je n’ai pas parlé avec lui. C’est quand il est venu me chercher que je l’ai vu pour la première fois. Nous sommes partis. J’ai émis l’idée de continuer mes études il me dit non que je suis venue pour le foyer, de me défaire de cette idée. Avec mes insistances, un matin une dame est venue lui parler à notre véranda en ces termes : « cette fille que tu as épousée parait être têtue, ce que tu dois faire, il faut l’inscrire à l’école, quand elle sera enceinte elle sera obligée d’abandonner. Je connais même un marabout si tu veux je peux t’aider dans ce sens ». Une conversation que j’ai bien captée à partir de mon lit. Et c’est une femme qui est parenté à nous, originaire de la même préfecture que nous en Guinée.

Après il est parti au travail. À son retour j’ai posé encore le problème pour la reprise des cours, il a décidé de m’inscrire mais comme il y avait un test à faire, il était convaincu que je n’allais pas réussir puisque je venais de la Guinée. Heureusement j’ai réussi ce test au premier essai. C’était toujours au franco-arabe. L’un des maitres qui est Oustaz Bakayoko, directeur de l’école me suivait de près. Entre temps un concours annuel a été organisé entre les élèves. Celui qui réussissait devait partir à Abidjan. Mon mari s’est opposé sans m’informer. C’est à la veille du concours que je me suis rendu compte que mon nom ne figure pas sur la liste. J’ai prié les encadreurs qui ont finalement mis mon nom. Le jour du concours j’ai dit à mon mari de m’accompagner, il m’a dit qu’il n’a pas le temps pour ça parce que je n’ai pas le niveau et que je faisais semblant d’être une élève brillante alors que ce n’est pas le cas.  J’ai participé et puis j’ai finis 2ème du concours derrière Abdoulaye Bakayoko, un ivoirien, après moi une sénégalaise du nom d’Aminata Sidibé. Le jour de la remise des diplômes, j’ai pleuré l’absence de mes parents parce que tous les enfants qui ont eu le concours avaient leurs parents à côté. Je me rappelais comment mes parents étaient heureux au village quand j’étais première de la classe. Je me suis sentie seule. C’est quand la mère d’Aminata Sidibé m’a vu en larmes elle est venue prendre mon diplôme pour dire que c’est ma fille. J’ai reçu beaucoup de cadeaux avec des honneurs et je suis rentrées à la maison montrer à mon mari. Il m’a dit quitte là-bas, ce n’est pas mérité. C’est parce que tu es belle. Après il a menacé de m’enfermer à la maison. A un certain moment, je ne sais pas par quel miracle, mais je me sentais plus bien. Je me sentais tout le temps fatiguée. Même pendant la période des examens, je partais en retard. J’ai été convoquée à l’école, et je leur ai dit que je ne comprenais rien de tout ce qui m’arrivait. Un soir, j’ai voulu discuter de ça avec mon mari, mais il m’a frappée et m’a jetée au dehors alors que j’étais à moitié nue et il pleuvait. C’est un jeune garçon de qui m’a vu, il a demandé à sa mère de m’envoyer chez elle. Cette dernière m’a apporté un pagne. Cette dame a voulu même porter plainte contre mon mari. Je lui ai dit de laisser tomber c’est mes parents qui ont voulu cet enfer pour moi.

Vous êtes restée combien de temps avec votre mari avant de demander le divorce ? 

Je pense que notre mariage n’a duré qu’un an et demi. Quand j’ai abandonné les cours, finalement même la journée il rentrait à la maison pour coucher avec moi. Je lui disais que j’ai une jeunesse à préserver, et il me frappait quand je refusais. Parfois il rentrait à 22h, il s’habille et il ressort pour ne rentrer que vers 2h du matin. J’avais peur de lui parce qu’il m’avait même blessé avec un couteau au niveau de mon bras, et sur mes parties intimes également. 

Un jour je suis allée chez une de mes sœurs, avec l’autorisation de mon mari. Je devais y rester pour un mois. Mais un jour il m’a appelé pour me dire de venir prendre mes bagages pour rentrer chez mes parents. J’ai enregistré ce qu’il a dit pour faire écouter à ma sœur. 

Malgré tout, je suis repartie chez lui et je suis restée là-bas pendant 25 jours. C’était même pendant le ramadan. Un de ces jours également, une fille ivoirienne de l’ethnie Agni est venue me demander si j’étais la femme de Saliou, j’ai dit oui. Elle me dit après que la grossesse qu’elle portait c’est Saliou le père. Elle est restée à la maison jusqu’à ce que mon mari revienne du boulot. Après avoir fait sa toilette, il a mangé et a invité cette fille à venir rester avec lui au lit. Toute la nuit, ils étaient dans mon lit. Puis que c’était un appartement d’une pièce, j’étais obligée de prendre une natte et de me coucher à même le sol. Pendant ce temps, je priais Dieu de me donner la force afin que je ne réagisse pas. 

Durant mon séjour, je me confiais à une amie chrétienne du nom de Maaté Kouao. Elle me remontait le moral. 

Qu’est-ce qui a déclenché votre départ du foyer finalement KTSD ?

D’abord le mari m’a laissé sur place pour aller s’installer à Grand Bassam. Je suis tombée malade entre temps, le mari à sa sœur m’a envoyé à l’hôpital puis chez lui. C’est ce dernier qui a appelé mon père pour lui expliquer la situation. Mon père lui a demandé de faire pour moi tout ce qu’il peut faire pour son propre enfant. C’est comme ça il a trouvé le mieux pour moi c’est de rentrer au pays. Entre temps mon grand-frère m’a envoyé 55 000 FCFA pour que je rentre. Il me dit désormais si ton mari veut vivre avec toi il va se présenter à nous afin qu’on discute de tout ça. Les jours qui ont suivi je suis rentrée. A mon arrivé j’ai appelé mon père pour demander où je dois aller, il me dit là où tu étais sortie pour aller chez ton mari, donc dans ma belle-famille. Ce qui fut fait. C’était en fin décembre 2014. Au lendemain de mon arrivée je suis allée saluer mes parents. Dès qu’ils ont vu mon état, tout le monde a fondu en larmes y compris mon père qui a dit c’est en voulant le bonheur pour toi que tout ce mal t’est arrivé. Ma mère est restée inconsolable pendant un bon moment mais j’ai juste dit que c’était une aventure pour ce que j’ai vécu. C’est compte tenu de mon état que mon père m’a laissé rester chez nous enfin.

Comment avez-vous eu le courage de reprendre l’école dans votre village sachant pratiquement que vous avez perdu 2 ans ?

Mon retour a coïncidé à l’établissement de la liste des candidats pour les examens nationaux. J’ai plaidé pour qu’on me laisse reprendre les cours au moins en attendant. Ma maman a dit que la décision revenait à mon papa. Cette fois ci j’ai décidé de retourner à l’école contre leur gré. Je ne voulais pas retomber dans les mêmes erreurs. Je suis allée me présenter, mon ancien maitre était toujours là. Il m’a dit le mieux pour moi c’est de trouver un métier, surtout que ce sont des petits enfants seulement qui sont là, mes jeunes frères et sœurs de loin. Je lui ai dit que ma volonté c’est de faire l’examen. Mon nom a été inséré sur la liste des candidats, j’ai repris les cours en franco-arabe. Quand mon père s’est rendu compte il est allé demander aux maitres de me chasser là-bas. Mais j’ai continué, je sortais en cachette et puis ma mère me donnait la tenue par la fenêtre. J’ai passé mon examen avec mention et première de ma préfecture en série Franco arabe. C’est ce jour que je me suis réconciliée avec mon père. Je me rappelle de ses mots : «  je suis désolé ma fille, je vois que tu as une vision, à partir de maintenant je vais te laisser étudier ».C’était la session 2014-2015. J’ai continué comme ça à partir de la 9ème année, j’ai changé le franco-arabe pour faire l’enseignement général. je suis venue à Labé poursuivre mes études, j’ai eu mon BEPC avec mention  l’année dernière avec le rang de 54eme de la région. Cette année je suis en 11eme Année. Je cherche à oublier ce passé douloureux pour moi mais il me hante encore, mais je remercie Dieu qui m’a donné le courage de continuer mes études malgré le retard. Si je pense aux autres filles avec lesquelles je me suis mariée à la même période, je trouve que je suis mieux qu’elle. Je connais l’une parmi nous qui s’est mariée à un homme installé aux Etats-Unis. On a amené la fille à Conakry où elle a attendu son mari quelques années, il est venu l’enceinter et partir. Finalement il a annoncé qu’il l’a renvoie de chez lui. Quelques années après il a eu un autre enfant hors mariage. En fait personne d’entre nous n’a trouvé le bonheur au foyer parce que nous n’étions pas prêtes à vivre avec un homme.

Avez-vous un message particulier à adresser aux parents ? 

À toutes les mères, à tous les pères, surtout les pères, arrêtez de faire souffrir vos enfants. Ne pensez pas que vos filles à bas âges ne vont réussir que dans un foyer. La réussite de la fille ou tout enfant réside dans l’éducation. Elle peut réussir à travers ses études et épouser l’homme qu’elle aime quand elle aura l’âge requis pour le mariage. Qu’ils arrêtent de faire marier les filles de force et précocement. Toute fille qui a été victime comme moi qui verra cette interview doit se battre pour ne pas abandonner ses études ou son métier à cause de d’un foyer. On m’a marié à 12 ans, j’ai perdu un an et demi de cours avant de reprendre en Guinée, j’ai mes 18 ans aujourd’hui, c’est le 31 mars 2020 que j’aurais mes 19 ans. Je suis en retard mais ça ne fait rien, je suis déjà en 11ème année. Je ne baisserai pas les bras. Les mères aussi ne doivent pas céder sous la pression du père qui les menace de divorce au cas où leurs filles n’accepteraient pas de se marier. Elles doivent rester du côté de la fille parce que c’est difficile pour une fille de moins de 15 ans de vivre avec un homme. J’ai eu la vie sauve parce que j’ai rencontré des personnes qui m’ont remonté le moral sinon je ne serais pas là à vous raconter mon calvaire dans un foyer sans amour, sans paix. Depuis mon divorce, ma mère me présente des excuses à tout moment par rapport à ce que j’ai subi, elle se considère coupable de ce qui m’est arrivé. Elle comprend maintenant combien de fois j’ai subi. Dans mon village, nous étions 14 fillettes à être victimes de mariage précoce en 2012. Toutes de même âge presque. Certaines parmi nous sont dans le 2ème foyer, d’autres dans le 3ème. Une fille qui n’a pas encore 20 ans mais qui a connu plusieurs foyers. C’est insupportable. Certaines de nos copines ont été mariées à des personnes âgées.

 

Propos recueillis par Alpha Ousmane Bah(AOB)

Pour Africaguinee.com

Tél. (+224) 664 93 45 45

Créé le 30 décembre 2019 13:04

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